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Dans cette perspective, la caractérisation physique de l’environne- ment nocturne, plus qu’un objectif en soi, doit concourir à l’interpré- tation des qualités et configurations spatio-lumineuses mises en jeu sur chacun des sites étudiés. Elle s’appuie pour cela sur trois types de données.

1) Une description préalable de l’éclairage existant permet de dresser l’inventaire des différents dispositifs d’éclairage existants, public mais aussi commercial ou privé. Sont ainsi chaque fois décrits les sources (type de source, température de couleur, indice de rendu des couleurs37

), les luminaires et leur implantation (directions de lumière, modes d’éclairage).

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Pour l’équipe des concepteurs, cette trame au sol “trace le lieu même de la comédie urbaine”. Ajoutons que l’objectif du concepteur lumière était de construire un environnement lumineux qui assure la visibilité des piétons et des automobilistes lors de leurs déplacements et qui fasse de cette place un lieu de contemplation, d’agrément, de plaisirs et de confort visuel.” (Narboni, 1994, 158)

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Cette étape reste en outre difficile à mettre en œuvre. Etant donnée la complexité du contexte politico-financier qui a donné naissance à ce projet, très peu d’acteurs acceptent sans réticence de nous ouvrir l’accès aux documents d’archives.

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L’indice de rendu des couleurs (IRC) rend compte de la capacité d'une source lumineuse à restituer la couleur de surface des objets qu'elle éclaire. Pour le déterminer, la source considérée est testée en comparaison avec une source de référence sur un échantillon de huit couleurs de surface normalisées. L’IRC fourni par le fabricant de la source n’est que la moyenne de ces huit IRC individuels. L'indice de rendu des couleurs est établi sur une échelle allant de 0 à 1 0 0 (100 correspondant à la lumière blanche naturelle qui possède un spectre complet et continu).

E T H N O G R A P H I E S E N S I B L E - S . F I O R I / R . T H O M A S / 3 1

2) Des mesures d’éclairement38

horizontal au sol, effectuées selon une trame régulière, procurent une sorte de cartographie de l’environnement nocturne (niveau d’éclairement moyen, degré d’uniformité39

). De ce point de vue, on peut d’ores et déjà noter que l’éclairage public des deux places présente des valeurs d’éclairement au sol très faibles (2 lux en moyenne) et relativement uniformes.

3) Plus proches des critères de perception, des mesures de lumi- nances40

ponctuelles permettent enfin de qualifier un ensemble de scènes visuelles correspondant à des situations de perception types, choisies le long des trajets les plus empruntés par les usagers, en vision lointaine, semi-lointaine ou proche. Pour chaque scène, les points de mesure ont porté sur les principaux objets ou surfaces visibles. Le dépouillement de ces mesures montre alors d’abord com- ment se répartissent les luminances, en termes d’échelles de valeurs (valeurs minimales et maximales) et en fonction des types de sources, primaires (éclairage public, commercial, privé ou de signalisation) et secondaires (ciel, façades, sol, mobilier urbain…). Cette première des- cription met ainsi en évidence la manière dont est globalement structuré l’environnement nocturne de chaque place. De ce point de vue, on soulignera dès à présent que les deux terrains présentent des environnements lumineux nocturnes très contrastés, avec de larges surfaces très sombres (de moins d’1cd/m2 au sol à 5-10 cd/m2 sur les façades) et des sources primaires ponctuellement plus intenses. Mais surtout, l’analyse précise de chaque scène visuelle permet de décrire finement l’organisation du champ visuel selon différents points de vue : le calcul des principaux contrastes d’intensité permet ainsi de définir la prégnance relative de chaque plan visuel (horizontal et verti- cal, proche et lointain) et de caractériser l’environnement en termes d’effets lumineux. Place Schuman, le dispositif d’éclairage scénogra- phique vient ainsi renforcer certains effets visuels créés par la confi-

On considère un IRC comme correct à partir de 50 ; des valeurs de 85 à 95 indiquent u n excellent rendu des couleurs.

La température de couleur d’une source (T), exprimée en degrés Kelvin, caractérise la teinte de cette source. Elle est établie en référence à la courbe de chromaticité d’un radiateur thermique idéal, le “radiateur de Planck” ou “corps noir” La tonalité d’une source constitue un critère très important, elle qualifie l'impression visuelle ressentie (chaude ou froide) et la coloration de la lumière émise (orangée, dorée, jaune, bleutée). Les sources dites de teinte froide sont ainsi celle dont la température de couleur est supérieure à 3 000 K (3 000 K correspond aux lampes halogènes). A l’inverse, une température de couleur inférieure à 3 000 K correspond à une source de teinte “chaude”.

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L'éclairement (E), exprimé en lux, permet de quantifier la lumière reçue par une surface. Indépendant de la nature de cette surface, il est fonction de trois paramètres :

- l’intensité lumineuse qui arrive dans une direction donnée (plus cette intensité est importante, plus le point est éclairé) ;

- la distance à la source, ou plus exactement l’inverse du carré de la distance (d’où une décroissance rapide de l’éclairement avec la distance) ;

- l’inclinaison de la surface éclairée. 39

A souligner que l’évaluation de ce degré d’uniformité ne répond pas aux recommandations et aux techniques de mesure très précises définies par l’Association Française d’Eclairage. 40

La luminance (L), exprimée en candela par mètre carré, est l’expression du rapport entre l’intensité émise en direction de l’œil et la surface apparente qui émet cette intensité. Cette notion introduit donc en quelque sorte (par rapport à l’éclairement), le facteur perceptif. La luminance quantifie ainsi l'impression lumineuse perçue par un observateur qui regarde une source ou une surface dans une direction donnée. Elle dépend :

- de l’intensité lumineuse dans la direction considérée ; - de la distance à la source ;

- de l’angle d’observation de la surface éclairante ; - de la taille et de la nature de cette surface.

La mesure des luminances permet ainsi de qualifier une scène visuelle à un moment donné, notamment par le calcul de contrastes. Pour cette recherche, nous avons utilisé u n luminancemètre possédant un angle de visée limité à 1° : outre le risque d’erreur lié au mesurage de sources ponctuelles très éloignées (ne couvrant pas tout à fait l’angle de visée), ce type de mesure ne tient pas compte de la réalité de notre vision périphérique, pourtant primordiale de nuit. Précisons en outre que si nous évaluons notre environnement sensoriel par comparaison, ces comparaisons ne sont pas forcément ponctuelles mais portent aussi sur l’évaluation entre elles de différentes aires s’offrant au regard. Autrement dit, pour rendre compte au mieux des caractéristiques de notre regard, des valeurs de luminances moyennes seraient également pertinentes. En ce sens, il conviendrait également de pondérer les contrastes ponctuels en rendant compte de l’importance de chaque gamme de luminosité dans notre champ visuel, en l’occurrence ici en calculant le pourcentage de la surface couverte par chaque gamme de luminances.

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guration architecturale (cadrage, symétrie), en même temps que l’ou- verture visuelle sur l’environnement urbain alentour tend à favoriser un regard lointain et horizontal. Place des Terreaux, l’environnement nocturne apparaît plus complexe, donnant plutôt lieu, malgré l’ordon- nancement formel de l’architecture, à des motifs lumineux pointillistes.

Au terme de ce relevé métrologique et de son analyse, le repérage de phénomènes sensibles liés à la structuration visuelle de l’environ- nement nocturne permet ainsi de faire, pour chaque terrain, des hypo- thèses interprétatives confrontées avec les résultats issus de l’obser- vation des conduites usagères.

CARACTERISATION

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