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En premier lieu, IRM4S constitue bien sûr un cadre qui facilite la modélisation des actions simultanées [Badeig, 2010 ; Demange, 2012 ; Lebrun, 2012]. Cependant, comme nous l’avons dit, la représentation de la simultanéité n’est qu’une facette du principe IR. Dans cette section, nous discutons d’autres aspects qui sont rendus explicites par IRM4S (détaillés dans [Michel, 2007a]). Pour chacun d’entre eux, nous listons à la fin des sous-sections quelques travaux qui référencent IRM4S et qui traitent explicitement du sujet concerné.

Contrainte de localité et contrainte d’intégrité environnementale

Comme dit en introduction (section 1.2), le fait qu’un agent réalise ses perceptions et ses actions localement est reconnu comme un point essentiel des SMA2. Cette contrainte est

indissociable de IRM4S, et plus généralement de IR : elle est à la fois sa cause et sa conséquence. C’est elle qui rend nécessaire la proscription de la modification directe de l’environnement (contrainte d’intégrité environnementale). Précisément parce que la perception d’un agent est par définition locale, celui-ci ne peut pas disposer des données requises pour calculer le résultat de ses actions. Il faudrait pour cela qu’il ait une connaissance exhaustive de son environnement et de sa dynamique, ce qui serait en parfaite contradiction avec la contrainte de localité. D’où l’intérêt de remplacer action par influence, changement qui entraîne le respect systématique des deux contraintes que nous venons d’évoquer (voir [Galland, 2013 ; Logie et al., 2010 ; Saunier et Jones, 2014 ; Siebert, 2011 ; Simo Kanmeugne, 2014]).

Concrétisation du concept d’autonomie

Le concept d’autonomie possède plusieurs interprétations dans la littérature SMA et reste depuis longtemps sujet à controverse [Castelfranchi, 1995]3. Si on se focalise sur le

comportement, l’autonomie est souvent rapprochée du concept de proactivité : les décisions d’un agent ne sont pas uniquement mues par ses perceptions mais expriment aussi l’existence d’un but [Guessoum et Briot, 1999]. Si, au contraire, l’autonomie est étudiée d’un point de vue externe à l’agent, on peut la voir comme un concept relationnel qui marque le degré d’indépendance sociale [Sichman et al., 1994] ou la liberté d’action vis-à-vis du reste de la société (dans une organisation par exemple [Hubner et al., 2007]). Il peut alors s’agir de limiter l’autonomie d’un agent afin que son degré de liberté ne puisse pas affecter la bonne marche du système.

Appréhender l’autonomie dans les SMA est donc largement une question d’opinion et les avis divergent sur ce qui fait qu’un agent est vraiment autonome. Comme d’autres, nous pen- 2. Dans la littérature, notamment francophone, cet aspect est explicité sous l’appellation de principe de localité [Siebert et al., 2009 ; Thomas et al., 2007] ou contrainte de localité [Chevaillier et al., 1999].

3. Voir les post-proceedings du workshop, Agents and Computational Autonomy, qui était dédié à la question [Nickles et al., 2004]. On y trouve notamment une taxonomie de l’autonomie [Carabelea et al., 2004].

20 Le modèle IRM4S

sons qu’il est intéressant de relier cette propriété à un critère qui ne souffre pas l’interprétation [Gouaich, 2004 ; Weiß et al., 2003]. Ainsi, nous considérons un agent autonome uniquement si les variables utilisées par son processus décisionnel ne peuvent être modifiées que par celui- ci : aucun autre processus ne doit y avoir accès. Ce qui est par exemple caractérisé par la

contrainte d’intégrité interne de l’agent dans [Gouaich, 2004]4.

Grâce au concept d’influence, dans IRM4S cette propriété est nécessairement concrétisée car c’est une conséquence du modèle : aucun agent ne peut violer l’intégrité interne d’un autre. Ce n’est pas le cas lorsque la modification directe de l’environnement est permise, car un agent peut éventuellement modifier l’état d’un autre, invalidant de fait son autonomie au sens pris ici (voir [Logie et al., 2010 ; Siebert, 2011]).

Distinction esprit / corps explicite

La distinction esprit/corps est un sujet régulièrement évoqué dans la littérature SMA pour son intérêt conceptuel (e.g. [Platon et al., 2005 ; Tranier, 2007]). Elle est aussi très souvent mise en avant dans les simulations multi-agents comme un principe de conception qui permet plus de modularité dans la modélisation [Okuyama et al., 2005 ; Soulié, 2012]. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir car cette question est bien sûr fortement connexe avec celle de l’environnement.

Dans IRM4S, les traits physiques d’un agent font partie de l’environnement, car ils doivent être modifiés lors de la phase de réaction (e.g. sa localisation). À l’opposé, l’état interne d’un agent contient des variables directement modifiées et utilisées par le système décisionnel (e.g. les variables d’un mécanisme de renforcement). IRM4S nécessite donc de séparer clairement le modèle décisionnel (esprit) du modèle physique (corps) d’un agent (voir [Galland, 2013 ; Saunier et Jones, 2014 ; Simo Kanmeugne, 2014]).

Réification des interactions dans l’environnement

L’interaction est évidemment un concept clé dans les SMA. Dans IRM4S, modéliser la dynamique des interactions devient une problématique incontournable qui ne peut pas être résolue au niveau des agents, mais doit l’être au niveau de l’environnement (combinaison des influences dans la réaction). C’est une conséquence du principe IR (voir par exemple la discussion sur l’interaction et IR dans l’habilitation de Vincent Chevrier [Chevrier, 2002]).

4. Cette perspective génie logiciel nous permet en particulier d’éviter l’épineuse question du but. Si cette notion peut être évidente dans les architectures cognitives, elle est beaucoup plus floue dans le cadre des architectures réactives. De pus, lier autonomie (agent) et proactivité (but), exclut de fait la modélisation sous forme d’agents de phénomènes tels une balle qui roule ou un feu de forêt ; ce qui nous paraît beaucoup trop restrictif : tout peut être agentifié [Kubera et al., 2010].

Apports de IRM4S pour la simulation multi-agents 21

La modélisation de l’interaction était d’ailleurs un des thèmes centraux de notre thèse5.

Dans les simulations multi-agents, les interactions ne sont généralement pas modélisées expli- citement et résultent souvent directement de la façon dont les comportements et leurs actions sont concrétisés.

IRM4S nécessite de décrire comment les influences interagissent lors de la phase de réaction de l’environnement. Ce qui introduit une dichotomie claire, à la fois dans le modèle et dans l’implémentation, entre modélisation des comportements et modélisation des interactions (voir [Simo Kanmeugne, 2014 ; Steel et al., 2010]).

Avec le recul, il nous paraît ici intéressant de faire un lien avec la simulation orientée interaction (IODA [Kubera et al., 2011]). Celle-ci repose explicitement sur l’idée que la modélisation d’une interaction passe par la prise en compte de tous les agents impliqués, ce pourquoi elle doit être réifiée indépendamment des agents. Un aspect essentiel de IODA est donc de décorréler explicitement la modélisation des interactions, qu’on peut voir comme une réaction, des entités qui y participent. De fait, les comportements ne modifient pas directement l’environnement dans cette approche.