Partie II. Contribution à la conception de chaînes logistiques
Chapitre 4. Etat de l’art : conception et configuration de chaîne logistique
4.5. Problématique de conception et de configuration de chaînes logistiques
4.5.2. Caractéristiques des modèles d’optimisation
Cette section porte sur la nature du problème de conception de réseaux logistiques. Nous
synthétisons les hypothèses retenues et les principaux éléments pris en compte dans les modèles
d’optimisation de la chaîne logistique.
Des travaux abondants existent sur les problèmes de conception de chaîne logistique.
Un premier bilan des principaux modèles de localisation de sites a été présenté par [Aikens,
1985]. En perspective, l’auteur suggère d’étendre ces modèles aux problèmes dynamiques et
multi-articles et d’élargir ainsi le champ des contraintes. [Davis, 1993] a exposé une analyse
complète de la chaîne logistique globale allant des fournisseurs aux clients en environnement
incertain. Les modèles stochastiques développés restent descriptifs et se limitent à l’analyse de
chaînes logistiques mono-article. Dans leur première contribution, [Lee et Billington, 1992] ont
présenté les différents problèmes associés à la gestion des stocks dans une chaîne logistique.
Ensuite, [Lee et Billington, 1993] ont traité le problème de gestion de stocks dans un
environnement incertain. Ils proposent un modèle simple pour évaluer les alternatives de
conception de chaînes logistiques. Enfin, ils montrent [Lee et Billington, 1995] comment
l’entreprise HP (Hewlett-Packard) a utilisé une approche intégrée pour définir une nouvelle
chaîne logistique et améliorer ainsi le niveau de satisfaction client. L’évolution de la modélisation
des problèmes de conception de chaînes logistiques a été analysée par [Ballou et Masters, 1993].
Cette analyse montre que la programmation linéaire en nombres entiers (MIP : Mixed Integer
Programming) est l’approche la plus utilisée. En effet, les MIP permettent de modéliser un
champ très large de contraintes et sont supportés par beaucoup de solvers commerciaux.
[Geoffrion et Powers, 1995] ont retracé l’évolution des modèles de conception de systèmes de
distribution stratégique au cours des vingt dernières années et cela depuis leur premier modèle
[Geoffrion et Graves, 1974]. Ils ont discuté les différentes définitions de la chaîne logistique, de
l’impact d’intégration des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans la
gestion d’une chaîne logistique et les différentes techniques de modélisation et algorithmes de
résolution. Les modèles associés aux problèmes analysés sont souvent complexes et de grande
taille. L’application des méthodes de type décomposition de Benders pour la recherche d’une
solution optimale est extrêmement difficile. Par conséquent, son implémentation dans des solvers
commerciaux est très coûteuse. [Slats et al., 1995] ont dressé un tableau récapitulatif des modèles
de conception et de reconception des principales activités logistiques et les méthodes de
résolution associées. Les approches utilisées pour la modélisation sont issues de la recherche
opérationnelle : programmation mathématique, heuristiques et simulation. [Thomas et Griffin,
1996] ont passé en revue quelques travaux visant à modéliser la coordination et les relations entre
deux ou plusieurs fonctions de la chaîne logistique (approvisionnement, production et
distribution). Ils ont classé ces modèles en quatre catégories : vendeur/acheteur,
production/distribution, stockage/distribution, et la planification stratégique.
Les travaux récents de [Vidal et Goetschalckx, 1998, 2000] retracent en détail les modèles
stratégiques de conception de réseaux logistiques. Ils ont synthétisé principalement les modèles à
base de MIP. Pour chaque MIP, ils ont montré les différents éléments pris en compte, les
méthodes de résolution utilisées et enfin les applications numériques.
Dans toute la bibliographie, les modèles de localisation-allocation de chaîne logistique se
distinguent principalement par des caractéristiques exigées par les cas d’application :
La nature des objectifs
L’objectif poursuivi par l’optimisation de réseaux logistiques peut être la minimisation des coûts
totaux, la maximisation du profit (avant ou après impôt), la minimisation des délais (le cycle de
toute l’activité) ou l’optimisation d’une fonction multi-objectifs.
Types de décisions sur l’état des sites
Dans certains cas, les flux entre les installations sont prédéterminés ; nous avons alors un
problème de localisation pure, c’est-à-dire que le problème ne couvre que des choix de sites.
Dans d’autres cas, la localisation des installations est prédéterminée et il ne reste qu’à préciser leur
mission, c’est-à-dire à déterminer quels articles seront fabriqués dans chaque site de production,
qui les approvisionnera en matières, à quelles installations elles livreront leurs articles, quels
articles seront stockés dans les centres de distribution ; c’est un problème d’allocation
(optimisation des flux). Dans la majorité des cas, ces deux problématiques sont combinées ; nous
avons alors un problème de localisation-allocation. Dans certains cas d’implantation de nouveaux
réseaux, le problème de localisation de sites peut être continu.
Le nombre de périodes de planification
Si la planification du réseau se fait sur une seule période de l’horizon de planification, nous avons
alors un modèle statique (mono-période) et si le réseau est conçu pour un horizon multi-périodes,
le modèle est alors dynamique.
Le nombre d’articles
Lorsque les articles à fabriquer et à distribuer sont relativement uniformes, ils peuvent être
regroupés dans une famille et considérés comme un seul article dans les modèles d’aide à la
décision utilisés, nous avons alors un modèle mono-article. Lorsque les articles n’utilisent pas les
mêmes technologies de production, de stockage et de transport, nous avons alors des modèles
multi-articles. Les modèles peuvent être également multi-articles si les articles sont définis par leur
nomenclature.
Le nombre d’échelons dans le réseau logistique
Le nombre d’échelons d’un réseau logistique est défini comme le nombre de niveaux de centres
de distribution entre les sites de production et les clients (centre de distribution, dépôt, magasin).
Si la distribution des articles se fait à partir des sites de production, alors le nombre d’échelons est
égal à zéro.
La nature des contraintes considérées
Plusieurs contraintes doivent être prises en compte dans les problèmes d’optimisation pour
obtenir des solutions réalisables et réalistes de réseaux logistiques. Les plus importantes sur le
plan stratégique sont le plus souvent les contraintes de service et la conservation du flux. Ces
contraintes interviennent pour s’assurer que la demande de chaque client pourra être satisfaite
dans les délais. D’autres contraintes peuvent aussi être rencontrées en pratique : les bornes sur les
variables, le dimensionnement des capacités et des stocks, les contraintes financières.
La nature des paramètres du modèle
Les différentes données nécessaires pour concevoir une chaîne logistique (besoins en matières,
demandes des articles, délais de transport, taux de change) peuvent être intégrées dans les
modèles comme des données déterministes, nous obtenons alors un modèle déterministe. Mais
en pratique, l’incertitude et l’imprécision des données rendent ces modèles stochastiques.
La nature des capacités dimensionnées
Sous diverses contraintes, plusieurs types de capacités peuvent être dimensionnées et limitées : la
capacité d’approvisionnement des fournisseurs, la capacité de production des sites, la capacité des
lignes de production, la capacité de stockage, la capacité de transport, la capacité des centres de
distribution.
Mono/Multiple sourcing
Plusieurs politiques d’approvisionnement et de distribution peuvent être définies : un centre de
distribution est dédié à un client ; un centre de distribution est dédié à un seul article ; chaque
client demande un seul article ; un fournisseur est dédié à une installation ; un fournisseur est
dédié à une seule matière première.
La nature des coûts considérés
Deux types de coûts peuvent caractériser les différentes installations et activités d’un réseau
logistique : les coûts fixes et les coûts variables. Les fonctions coûts correspondantes peuvent être
linéaires ou non linéaires en fonction des quantités approvisionnées, produites, stockées et/ou
transportées. Les coûts non linéaires sont introduits pour modéliser notamment les effets
d’échelle : ils peuvent être, selon les auteurs, linéaires, par morceaux, concaves ou convexes, ou
quelconques.
Les stocks dimensionnés
Le stock saisonnier d’un article dans chaque site de production et/ou centre de distribution peut
être défini par une ou plusieurs composantes suivantes : le stock de rotation en production, les
stocks de sécurité, les stocks sur les lignes de transport.
La prise en compte des aspects internationaux
Plusieurs facteurs compliquent le problème de conception d’un réseau logistique dans un
contexte de localisation internationale : les tarifs et les droits de douanes, les barrières
non-tarifaires, les taux de change, les prix de transfert, les politiques et les réglementations locales.
Les méthodes de résolution appliquées
La plupart des modèles proposés pour la conception de réseaux logistiques sont des programmes
linéaires en nombres entiers (MIP). Ces MIP peuvent être résolus par plusieurs méthodes : la
décomposition de Benders, les méthodes de factorisation, les méthodes heuristiques, les Solver
commerciaux.
La complexité des modèles
La complexité d’un modèle d’optimisation est mesurée par le nombre de variables entières (le
plus souvent binaires), le nombre de contraintes et le temps de calcul.
Dans le document
Contribution a la conception de produits a forte diversité et de leur chaine logistique : une approche par contraintes.
(Page 128-131)