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Caractérisation d’un nouveau modèle murin déficient en FVIII et humanisé pour le HLA-DRB1*01:01

(Non soumis, en préparation)

L’étude de la réponse immunitaire anti-FVIII est aujourd’hui l’un des sujets primordiaux de la recherche sur l’hémophilie A. Ainsi, de nombreux modèles animaux sont utilisés. Certains ont une hémophilie spontanée, comme le chien, le mouton, le chat ou le cheval381. Si l’hémophilie A chez le cheval est plus sévère que ce qui est observé chez l’homme, le chien hémophile A possède le même mode de transmission que l’homme, présente des symptômes cliniques comparables et la fréquence d’apparition des inhibiteurs en réponse au FVIII est identique. Cependant, l’utilisation de ces animaux est compliquée par le nombre d’animaux disponibles, leur entretien et leur coût. Ainsi, des modèles expérimentaux de petits animaux ont été développés. Des modèles d’hémophilie induite ont été générés par injection d’anticorps anti-FVIII, notamment chez le lapin, le singe ou la souris. Si cela cause effectivement une diminution du taux de FVIII circulant, l’hémophilie induite est transitoire. C’est la raison pour laquelle des modèles murins génétiquement modifiés ont été développés382.

Des souris ont été invalidées pour le gène F8 par insertion d’une cassette néomycine dans l’exon 16 (E16) ou 17 (E17). Les deux lignées ainsi obtenues ont des niveaux de FVIII indétectables et l’activité FVIII est inférieure à 1% de l’activité normale du FVIII, mimant un phénotype sévère de la maladie383. Si aucun saignement spontané n’est détecté dans ces lignées, elles présentent de nombreux avantages pour l’étude de la réponse anti-FVIII puisque 70 à 100% des souris développent des inhibiteurs après plusieurs administrations intraveineuses de FVIII thérapeutique333,384. Les modèles murins invalidés pour le FVIII sont aujourd’hui essentiellement issus de ces deux lignées initiales. Seuls quelques autres modèles ont été développés, notamment celui décrit en 2016 où l’intégralité du gène F8 est déleté, présentant des caractéristiques similaires aux E16385. De plus ces souris, comme les patients, développent une réponse immunitaire au cours de laquelle le FVIII est endocyté, présenté par le CMH II à des LT CD4+, conduisant à leur

activation et à la différenciation de LB spécifiques du FVIII en LB mémoires et en plasmocytes sécréteurs d’anticorps.

Cependant, dans ces modèles, ce sont des cellules présentatrices d’antigène murines qui endocytent le FVIII et le présentent sur un CMH II murin. Or, le répertoire de peptides présenté dépend de l’affinité de ces peptides pour le CMH II. Ainsi, le répertoire présenté dans les modèles murins actuels est-il le répertoire correspondant au CMH II murin, reconnu par un TCR murin. Ces modèles ne permettent donc pas l’étude des peptides présentés chez l’homme, de comparer les peptides présentés dans différents contextes (avec/sans vWF, FVIII/FVIIIa…), ni même la validation de molécules de FVIII dans lesquels les épitopes T ont été modifiés.

Les premiers modèles murins humanisés pour le CMH ont été caractérisés dans les années 1990s et exprimaient alors les allèles humains, en plus des allèles murins386. Dans ces modèles, la contribution de chacun des CMH étaient difficile à évaluer. Puis le CMH murin a été invalidé et des modèles exprimant uniquement le CMHI humain ont été développés. Ces modèles ont principalement été utilisés pour l’étude de la réponse immunitaire dans des maladies auto-immunes. Ils ont notamment permis de mettre en évidence l’importance des LT CD8+ dans la sclérose en plaque et le diabète de type I, mais également de détecter des LT auto réactifs vis-à-vis du collagène de type II dans l’arthrite rhumatoïde387. Plus récemment, des modèles murins humanisés pour le CMH II ont été utilisés pour identifier des peptides immunodominants (peptides les plus prompt à déclencher une maladie donnée) dans l’arthrite rhumatoïde, la sclérose en plaque, le diabète sucré insulino-dépendant ou encore la maladie cœliaque388. Ils ouvrent ainsi la voie au développement d’immunothérapies spécifiques de ces antigènes afin de remplacer les traitements immunosuppresseurs actuels, non spécifiques.

Concernant le FVIII, il y a quelques années, un modèle murin déficient en FVIII, en CMH I et II murins et humanisé pour le CMH II a été développé389. Ce modèle exprime l’allèle DRB1*15:01 du CMH II humain et développe une réponse immunitaire anti-FVIII plus faible que les souris E16. En revanche, la distribution isotypique des inhibiteurs est similaire dans les deux lignées. Ce modèle a permis aux auteurs de générer un peu moins

de 200 hybridomes de LT exprimant des TCR spécifiques de cet allèle et d’identifier 8 régions contenant des épitopes T reconnus par ce CMH.

L’objectif de cette partie de ma thèse était de développer et caractériser un modèle murin d’hémophilie A, invalidé pour les CMH I et II murins, mais exprimant les CMH humains de classe I HLA-A2.1 et de classe II HLA-DRB1*01:01. En effet, l’allèle 01:01 est un des plus présents dans la population caucasienne et est retrouvé chez 10% des patients hémophiles144. J’ai donc commencé par caractériser le système immunitaire des souris naïves en évaluant leurs taux d’IgM et d’IgG, ainsi que le nombre des populations de cellules immunitaires. J’ai alors observé une prévalence des IgM par rapport aux IgG chez les souris naïves, ainsi qu’une diminution des populations de LB folliculaires et des LT CD8+, avec pour autant une capacité de prolifération des LT identique à celle des LT de souris FVIII-KO. J’ai alors évalué la réponse immunitaire anti-FVIII dans ce modèle en injectant les souris de manière hebdomadaire avec du FVIII thérapeutique pendant 7 semaines. J’ai ainsi confirmé la moindre capacité des souris transgéniques à développer des IgG anti-FVIII au profit d’une augmentation des IgM anti-FVIII. Cette observation avait déjà été faite dans le cadre des souris transgéniques développées par Steinitz. J’ai ensuite tenté de valider l’expression du CMH II humain sur les LB et les cellules dendritiques mais il semble que ces cellules ne l’expriment pas. En revanche, les LT spécifiques du FVIII ont une capacité normale à proliférer en réponse au FVIII dans des expériences ex vivo. L’ensemble des résultats suggère une altération de la communication entre les LT et les LB dans ce modèle murin. Dans l’étude caractérisant les souris exprimant l’allèle DRB1*15:01, l’ajout de LPS au FVIII permettait de rétablir les taux d’IgG. Il serait donc intéressant de voir si cette stratégie fonctionne dans notre modèle. Par ailleurs, l’absence de CMH II à la surface des CPA doit être étudiée et la détection de ces molécules en intracellulaire pourrait permettre de valider leur production in vivo.

La prise en charge des patients atteints d’hémophilie A reste, en 2018, très compliquée. Non seulement le traitement est coûteux, mais il ne permet pas d’offrir aux patients une qualité de vie optimale. La courte demi-vie du FVIII les contraint à des injections plusieurs fois par semaine et 25 à 30% d’entre eux développent des inhibiteurs. Les stratégies d’induction de tolérance immunitaire (ITI) mises en place pour répondre à l’impasse thérapeutique représentée par ces inhibiteurs engendrent une augmentation de la fréquence d’injection, dégradant d’autant les conditions de vie et augmentent le coût pour la société.

Ainsi, le développement de nouvelles stratégies alternatives à la thérapie de substitution est essentiel afin d’éviter le développement d’inhibiteurs. En parallèle, la compréhension des mécanismes immunitaires qui régissent la génération de ces anticorps permettrait de développer des stratégies pour les éliminer et ainsi améliorer la prise en charge des patients avec inhibiteurs. C’est dans ce contexte qu’au cours de ma thèse, je me suis attaché à proposer et valider une nouvelle stratégie pour corriger le phénotype hémorragique des patients via l’injection d’ARNm codant le FVIII (article 1). Dans un deuxième temps et en collaboration avec Sandrine Delignat, j’ai étudié la possibilité d’empêcher la production d’inhibiteurs par inhibition des LB spécifiques du FVIII (article 2). Enfin, la dernière partie de ma thèse a été consacrée à caractériser un nouveau modèle murin d’hémophilie A, humanisé pour les CMH I et II, constituant un nouvel outil pour l’étude de la réponse immunitaire anti-FVIII (article 3).

I. Correction des saignements par injection d’ARNm codant le FVIII dans un modèle