III.3. Détermination des espèces radicalaires responsables de la dégradation
III.3.1. Pour la carbamazépine
Pour mieux comprendre le processus photocatalytique et afin de déterminer
les espèces radicalaires responsables de la dégradation de la carbamazépine par le système BiOCl/AgCl/UV, des réactions de compétitions ont été mises en œuvre.
Pour ce faire, des pièges chimiques (triéthanolamine ou TEOA et isopropanol ou IPA) ont été introduits dans le mélange réactionnel et les conditions opératoires ont aussi été modifiées. Pour chacune des expériences, les cinétiques de disparition de CBZ ont été tracées et ces résultats sont présentés sur la figure ci-dessous.
92 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 C /C0 (% ) Temps d'irradiation(min)
Figure.III.14 : Cinétiques de photodégradation de la carbamazépine
(2,12x10-4 mol.L-1) en présence de BiOCl/AgCl (0,1 g.L-1) et de : (■) TEOA (▲) IPA (◄) bullage à l’azote (●) sans piège, T=22°C.
Afin d’évaluer l’influence de nos conditions expérimentales sur les mécanismes primaires de dégradation de CBZ, les vitesses initiales de dégradation ont été
systématiquement déterminées. Ces vitesses ont été déterminées en considérant les tous premiers points des cinétiques de disparition de CBZ (pour des temps
inférieurs ou égales à 5 min). Ce choix de prendre en considération les vitesses initiales et non pas les pourcentages de dégradation de CBZ à un temps donné (par exemple 180 min) s’explique par le fait que la détermination des mécanismes
primaires nécessite une étude en présence de CBZ uniquement et non pas d’un mélange constitué de CBZ et ses produits de transformation (pour des temps
supérieurs à 5 min). En effet, au-delà d’un certain temps d’irradiation, des produits de transformation de CBZ peuvent interférer dans les processus de transformation de CBZ du fait de réactions de compétition entre CBZ et ses produits de dégradation et les espèces réactives produites par l’absorption de la lumière par les oxychlorures
de bismuth. Le tableau III.6 répertorie l’ensemble des vitesses obtenues lors de l’utilisation des différents pièges chimiques et de conditions expérimentales
différentes.
Afin de déterminer l’effet de l’oxygène dissous à la dégradation de la carbamazépine, la suspension est soumise avant et durant l’irradiation à
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un courant d’azote pour chasser l’oxygène. Les résultats obtenus montrent que l’absence de l’oxygène moléculaire n’a aucun effet sur la réaction de transformation de la carbamazépine (Figure.III.14) car on obtient des cinétiques et des vitesses initiales confondues en présence et en absence d’oxygène.
Dans le cas des radicaux hydroxyles, la technique la plus utilisée est celle décrite par Buxton et al., [6] où l’isopropanol réagit avec ●OH présents dans le milieu pour former l’acétone (k = 1,9x109
mol.L-1.s-1). L’irradiation d’une suspension contenant la carbamazépine (2,12x10-4 mol.L-1) et BiOCl/AgCl (1 g.L-1) en présence de l’isopropanol (2%, v/v) montre que la dégradation de CBZ est ralentit (Figure.III.14). Ceci se traduit par une diminution significative de la vitesse initiale
(environ 2 fois) et ceci explique que les radicaux hydroxyles peuvent contribuer à la dégradation de la carbamazépine.
Pour déterminer la participation des trous positifs dans la dégradation
photocatalytique de la carbamazépine, 1 mM de la triéthanolamine a été ajoutée au mélange réactionnel pour produire le radical cation TEOA●+; une forte inhibition
de la dégradation de la carbamazépine a été obtenue après 3 heures d’irradiation. Si les réactions de surface des trous positifs sont bloquées par la triéthanolamine, les électrons de la bande de conduction ont la possibilité de réagir avec l’oxygène
dissous, du fait de la non recombinaison e-/h+, et par conséquent les seules espèces réactives formées sont issues de cette réaction.
En conclusion, comme la vitesse de dégradation a été fortement inhibée après l’élimination de l’activité des trous positifs (h+
) et ralentit en présence de l’isopropanol (tableau.III.6), ceci indique que les trous positifs sont
majoritairement responsables de la dégradation de la carbamazépine par le procédé BiOCl/AgCl/UV avec la participation des radicaux hydroxyles.
Tableau.III.6 : Vitesses initiales de dégradation la carbamazépine (2,12x10-4 mol.L-1) en présence de BiOCl/AgCl (0,1 g.L-1) et en présence des pièges chimiques ou en
fonction des conditions expérimentales
Sans piège Bullage à l’azote IPA TEOA Vitesse initiale
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III.3.1.1. Mécanisme de dégradation photocatalytique de CBZ en présence de BiOCl/AgCl :
Dans cette étude, la dégradation de la carbamazépine par la lumière solaire simulée en présence d'oxychlorure de bismuth dopé par le chlorure d’argent (BiOCl/AgCl) montre une réactivité très importante par rapport à celle observée avec les oxychlorures de bismuth non dopés, qui est dû à l’effet synergique des particules de BiOCl et AgCl.
Une fois excité par les photons, un électron de la bande de valence (BV) de AgCl sera éjecté vers sa bande de conduction (BC) créant une paire électron/trou (e-/h+) (eq.1). Ainsi, comme le potentiel de BC de AgCl (-0,09 eV) est plus négatif que celui de BiOCl (0,11 eV) [7], les électrons photogénérés à la surface de AgCl ont donc tendance à passer vers BC de BiOCl. De la même façon, les trous positifs formés à la surface de BiOCl (3,55 eV) peuvent se déplacer vers BV de AgCl (3,16 eV) ce qui empêche les recombinaisons e-/h+ au niveau des particules de BiOCl et AgCl et améliore de ce fait l’activité photocatalytique du système BiOCl/AgCl par rapport au BiOCl seul (Figure.III.15).
Figure.III.15: Mécanisme de l’activité photocatalytique de BiOCl/AgCl.
Il est à noter que le potentiel de la bande de valence de AgCl (3,16 eV) est plus positif que les potentiels redox des couples ●OH/OH- (1,99 eV) et H2O/●OH (2,3 eV) ; ce qui implique que les trous photogénerés (dans BV de AgCl) peuvent oxyder
95 la molécule d’eau et l’anion OH
pour produire les radicaux hydroxyles ●OH (eq.2 et 3).
BiOCl + hBiOCl (h+ + e-) et AgCl + hAgCl (h+ + e-) (1)
AgCl (h+) + H2O AgCl + H+ + •OH (2) AgCl (h+) + OH-AgCl + •OH (3) BiOCl (e-) + O2 O2 •-(4) O2•− + BiOCl (e−) + 2H+ H2O2 + BiOCl (5) 2O2•− + 2H+ O2 + H2O2 (6) H2O2 + BiOCl (e−) • OH + OH− + BiOCl (7)
De plus, les électrons photogénérés (dans la bande de conduction de BiOCl) ne peuvent pas oxyder l’oxygène dissous pour former le radical anion ou les radicaux hydroxyles (eq.4 à 7) car le potentiel de la bande de conduction de BiOCl (0,11 eV) est plus positif que le potentiel redox du couple O2/O2●-(-0,046 eV) ce qui empêche la production des radicaux superoxydes. Cette explication confirme les résultats obtenus en absence de l’oxygène (bullage à l’azote).