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Caractéristiques géométriques des décharges de foudre

Les études qui ont permis les premières caractérisations de la géométrie des canaux de foudre remontent aux années 1970 à 1980, elles étaient basées sur des études de l’émission acoustique du tonnerre. Grâce à l’enregistrement de signaux de tonnerre par un réseau de microphones de 30m de côté, Few [1968, 1970] parvient à reconstruire la géométrie de plusieurs flashs. Il utilise une technique de corrélation croisée des signaux enregistrés aux différents points du réseau pour obtenir la direction et l’angle d’élévation des sources acoustiques. Few montre qu’un flash, que ce soit une décharge "intra-cloud" ou "cloud-to-ground", présente une extension horizontale très importante à l’intérieur du nuage d’orage (plusieurs kilomètres), cette extension est invisible à l’œil depuis le sol car le nuage est opaque optiquement. Lorsque l’on considère une décharge nuage-sol, l’extension verticale de la partie de l’arc en retour située entre la base du nuage et le sol est d’environ 2km à 3km. Elle est donc plus petite que l’extension horizontale de la décharge. L’extension horizontale très importante des décharges de foudre est confirmée par Teer et Few [1974] (voir figure 2.15) et MacGorman et al. [1981]. Par exemple la figure 2.16 montre la géométrie d’un flash vue dans les plans (latitude, longitude), (latitude, altitude) et (longitude, altitude). Les points ont été obtenus par reconstruction acoustique. On constate que l’extension horizontale est d’environ 12km pour ce flash. Dans ce dernier article, MacGorman et al. étudient aussi la distribution en altitude des sources acoustique de tonnerre à l’intérieur du nuage d’orage (voir figure 2.17). Ils montrent que ces sources sont réparties en deux couches horizontales principales, entre 4km et 6km d’altitude (altitude de la région chargée négativement), et entre 8km et 10km (altitude de la région chargée positivement).

Figure 2.15 – Distribution de la longueur minimale des canaux d’éclairs pour un ensemble d’orages survenus au dessus de 4 villes. La longueur des décharges est déterminée par reconstruction acoustique à partir d’enregistrements de signaux de tonnerre. Pour chaque graphique la barre verticale est la position de la médiane de la distribution. L’altitude du site est précisée à côté du nom du site. Figure extraite de [Teer et Few, 1974].

Les premières études de la géométrie fine des canaux des arc en retour visibles optique-ment sont réalisées par Hill [1968] à partir de photographies d’arcs en retour. Il montre que la tortuosité du chemin tracé par le traceur négatif descendant est uniforme sur toutes les échelles géométriques. L’auteur constate qu’à chaque pas de propagation, la variation de direction du traceur négatif descendant est d’environ 16° en moyenne, et ce depuis la plus petite échelle géométrique (quelques dizaines de centimètres) jusqu’aux échelles

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Figure 2.16 – En haut à gauche : détections acoustiques reconstruites et tracées dans le plan (altitude, direction Ouest–Est). En haut à droite : détections tracées dans le plan (direction Nord–Sud, direction Est–Ouest). En bas à droite : détections tracées dans le

plan (direction Nord–Sud, altitude). Figure extraite de [MacGorman et al., 1981].

macroscopiques de la géométrie du canal de foudre (quelques dizaines de mètres). Few et Teer [1974] comparent les résultats de reconstruction acoustique de canaux d’éclairs à des photographies prises pour les mêmes événements (voir figure 2.18). Ils montrent que la géométrie obtenue par reconstruction acoustique et la géométrie photographiée sont en bon accord.

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Figure 2.17 – Etude d’un orage survenu en Arizona. A gauche : distribution des altitudes des décharges intra-nuage reconstruites par méthode acoustique en fonction du temps durant un orage (les 25 dernières minutes de l’orage considéré). A droite : distribution en altitude des sources acoustiques reconstruites. Figures extraites de [MacGorman et al., 1981].

Figure 2.18 – Comparaison de géométries de canaux de foudre reconstruites acoustique-ment à une photographie des mêmes décharges. Sur le graphique du haut, le rectangle pointillé délimite le champ de vue de la caméra. Figure adaptée de [Few et Teer, 1974].

2.6. Caractéristiques géométriques des décharges de foudre 31 Roy [1981] et Ribner et Roy [1982] étudient les signaux de tonnerre qui seraient enregistrés par un capteur acoustique pour différentes géométries d’arc en retour tortueux. Ils construisent plusieurs modèles aléatoires pour représenter la géométrie d’un arc en retour et sa tortuosité, et font l’hypothèse que chaque point de la géométrie générée par leurs tirages émet une onde impulsionnelle dite en N, caractéristique d’une onde de choc. En propageant chaque onde acoustique en N en ligne droite depuis la position de la source jusqu’à la position du capteur, les auteurs construisent par sommation d’ondes en N déphasées le signal complet qui arrive au sol (voir figure 2.19). Le modèle final qu’ils proposent a été repris récemment par Rood [2012] dans sa thèse. L’auteur donne une bibliographie sur ce modèle géométrique. Son objectif est le développement d’un code de propagation acoustique nonlinéaire et parallélisé. Il se sert du cas du champ acoustique émis par une géométrie d’arc en retour tortueux comme illustration finale de sa thèse. Il est nécessaire de noter qu’aucune des deux approches ne modélise l’extension horizontale très importante des décharges.

Figure 2.19 – A gauche : exemple d’éclair tortueux généré aléatoirement, chaque point émet une onde en N. Ces ondes voyagent en ligne droite indépendament les unes des autres jusqu’à un observateur et se somment à ce point pour former le signal. A droite : exemple de signal obtenu. Figures extraites de [Ribner et Roy, 1982].

Aujourd’hui les reconstructions acoustiques des flashs connaissent un regain d’intérêt car elles peuvent-être confrontées aux géométries reconstruites par des techniques basées sur l’enregistrement des formes d’onde électromagnétiques émises par les traceurs durant leur propagation (voir paragraphe 3.4 page 50).

Arechiga et al. [2011] comparent les résultats de reconstructions acoustiques (ils utilisent des microphones) et électromagnétiques pour des cas de flashs artificiellement déclenchés (voir figure 2.20). Qiu et al. [2012] font de même pour le cas de 2 flashs au sol naturels et très ramifiés. Bodhika et al. [2013] donnent la reconstruction acoustique tridimensionnelle de 5 cas de flash au sol ou intra-nuage. Il faut remarquer que toutes ces approches construisent un ensemble de points géométriques, sans réelle information sur les incertitudes de la localisation. Il n’existe aucune évidence que les détections reconstruites soient effectivement associées à des sources physiques ponctuelles. Johnson et al. [2011] tentent de dépasser ce problème et décrivent les positions des sources acoustiques reconstruites par des distributions continues représentant la cohérence de leur position. Un exemple de reconstruction qu’ils obtiennent est donné figure 2.21.

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Figure 2.20 – Cercles verts : sources acoustiques reconstruites. Points bleus : sources électromagnétiques. En haut : Altitudes des sources en fonction du temps à la station acoustique. Deuxième ligne à gauche : localisation des sources dans le plan (distance Est–Ouest, altitude). A droite : distribution en altitude des sources acoustiques et électro-magnétiques. Troisième ligne à gauche : localisation des sources dans le plan (longitude, latitude). A droite : localisation des sources dans le plan (distance Nord–Sud, altitude). Figure extraite de [Arechiga et al., 2011].

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Figure 2.21 – En haut à gauche : signaux de tonnerre enregistrés par le réseau nommé GTM (4 capteurs). En haut à droite : distribution (échelle orange à rouge) de la cohérence de la position des sources acoustiques tracée sur un graphique (distance Ouest–Est, altitude). Les points cyans représentent la localisation de détections électromagnétiques. Deuxième ligne à gauche : distribution projetée dans le plan (altitude, distance Sud–Nord). A droite : Vue du dessus de la distribution. Trosième ligne : signaux enregistrés par les trois réseaux. Les 4 lettres dans les différents graphiques identifient 4 sources acoustiques cohérentes, et les signaux qu’elles ont générés. Figure extraite de [Johnson et al., 2011].

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