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III. RESULTATS ET DISCUSSION

III.2. Applications du modèle cellulaire

III.2.1. Etude des allergènes du lait

III.2.1.2. a Caractéristiques des sérums utilisés

Pour sélectionner les sérums de patients allergiques au lait de vache et de chèvre à intégrer à l’étude, nous nous sommes basés sur les résultats des dosages en IgE totales et spécifiques réalisés au laboratoire. Nous avons également restreint la sélection aux sérums pour lesquels les volumes n’étaient pas limitants. Seuls les sérums présentant les plus fortes réponses IgE spécifiques ont été sélectionnés, et ne sont donc pas représentatifs de la population des patients allergiques au lait. Au final, 5 sérums de la sérothèque de patients allergiques au lait ont répondu à nos critères. Deux sérums avaient été prélevés à des patients allergiques au lait de chèvre mais tolérant le lait de vache (BCB 26 et BCB 96). Les deux autres provenaient de patients allergiques aux deux laits. Les résultats des dosages des IgE

totales et spécifiques des allergènes du lait de vache et de chèvre contenues dans ces sérums sont rapportés dans le tableau 13.

Tableau 13 : Dosage des IgE totales et spécifiques des allergènes du lait de vache et de chèvre dans les sérums de patients allergiques au lait de vache et de chèvre, dans les

sérums de patients allergiques au lait de chèvre tolérant le lait de vache (BCB26, BCB96) et dans le pool des sérums de patients allergiques à l’arachide (432/831, témoin

négatif)

IgE spécifiques des allergènes du lait de

vache (UI/mL et % IgE totales) IgE spécifiques des allergènes du lait de chèvre (UI/mL et % IgE totales) Sérums Allergie totales IgE

(UI/mL) LS βLG cas cas

αs1 αs2cas cas β cas κ LS βLG cas αs1 cas αs2 cas cas β cas κ

- 0,4 0,2 1,1 0,8 0,5 - 2 0,9 30 29 12 8 5 BCB26 550 0,1 0,04 0,2 0,1 0,1 0,4 0,2 5,5 5,3 2,2 1,5 0,9 0,1 3,5 0,5 0,7 0,3 5,2 - - 6,5 50 45 17 18 9 BCB96 lait de chèvre 630 0,02 0,6 0,1 0,1 0,05 0,8 1,0 7,9 7,1 2,7 2,9 1,4 115 12 85 80 135 10 8 95 8,5 73 >300 9,5 8 5 BCB83 2000 5,8 0,6 4,2 4,0 6,8 0,5 0,4 4,8 0,4 3,7 >15 0,5 0,4 0,3 210 53 95 70 90 61 13 8 4 79 205 25 35 15 BCB100 950 22,1 5,6 10 7,4 9,5 6,4 1,4 0,8 0,4 8,3 21,6 2,6 3,7 1,6 30 11 21 37 20 18 0,7 32 12 65 75 33 38 15 BCB116 laits de vache et de chèvre 490 6,1 2,2 4,3 7,6 4,1 3,7 0,1 6,5 2,4 13,3 15,3 6,7 7,8 3,1 432/831 arachide 405 - - - - - - - - - - - - - -

LS : lactosérum, βLG : bêta-lactoglobuline, cas : caséine - : inférieur à la limite de détection (0,1 UI/mL).

Les sérums testés présentent tous des concentrations en IgE totales supérieures à 400 UI/mL. Aucune IgE spécifique des allergènes du lait de vache et de chèvre n’a été détectée dans le pool des deux sérums de patients allergiques à l’arachide (432/831). A l’inverse, les sérums de patients allergiques au lait présentent une réponse IgE à chacune des protéines testées. Les seules exceptions correspondent aux sérums BCB26 et BCB96 qui n’ont pas d’IgE dirigées contre la caséine κ et la fraction lactosérum bovines. Pour le sérum BCB26, les concentrations en IgE spécifiques des allergènes du lait de vache sont tous inférieures à 1,1 UI/mL. En comparaison, la réponse IgE aux protéines caprines, et particulièrement aux caséines, est particulièrement forte, parfois équivalente à 30 UI/mL. Le sérum BCB96 a cette même disproportion de réponses IgE entre protéines bovines et caprines. Dans ce cas, la réponse IgE à la protéine caprine peut être jusqu’à 100 fois plus forte que celle obtenue avec son équivalent bovin. Elle peut atteindre des valeurs supérieures à 30 UI/mL (concentrations mesurées pour les IgE anti-caséine entière ou anti-caséine αs1 de chèvre). En fait, ces deux

sérums correspondent à des patients ayant une allergie particulière dans la mesure où ils sont allergiques au lait de chèvre mais tolèrent le lait de vache. Cette particularité est à distinguer de l’allergie au lait de vache chez des patients réagissant aux produits laitiers de chèvre et de brebis. Ce phénomène se traduit ainsi par une réponse IgE spécifiquement dirigée contre les protéines caprines.

Par contre, les 3 sérums provenant de patients présentant à la fois une allergie aux laits de vache et de chèvre contiennent des IgE spécifiques des allergènes du lait de vache et de chèvre spécifiques de la fraction lactosérum et de la βLG et des différentes caséines. Une très grande variabilité de la réponse IgE aux protéines de lait est observée parmi ces 3 sérums. Pour le sérum BCB100, les concentrations en IgE sont plus importantes contre les allergènes du lait de vache que du lait de chèvre (sauf par la caséine αs1) tandis que le phénomène est inversé pour le sérum BCB116. Pour les caséines, 2 de ces sérums montrent des concentrations en IgE spécifiques des caséines αs2 bovines plus fortes que celles dirigées contre les autres caséines. Pour les allergènes du lait de chèvre, la caséine αs1 est l’allergène purifié le plus reconnu par les IgE.

III.2.1.2.b. Profil des courbes de dégranulation induites par les différents allergènes des laits de vache et de chèvre

Les 5 sérums de patients allergiques aux laits de vache et/ou de chèvre ont été immunopurifiés en IgE, puis les cellules RBL SX-38 ont été sensibilisées par cette fraction. Les dégranulations ont été induites par des gammes des différents allergènes purifiés des laits de vache et de chèvre. Des cellules sensibilisées par des IgE d’un pool de 2 sérums de patients allergiques à l’arachide non sensibilisés aux allergènes des laits de vache et de chèvre (432/831) et activées par les mêmes gammes de concentrations en allergènes ont été utilisées comme de témoin de spécificité. Aucune dégranulation significative n’a été obtenue pour les concentrations en allergènes considérées.

A titre d’exemple, les dégranulations obtenues par des cellules sensibilisées par le sérum BCB116 et induites par les allergènes des laits de vache et de chèvre sont représentées figure 28. Afin de comparer le potentiel de dégranulation des différents allergènes, les concentrations en allergènes sont exprimées en concentration molaire. Pour ce sérum, des dégranulations spécifiques sont constatées pour tous les allergènes testés. Les caséines αs2 bovine et caprine sont, pour ce sérum, les allergènes les plus fonctionnels dans la mesure où

elles provoquent des dégranulations à de faibles doses par rapport aux autres allergènes purifiés. Le profil de dégranulation montré pour les allergènes de chèvre diffère de celui obtenu pour les allergènes de vache.

Figure 28 : Dégranulations des cellules RBL SX-38 sensibilisées par des IgE immunopurifiées du sérum BCB116 puis activées par les allergènes du lait de vache (A)

et du lait de chèvre (B).

Pour les 5 sérums testés, les courbes de dégranulation obtenues ont été modélisées afin de déterminer les MaxD et les EC50 pour chaque allergène. Ces résultats sont reportés dans le tableau 14 pour les allergènes du lait de vache et dans le tableau 15 pour les allergènes du lait de chèvre.

Tableau 14 : Modélisation (valeurs de MaxD et EC50) des dégranulations de cellules RBL SX-38 induites par les différents allergènes du lait de vache.

allergènes du lait de vache

βLG Cas cas αs1 cas αs2 cas β cas κ

Sérums MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) BCB26 nd 0 nd nd nd nd BCB96 71 3,1.105 21 4,3.101 0 21 1,1.106 65 3,9.104 0 BCB83 6 3,2.104 19 2,0.10-2 14 2,0.10-1 16 5,0.102 15 1,6.104 15 1,5.103 BCB100 29 3,6.102 27 7,0.10-3 37 3,5.103 70 6,8.103 22 8,0.10-3 37 6,0.104 BCB116 32 1,6.104 52 9,8.101 53 1,3.105 60 2,5.10-1 66 5,0.103 40 2,6.103

Les MaxD sont exprimés en pourcentage de la dégranulation de référence obtenue avec l’anticorps anti-IgE humaines. Les EC50 sont exprimées en pM.

Tableau 15 : Modélisation (valeurs de MaxD et EC50) des dégranulations de cellules RBL SX-38 induites par les différents allergènes du lait de chèvre.

allergènes du lait de chèvre

βLG Cas cas αs1 cas αs2 cas β cas κ

Sérums

MaxD

(%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) MaxD (%) EC50 (pM) BCB26 62 1,2.106 51 7,0.101 53 7,0.10-1 62 7,2.100 75 2,1.104 61 9,3.103

BCB96 73 6,4.105 52 1,4.102 59 3,5.100 62 1,7.100 68 6,3.100 39 8,1.102

BCB83 42 5,8.106 19 4,3.105 13 4,7.102 17 3,9.104 8 1,4.105 21 1,8.103

BCB100 37 1,6.105 26 3,7.102 32 6,3.100 0 24 4,4.100 40 1,6.103

BCB116 91 1,2.106 51 4,2.102 55 3,7.103 80 6,2.100 60 2,1.104 55 1,4.103

Les MaxD sont exprimés en pourcentage de la dégranulation de référence obtenue avec l’anticorps anti-IgE humaines. Les EC50 sont exprimées en pM.

Pour le sérum BCB26 provenant d’un patient ayant une allergie au lait de chèvre sans allergie au lait de vache, les dégranulations induites par les fractions lactosérum et caséine entière de vache n’ont pas été significatives. Les dégranulations engendrées par les différents allergènes purifiés de ces fractions n’ont donc pas été réalisées. Pour le sérum BCB96 provenant également d’un patient allergique au lait de chèvre sans allergie au lait de vache, les dégranulations induites par le lactosérum et les caséines bovines ont été significatives. Les allergènes purifiés de ces fractions ont donc été testés. Les dégranulations ne sont pas significatives pour les caséines αs1 et κ de vache pour ce sérum. A l’inverse, des dégranulations significatives sont observées pour la βLG et les caséines αs2 et β de vache.

Bien que les dégranulations induites par la βLG et la caséine β soient assez fortes (71 et 65 % de la dégranulation de référence respectivement), les EC50 obtenues pour ces sérums sont assez élevées (310 nM pour la βLG et 39 nM pour la caséine β). Ces valeurs d’EC50 sont parmi les plus élevées obtenues pour ces allergènes par comparaison avec les autres sérums. Elles sont à rapprocher des concentrations en IgE spécifiques parmi les plus basses pour les allergènes bovins (tableau 13). Pour ce même sérum, des dégranulations significatives sont induites par les caséines β et αs2 de chèvre avec des valeurs d’EC50 104 à 106 fois plus faibles que pour leurs homologues bovines (tableaux 14 et 15). Les résultats obtenus dans ce modèle cellulaire de déclenchement de la réaction allergique traduisent donc la plus grande sensibilisation aux allergènes de chèvre et corroborent donc les données cliniques.

Pour les 3 sérums de patients ayant une allergie conjointe aux laits de vache et de chèvre, des dégranulations significatives sont observées pour tous les allergènes des laits de vache et de chèvre. Nous allons analyser les résultats obtenus en nous focalisant dans un premier temps sur les intensités des dégranulations obtenues (MaxD) et, dans un second temps, sur les doses d’allergènes nécessaires pour obtenir les dégranulations (EC50), pour les allergènes du lait de vache et pour les allergènes du lait de chèvre.