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Chapitre I. Synthèse bibliographique

II. Vieillissement des composites biosourcés

II.2. Caractéristiques cinétiques de la diffusion

La diffusion correspond à un transport moléculaire gouverné par l’existence d’un gradient de concentration du solvant vers le matériau.

Le modèle le plus simple permettant de décrire la diffusion d’un solvant dans un solide est donné par la loi de Fick (1855) (équation 1). Cette loi stipule l’existence d’une relation entre le gradient de concentration C du solvant (kg.m-3), qui induit un flux φ lui étant proportionnel. Le facteur de proportionnalité D correspond à la vitesse de diffusion (mm2.s-1) qui caractérise la capacité des molécules de solvant à se déplacer dans le milieu solide.

La première loi de Fick est donnée par l’équation (1):

𝜑⃗ = −𝐷 𝑔𝑟𝑎𝑑 𝐶⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ (1)

La seconde loi de Fick fait intervenir le temps, l’eau pénètre ainsi sans interaction avec les composants du solide. Selon la loi de conservation de la masse, on a l’équation (2)

𝜕𝐶

𝜕𝑡 = 𝑑𝑖𝑣 (𝜑⃗ )

(2)

En combinant les équations 1 et 2, on obtient l’équation 3 𝜕𝐶

𝜕𝑡 = 𝑑𝑖𝑣 (−𝐷 𝑔𝑟𝑎𝑑 𝐶⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗⃗ ) (3)

Dans le cas d’une diffusion unidirectionnelle, suivant x, et en admettant que D est indépendant de la concentration, on a : 𝜑⃗ = −𝐷𝜕𝐶 𝜕𝑥 (4) 𝜕𝐶 𝜕𝑡 = 𝐷 𝜕²𝐶 𝜕𝑥² (5)

Crank (1983) a présenté des solutions mathématiques de ces équations pour des géométries et des conditions aux limites variées. La géométrie la plus utile dans la suite de notre étude est celle d’une plaque mince. Soit alors une plaque mince d’épaisseur 2h, au sein de laquelle diffuse le solvant initialement à la concentration C0, et dont les surfaces sont gardées à la concentration uniforme C1. L’évolution spatiale et temporelle de la concentration de solvant C est donnée par :

𝐶 − 𝐶0 𝐶1− 𝐶0= 1 − 4 𝜋 . ∑ (−1)𝑛 (2𝑛 + 1) . exp (−𝐷 .(2𝑛 + 1) 2 ℎ2 . 𝜋2. 𝑡) . cos ((2𝑛 + 1). 𝜋 ) 𝑛=0 (6)

Où C0 est la concentration initiale du solvant

C1 est la concentration aux surfaces de la plaque considérée constante D: coefficient de diffusion (mm².s-1)

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t: durée du vieillissement (s) h: épaisseur de la plaque (mm)

Pour une aire A du matériau soumise au flux de molécules du solvant, et par intégration de la concentration variable C sur l’épaisseur h du matériau, la masse totale d’eau Mt dans le matériau à l’instant t est obtenue comme suit:

𝑀𝑡 = ∫ 𝐴. 𝐶(𝑥, 𝑡)𝑑𝑥

0

(7)

La masse de solvant absorbée après un temps infini est appelée en masse à saturation et traduit l’équilibre du matériau avec le milieu environnant. La résolution de cette intégration est donné par :

𝑀𝑡 𝑀𝑠 = 1 − 8 𝜋² . ∑ 1 (2𝑗 + 1)² . exp (−𝐷 .(22 + 1) 2 ℎ2 . 𝜋2. 𝑡) 𝑛 𝑗=1 (8)

L’équation (9) est la base des modèles cinétiques de diffusion. Elle peut être simplifiée aux temps courts ou aux temps longs en utilisant les approximations suivantes:

 Lorsque 𝑀𝑡𝑀𝑠 < 0,5 , soit aux temps courts : 𝑀𝑡 𝑀𝑠= 4 ℎ √𝐷𝑡 √𝜋 (9)

Selon Assarar et al., (2011), la masse d’eau absorbée varie linéairement en fonction de la racine carrée du temps d’immersion tant que la concentration d’eau au centre de la plaque est nulle (Figure 43).

Figure 43 - Cinétique de prise de masse selon la loi de Fick (Mercier, 2006)

 Lorsque 𝑀𝑡𝑀𝑠 > 0,5 , soit aux temps longs, Shen et Springer (1981) proposent l’approximation suivante à l’équation (9):

𝑀𝑡

𝑀𝑠= 1 − exp (−7,3 (

𝐷𝑡

2)0,75 ) (10)

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 La masse à saturation Ms correspondant à la quantité maximale d’eau que peut absorber le matériau.

 Le coefficient de diffusion D, correspondant à la cinétique de diffusion des molécules d’eau.

Il est largement admis que la diffusion est un phénomène thermiquement activé. Ainsi, le coefficient de diffusion D varie avec la température selon le modèle d’Arrhénius (Shen et Springer, 1981) :

𝐷 = 𝐷0. exp(−𝐸𝑎 𝑅𝑇)

(11) Avec :

𝐷0 = constante (indice de perméabilité)

Ea = énergie d’activation de la diffusion (kJ.mol-1) T = température d’essai (K)

R = constante des gaz (8,314 10-3 kJ.mol-1.K-1)

Sous certaines conditions de vieillissement, les cinétiques d’absorption d’eau peuvent présenter des déviations par rapport au modèle de Fick, qui est le plus simple et le plus largement utilisé. La Figure 44 schématise les principaux modèles de diffusion rencontrés dans la littérature et qui ont été repris par une revue bibliographique réalisée par Weitsman (1991) au sujet des effets du conditionnement hygroscopique sur le comportement des composites fibreux.

La courbe (1) sur cette figure correspond à un comportement pseudo-fickien caractérisé par une augmentation continue de la prise de poids. La courbe (2) représente une cinétique selon le modèle de Langmuir pour l’adsorption sur des surfaces. Ce modèle a été expliqué quantitativement par Carter et Kibler (1978) en divisant la diffusion en deux composantes, une composante dite « mobile » et une autre dite « liée ». Les molécules de la phase mobile diffusent avec une concentration indépendante du coefficient de diffusion et sont absorbées dans certains sites de nature non spécifiée (par exemple dans les vides du polymère, par des liaisons hydrogène..). Les molécules sont émises de la phase liée et deviennent mobiles. Célino et al., (2014) ont proposé l'utilisation du modèle de Langmuir pour expliquer la cinétique de diffusion de l'eau des fibres naturelles en immersion à la température ambiante. Les auteurs considèrent que ce modèle s'adapte bien avec la structure et la composition chimique des fibres comme il tient compte de la présence d'une fraction d'eau libre et liée.

Les courbes (3) et (4) peuvent indiquer un endommagement du matériau. Mercier (2006) précise que le cas (3) correspond à une accélération rapide de l’absorption d’eau, qui est généralement accompagnée de déformations importantes. Ce type de comportement a été rapporté par Chateauminois (1991) sur des systèmes époxy/verre dans des conditions de vieillissement en immersion à 90°C pendant 500 jours, ainsi cette déviation est d’autant plus marquée que la température est élevée. De même, la courbe (4) présente une perte de poids pouvant indiquer des dégradations chimiques associées à l’hydrolyse des liaisons chimiques

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avec solubilisation de courtes chaines du matériau dans le solvant, ce qui explique la perte de matière et la baisse de la masse globale, malgré l’absorption d’eau (Bouzouita, 2011).

Ces écarts peuvent être engendrés par des phénomènes d’extraction des molécules libres, de décohésion fibre-matrice ou même d’hydrolyse des fonctions esters, dans tous les cas par des dégradations chimiques irréversibles. L’apparition de dégradations de type décohésion fibre-matrice peut permettre des infiltrations d’eau par des chemins privilégiés et éventuellement le lessivage du matériau (perte de matière).

Figure 44 –Exemples de cinétique d’absorption d’eau non-fickienne (Mercier, 2006) Bouzouita (2011) a par exemple étudié le vieillissement hygrothermique à 24, 70 et 90°C, en immersion et à 80% d'humidité relative (H.R.) pendant 3 mois de composite PP/fibres de chanvre sur des échantillons (75mm x 7mm x 4mm). La prise de masse M(%) a été déterminée par gravimétrie et le coefficient de diffusion D a été calculé en utilisant l’approximation de Shen et Springer (1981) (équation 10).

Figure 45 - Prises de masse des composite PP/ fibres de chanvre à différentes températures: (a) 23°C (b) 70°C et (c) 90°C (Bouzouita, 2011)

Les résultats obtenus (Figure 45) montrent des masses à saturation qui varient entre 6 et 12% selon la température d'étude. L'auteur a constaté une augmentation de la masse à saturation des composites avec la température. De plus, les courbes de sorption obtenues à 70°C et 90°C montrent une chute de prise de masse avec un écart entre les résultats expérimentaux et le modèle fickien survenant 7 jours après l'immersion à 70°C et 3 jours après l'immersion à 90°C. Cette perte de masse est attribuée selon l'auteur à la dissolution de composants des fibres, mais aucune analyse n'a été réalisée pour vérifier cette hypothèse et identifier les composants solubilisés.

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L'influence de l'humidité relative du milieu de vieillissement sur la cinétique de prise de masse de composites a été étudiée par Roudier (2012) pour des plaques de composites à matrice polyester insaturé renforcée par 30% en masse de fibres de lin (50mm x 20mm x 2mm). Ces composites ont été vieillis à une température de 20,5±1,5°C et trois humidités relatives: 33, 50 et 75% (Figure 46). La détermination des coefficients de diffusion par la loi de Fick montre l'augmentation de la cinétique d'absorption d'eau avec l'humidité relative du milieu. Ces coefficients sont respectivement de 1 ± 0,05.10-6 (mm2.s-1) et 1,86 ± 0,08.10-6 (mm2.s-1) pour 33 et 75% H.R.

Comparée aux fibres de lin seules vieillies dans les mêmes conditions (5 heures), l'auteur considère que la résine ralentit l'absorption en eau des fibres au sein du composite (600h) mais en aucun cas ne l'empêche.

Figure 46 - Courbes de prise de masse de composites polyester insaturé/fibres de lin pour trois humidités relatives: 33, 50 et 75% (Roudier, 2012)