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Caract´eristiques li´ees `a l’´epid´emiologie dans les agro-´ecosys-t`emes

2.4 Durabilit´e de la r´esistance des plantes

2.4.1 Caract´eristiques li´ees `a l’´epid´emiologie dans les agro-´ecosys-t`emes

Je vais commencer par donner quelques exemples d’´etudes en lien avec des caract´eristiques qui peuvent ˆetre retrouv´ees dans les agro-´ecosyst`emes, `a savoir la saisonnalit´e des cultures, leur dimension spatiale, et diff´erents effets stochastiques affectant les ´epid´emies.

Saisonnalit´e

La saisonnalit´e, qui est une composante de la plupart des cultures dans les climats temp´er´es, a ´et´e formalis´ee pour la mod´elisation grˆace aux mod`eles semi-discrets (Fig. 2.6) (Mailleret and Lemesle, 2009). Ce sont des syt`emes dynamiques hybrides qui suivent des

dynamiques continues la plupart du temps, mais passent r´eguli`erement par des changements discrets. Ils sont utilis´es dans diff´erents domaines de recherche, tels que l’´epid´emiologie humaine (campagnes de vaccination, Agur et al. (1993)) ou v´eg´etale (saisonnalit´e dans les cultures, Shaw (1994)), en m´edecine (traitement m´edicamenteux, Panetta (1996, 1998)), ou encore en dynamique des populations (programmes de protection biologique introduisant de mani`ere r´ep´et´ee une esp`ece auxiliaire pour le contrˆole d’une esp`ece nuisible, Mailleret and Grognard (2006, 2009)).

Figure 2.6 – Illustration graphique d’un mod`ele semi-discret. L’axe horizontal repr´esente le

temps. Lorsque le temps t est entre deux instants τk−1+ et τk, le syst`eme suit des dynamiques continues ;

il subit des changements discrets aux instants t = τk. Source : Mailleret and Lemesle (2009).

Dans un paysage agricole, la saisonnalit´e a pour cons´equence la disparition des cultures pendant une partie de l’ann´ee, entre la r´ecolte et le semis de la saison culturale suivante. En cons´equence, les agents pathog`enes subissent des goulets d’´etranglement de mani`ere r´ep´et´ee, `a chaque fin de saison de culture marqu´ee par la disparition de leur population d’hˆotes (Mailleret and Lemesle, 2009). Pendant les inter-saisons, les agents pathog`enes prennent g´en´eralement des formes sp´eciales pour la survie, r´esistantes au froid (Mailleret et al., 2012). Les agents pathog`enes peuvent ˆetre alors vus comme des inocula primaires car ils vont g´en´erer les infections primaires `a la saison de culture `a venir, suivies par les infections secondaires d’hˆote `a hˆote. Ces infections secondaires seront `a leur tour sources d’inocula primaires h´eberg´es par les plantes sauvages avoisinantes.

Le premier mod`ele propos´e en ´epid´emiologie pour les maladies des plantes tenant compte des goulets d’´etranglement saisonniers est attribu´e `a Shaw (1994), inspir´e du mod`ele propos´e par Levins and Wilson (1980). Shaw (1994) a montr´e des dynamiques tr`es complexes dues `a ces processus saisonniers (Mailleret and Lemesle, 2009). Des ´etudes qui ont suivi se sont notamment int´eress´ees `a la persistence ou `a l’extinction des populations d’agents pathog`enes dans de tels syst`emes (e.g. Gubbins and Gilligan, 1997a,b; Madden and van den Bosch, 2002; Truscott et al., 1997), ou `a la diff´erence entre un syst`eme semi-discret ou continu sur l’issue de la comp´etition entre deux virus pour une esp`ece de plante (Zhang and Holt, 2001). Zhang and Holt (2001)

ont montr´e qu’un principe d’exclusion comp´etitive s’appliquait dans le mod`ele continu alors que ce n’´etait pas toujours le cas dans le mod`ele semi-discret. Plus r´ecemment, Mailleret et al. (2012) ont ´etudi´e l’existence ou non d’exclusion comp´etitive `a la suite des infections primaires en d´ebut de saison de culture, mais cette fois-ci selon que les taux d’infection primaires ´etaient densit´e-d´ependents ou non. Ils ont montr´e que le principe d’exclusion comp´etitive n’´etait pas toujours conserv´e lorsqu’on passait d’un type de mod`ele `a l’autre.

De mani`ere plus g´en´erale, un certain nombre d’´etudes se sont attach´ees `a mieux comprendre les conditions d’hivernage des agents pathog`enes et les cons´equences de cet hivernage sur les ´epid´emies `a la saison de culture suivante, mais il reste encore des choses `a apprendre (Burdon and Thrall, 2008). Parmi les ´etudes exp´erimentales sur le sujet figure celle de Montarry et al. (2007), qui se sont demand´es s’il existait un compromis ´evolutif entre l’agressivit´e de souches de Phytophtora infestans sur pomme de terre et leur capacit´e de survie `a l’hiver. Les donn´ees collect´ees n’allaient pas dans ce sens, mais ils ont montr´e que les tubercules de pomme de terre infect´ees germaient plus tˆot `a la saison de culture suivante que celles non infect´ees. Suffert et al. (2011) ont mis en ´evidence que le m´ecanisme le plus important chez Mycosphaerella graminicola pour les stades pr´ecoces des ´epid´emies et la transmission de la maladie d’une ann´ee `a la suivante ´etait l’infection par les ascospores4, dispers´ees par le vent depuis des d´ebris de bl´e infect´es distants ou proches. Papa¨ıx et al. (2015) ont men´e une ´etude th´eorique sur l’effet de la distribution spatiale et temporelle des patchs de v´eg´etation sauvage r´esiduelle implant´es dans un paysage agricole sur l’´emergence et la sp´ecialisation d’un agent pathog`ene `a une vari´et´e cultiv´ee. Ils ont montr´e que les structures du paysage favorisant des grandes tailles de populations d’agents pathog`enes dans les plantes sauvages facilitaient l’´emergence de l’agent pathog`ene dans les cultures. En contre-partie, de telles structures du paysage r´eduisent le potentiel ´evolutif de l’agent pathog`ene vers une adaptation `a la vari´et´e cultiv´ee. Dans leur revue, Burdon and Thrall (2008) ´evoquent diff´erents points cl´es sur l’hivernage, les plantes sauvages et leurs cons´equences sur les populations d’agents pathog`enes. Notamment, les plantes sauvages peuvent constituer un ’pont vert’ entre la r´ecolte d’une culture et le semis de la saison suivante, soit en tant qu’hˆotes alternatifs des agents pathog`enes (multiplication dans l’hˆote), soit comme r´eservoir d’inoculum. En Australie, les diff´erentes vari´et´es d’avoine cultiv´ees et sauvages interagissent avec leurs agents pathog`enes de la rouille, par flux de g`enes. Les ´etudes de ces interactions montrent que les hˆotes sauvages contribuent `a (i) s´electionner des nouvelles mutations, ainsi qu’`a (ii) maintenir de la diversit´e g´en´etique dans les populations d’agents pathog`enes des plantes cultiv´ees. Toutes ces ´etudes permettent une mod´elisation plus pr´ecise

des p´eriodes d’inter-saisons et de leur cons´equence sur les populations d’agents pathog`enes. Elles sont donc d’une importance majeure pour la conception de mod`eles semi-discrets focalis´es sur les ´epid´emies dans les paysages agricoles sur plusieurs saisons de cultures.

Mod`eles spatialis´es

Les mod`eles classiques tels que les mod`eles SIS ou SIR d´ecrits pr´ec´edemment sont implici- tement spatialis´es, sous l’hypoth`ese que tous les individus sont m´elang´es de mani`ere homog`ene et qu’ils sont tous ´equidistants puisqu’ils ont tous le mˆeme taux de contact. Diff´erents mod`eles se sont ´egalement attach´es `a int´egrer explicitement la dimension spatiale dans leurs mod`eles ´epid´emiologiques, pour ´etudier son effet sur l’´emergence, l’extinction ou la persistence des ravageurs des cultures (e.g. Donalson and Nibset, 1999; Fahrig, 1997; Papa¨ıx, 2011; Papa¨ıx et al., 2013, 2014, 2015; Vacher et al., 2003).

Le mod`ele de Papa¨ıx et al. (2015), ´evoqu´e pr´ec´edemment dans la partie Saisonnalit´e, constitue un exemple de mod`ele spatialis´e. Je prendrai ici comme exemple un autre article du mˆeme groupe d’auteurs. Dans cet article, Papa¨ıx et al. (2014) ont ´etudi´e l’effet du niveau d’aggr´egation des hˆotes `a l’´echelle du paysage agricole sur le contrˆole d’une maladie foliaire due `a un agent pathog`ene transmis par voie a´erienne. Le paysage ´etait compos´e de deux vari´et´es, une sensible et une r´esistante. Diff´erents niveaux de r´esistance de cette derni`ere vari´et´e ont ´et´e test´es, d´efinissant des vari´et´es porteuses de r´esistantes soit quantitatives soit qualitatives. Papa¨ıx et al.

(2014) ont montr´e que des paysages o`u les deux vari´et´es ´etaient m´elang´ees finement (faible

niveau d’aggr´egation) ´etait plus efficaces pour le contrˆole de la maladie lors du d´eploiement d’une vari´et´e r´esistante qualitative. `A l’inverse, avec le d´eploiement d’une vari´et´e r´esistante quantitative, leur mod`ele a montr´e qu’il pouvait ˆetre plus efficace d’aggr´eger les hˆotes de la mˆeme vari´et´e dans diff´erentes r´egions, d´ependemment de la proportion de plantes r´esistantes et de leur niveau de r´esistance.

Stochasticit´es

Des mod`eles stochastiques ont aussi ´et´e utilis´es, par exemple pour mod´eliser les effets al´eatoires de l’environnement sur les ´epid´emies ou les fluctuations al´eatoires dans les dynamiques d´emographiques des populations d’agents pathog`enes (Encadr´e 1.5). De mani`ere alternative, Papa¨ıx et al. (2014), dont j’ai parl´e dans la partie pr´ec´edente, ont utilis´e un mod`ele stochastique pour rendre compte du processus al´eatoire de l’´epid´emie, via la transition entre ´etats pour les plantes (saines, infect´ees mais non infectieuses, infect´ees et infectieuses, et ’retir´ees’, c’est-

`a-dire qui ont d´ej`a ´et´e infect´ees et infectieuses et ne peuvent plus l’ˆetre). Lo Iacono et al. (2013) ´etudient l’effet des stochasticit´es d´emographique et environnementale sur les populations d’agents pathog`enes et sur les strat´egies de gestion de la r´esistance des plantes. Le paysage qu’ils ´etudient comprend deux vari´et´es de plantes, une sensible et une r´esistante, et deux variants pathog`enes, un avirulent et un virulent. En comparant leur mod`ele `a un mod`ele d´eterministe ´equivalent sans stochasticit´e d´emographique, les auteurs ont montr´e que, sans prendre en compte la stochasticit´e d´emographique, la proportion de plantes r´esistantes dans le paysage avait un effet n´egligeable sur la durabilit´e de la r´esistance alors que la stochasticit´e d´emographique rendait cet effet important. Avec la version d´eterministe, augmenter la proportion de plantes r´esistantes conduit `a une diminution des pertes de rendements, mais la r´esistance est plus vite contourn´ee, il y a donc un compromis `a trouver entre capacit´e d’´evolution de l’agent pathog`ene et gains de rendement. La stochasticit´e d´emographique annule cet effet de compromis. Ils ont ´egalement montr´e que des fluctuations importantes du nombre d’hˆotes infect´es, `a cause par exemple de l’application d’un fongicide, augmentait les chances d’extinction de l’agent pathog`ene dans la version stochastique du mod`ele. Ces faibles nombres d’hˆotes infect´es sont retrouv´es au d´ebut des ´epid´emies. Cette condition se retrouve forc´ement au d´ebut de chaque saison de culture dans les syst`emes saisonniers. Les auteurs insistent sur l’utilisation de mod`eles stochastiques pour de tels syst`emes. Prendre en compte la stochasticit´e des processus a un effet important sur les conclusions que l’on peut tirer sur le fonctionnement des ´epid´emies dans les cultures et l’effet des diff´erentes strat´egies de contrˆole.

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