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Caractéristiques remarquables dans la population

XI. Discussion

1. Caractéristiques remarquables dans la population

a. Âge de la population

Gajdos et al. ont montré que sur une série de patientes américaines atteintes du cancer du sein, celles de moins de 36 ans étaient diagnostiquées à un stade clinique plus avancé et un grade histologique plus élevé que les femmes plus âgées (12). D’autres études ont montré que ces jeunes patientes présentaient une survie moins bonne que les patientes plus âgées (13) (14).

Notre étude de l'échantillon de patientes martiniquaises ne montre aucune différence statistiquement significative des 3 classes d’âge étudiées pour ce qui concerne les six principaux délais de prise en charge. Pour autant, une tendance à la prise en charge retardée pour les patientes de 75 ans et plus pour l’accès aux traitements adjuvants se dégage. Basu et al. ont démontré l’intérêt d’une infirmière de coordination dans la prise en charge des patientes de plus de 60 ans pour l’amélioration du délai entre le diagnostic et la PCO (15). Bien qu’il n’y ait pas de différence statistiquement significative concernant le délai de présentation en RCPO, une tendance en faveur des patientes les plus jeunes est notée. En effet, les dossiers de patientes de moins de 50 ans sont présentés en moyenne une semaine plus rapidement en RCPO que ceux des patientes de 75 ans et plus. Dans l’ensemble, les délais prise en charge varient peu en fonction de l’âge des patientes.

b. Lieu de résidence

Nous avons jugé pertinent de comparer les délais selon des critères proposés par l’Agence Régionale de Santé. Sur le plan géographique, la Martinique est considérée comme un territoire de démocratie sanitaire, divisé en 4 territoires de proximité :

 Nord Caraïbe constitué de 8 communes : Bellefontaine, Le Carbet, Case- Pilote, Fond-Saint-Denis, Le Morne Rouge, Le Morne Vert, Le Prêcheur et Saint-Pierre.

 Nord Atlantique constitué de 10 communes : Grand’Rivière, Macouba, Basse-Pointe, Le Lorrain, Ajoupa-Bouillon, Le Marigot, Le Gros-Morne, Sainte-Marie, Trinité et le Robert.

 Centre constitué de 4 communes : Fort-de-France, le Lamentin, Saint- Joseph et Schœlcher.

 Sud constitué de 12 communes : Les Anses-d’Arlet, Le Diamant, Ducos, Le François, Le Marin, Rivière-Pilote, Rivière-Salée, Saint-Esprit, Sainte-Anne, Sainte-Luce, Les Trois-Ilets et Le Vauclin.

Le sous-groupe le moins représenté de cette étude est celui du Nord Caraïbe (5,3%). Dans ce territoire de proximité, il n’existe pas d’offre de soin pour la réalisation d’une mammographie, contrairement aux 3 autres territoires disposant au minimum d’un centre de radiologie chacun. La chirurgie et les traitements adjuvants ne peuvent être réalisés que dans le territoire « Centre ». Cette situation pourrait être à l'origine d' un allongement des délais compte tenu de l’éloignement sanitaire de la population du Nord Caraïbe. De fait, aucune différence statistiquement significative des principaux délais de prise en charge en fonction du territoire de proximité habité ne se dégage.

c. Mode de détection

Notre étude met en évidence une forte tendance à prendre en charge plus rapidement les patientes présentant des lésions symptomatiques par rapport à celles ayant été dépistées pour obtenir le diagnostic (18,4 versus 29,6 jours). Une observation similaire est faite pour l’accès à la chirurgie (31,1 versus 35,5 jours). Cette constatation est également faite dans l’étude nationale. Pour autant aucun de ces effets n’est statistiquement significatif.

Maly et al. ont montré aux Etats-Unis que le délai entre la découverte de la tumeur et la biopsie ou la chirurgie était plus long pour les patientes s’étant autopalpées une masse mammaire que pour celles ayant participé au dépistage organisé (16). A contrario, Plotogea et al. n’ont pas retrouvé de différence statistiquement significative concernant les délais d’accès à la chirurgie, à la chimiothérapie et à la radiothérapie entre les patientes ayant été diagnostiquées suite au dépistage ou à l’autopalpation (17).

d. Statut professionnel

L’influence de ce facteur varie en fonction des différents temps de prise en charge. Par rapport aux 2 autres sous-groupes étudiés, les femmes actives ont tendance à avoir un accès plus rapide au diagnostic, à la chirurgie et à la proposition thérapeutique postopératoire.

Le sous-groupe des femmes retraitées a tendance à bénéficier de la chimiothérapie et de la radiothérapie plus rapidement par rapport aux autres groupes.

Enfin, le sous-groupe comprenant les femmes au foyer, étudiantes et sans emploi semble bénéficier du délai le plus court pour la prise en charge globale (de la mammographie à la radiothérapie).

Sur l’étude des six délais principaux, une différence statistiquement significative entre les 3 sous-groupes n’est retrouvée que pour le délai d’accès à la proposition thérapeutique.

Concernant les délais complémentaires, on constate un retard important dans la prise en charge des femmes retraitées avec un délai de présentation en RCP allongé d’environ 2 semaines pour la RCPE puis une semaine pour la RCPO par rapport aux femmes actives.

Aucun effet statistiquement significatif du statut professionnel sur les délais complémentaires liés à l’analyse anatomopathologique ne se dégage.

e. Catégorie socioprofessionnelle

L’analyse de ce facteur est limitée par son importante indisponibilité à la lecture des dossiers. En effet, il n’a pas été possible de retrouver cet élément dans plus de 50% des dossiers.

Gorey et al. ont montré que les femmes californiennes soignées aux Etats-Unis et appartenant à la catégorie socioéconomique la plus basse étaient plus à risque d’avoir de mauvais délais d’accès à la chirurgie et la radiothérapie adjuvante alors que cette différence n’était pas statistiquement démontrée pour les femmes canadiennes soignées en Ontario (18). Il émet l’hypothèse que l’accès universel au système de soins canadien pourrait effacer les disparités sociales contrairement au système américain, plus inégalitaire. En Martinique, la couverture maladie est également universelle et garantie les meilleurs soins possibles quels que soient les revenus de l’usager. Notre étude montre tout de même que la catégorie socioprofessionnelle la moins favorisée était systématiquement en position défavorable pour les 6 principaux délais. Pour autant, ces différences n’ont pas été mises en évidence de façon statistiquement significative en Martinique. L’étude nationale menée par l’INCa présente des résultats similaires aux nôtres avec des délais systématiquement allongés pour la catégorie socioprofessionnelle inférieure, sans différence statistiquement significative. Le système de santé français semble gommer partiellement les inégalités sociales dans l’accès aux soins pour le cancer du sein.

f. Reprise chirurgicale

En cas de reprise, l’allongement des délais d’accès aux traitements adjuvants était prévisible compte tenu de la répétition des temps techniques (chirurgie et anatomopathologie) et décisionnels (RCPO). Le délai d’accès à la PSC a été allongé de près d’un mois en moyenne pour les 16 patientes ayant bénéficié d’au moins une réintervention chirurgicale. En l’absence de chimiothérapie, la PSR était également différée de 3 semaines en moyenne en cas de reprise. Ce facteur

est le seul statistiquement significatif en analyse univariée puis multivariée dans l’étude du délai global.

g. Caractéristiques anatomopathologiques i. Grade histologique

Le grade histopronostique d’Ellis-Elston est classé de I (bas) à III (élevé) et repose sur trois éléments : architecture tumorale, atypies cytonucléaires et nombre de mitoses. Plus le score est élevé, moins la maladie est de bon pronostic (19). Une diminution du délai d’accès au diagnostic avec l’augmentation du score histopronostique se dégage. En effet, les tumeurs de haut grade sont plus agressives, symptomatiques et donc préoccupantes pour les cliniciens qui auront tendance à accélérer la prise en charge initiale pour ces patientes (20).

Cet effet statistique n’a plus été présent dans la suite de la prise en charge.

ii. Index ki-67

Un index ki-67 élevé est un facteur de mauvais pronostic associé à une meilleure probabilité de réponse clinique à la chimiothérapie (21). Des études ont démontré que la taille tumorale est proportionnelle à l’index ki-67 (22) (23). Tout comme pour le grade histologique, l’accès au diagnostic est vraisemblablement plus rapide pour ces patientes du fait d’un volume tumoral plus préoccupant. Cet effet statistique n’a plus été remarqué dans la suite de la prise en charge.

iii. Taille tumorale

Les observations concernant ce groupe sont sensiblement les mêmes que pour les 2 groupes cités plus haut. Des délais d’accès au diagnostic variant du simple au double pour une tumeur de petite taille par rapport à une tumeur de grande taille sont notés. Cette observation est confirmée en analyse multivariée.

iv. Le type de cancer

Une différence statistiquement significative a été observée en Martinique pour ce facteur dans le délai d’accès au diagnostic et plus particulièrement dans l’accès à la chirurgie. En effet, une patiente présentant une lésion in situ serait opérée avec un délai supplémentaire moyen de 23,2 jours après le diagnostic par rapport à une patiente présentant un carcinome invasif.

Selon Mayo, la médiane du temps d’accès à la chirurgie est de 53 jours pour un cancer in situ, 35 jours pour un cancer invasif au stade localisé, 28 jours pour un cancer invasif localement avancé et 24 jours pour un cancer métastatique (24). A titre comparatif, ces données sont très proches de celles de notre étude. Une autre étude publiée en 2013 trouvait un délai moyen d’accès à la chirurgie de 39,5 jours (25). Aucun facteur démographique et histopathologique ne montrait de différence statistiquement significative dans l’étude de ce délai. De plus, le fait d’être opéré dans un délai supérieur ou inférieur à 39,5 jours n’était pas un facteur de risque statistiquement significatif en termes de survie globale à 5 ans. Ceci peut potentiellement expliquer la préférence des chirurgiens à opérer plus rapidement une tumeur invasive par rapport à une tumeur in situ de meilleur pronostic (26).

v. Récepteurs hormonaux et HER2

Aucun de ces facteurs n’influence de façon statistiquement significative l’ensemble des délais décrits dans cette étude.

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