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pour comprendre les invasions fulgurantes

2.1 Caractéristiques biologiques et écologiques de la pyrale du buis

2.1.1 Taxonomie

La pyrale du buis, Cydalima perspectalis (Walker, 1859) est un Lépidoptère appartenant à

la super-famille des Pyraloidea qui comprend un grand nombre de familles et plus de 15 000

espèces décrites à ce jour (Regier et al. 2012), dont 30 espèces considérées comme exotiques

introduites en Europe (Lopez-Vaamonde et al. 2010). La famille des Crambidae inclut notamment la sous-famille des Spilomelinae qui comprend 317 genres et un peu plus de 3 000 espèces décrites

à ce jour dont certains ravageurs comme Maruca vitrata, des espèces du genre Diaphania ou

encore la pyrale du buis. Depuis sa description en 1859, cette dernière a été placée dans différents

genres de Spilomelinae : Palpita Hübner 1808, Diaphania Hübner 1818, Glyphodes Guenée 1854

et plus récemment Neoglyphodes Streltzov 2008 pour être finalement transférée dans le genre

Cydalima à la suite d’études morphologiques réalisées par Mally & Nuss (2010) après son

introduction en Europe. Depuis, le nom scientifique de la pyrale du buis est Cydalima perspectalis,

mais elle est encore souvent mentionnée dans la littérature asiatique sous le nom de Diaphania

perspectalis ou Glyphodes perspectalis. Le genre Cydalima regroupe aujourd’hui 9 espèces

présentes en Asie et en Australie (Nuss 2018). Cependant, on ne trouve des données biologiques

dans la littérature que pour C. perspectalis (Maruyama & Shinkaji 1987, Peng et al. 1994, Wan et

al. 2014)et C. laticostalis (Ghorpade & Patil 1989).

2.1.2 Biologie et écologie de C. perspectalis

Ce Lépidoptère défoliateur s’attaque aux espèces du genre Buxus (Angiospermes, famille

Buxaceae). Trois autres espèces de ligneux sempervirents ont été signalées comme hôtes

potentiels : Ilex purpurea (Angiospermes, famille Aquifoliaceae), Euonymus japonicus et E. alatus

(Angiosperme, famille Celastraceae) en Asie (Maruyama 1993, Casteels et al. 2011, Wan et al. 2014). Cependant, les signalements d’attaques sur ces trois espèces sont anecdotiques et nécessiteraient d’être confirmés. En Europe, l’insecte s’attaque uniquement aux plantes du genre

Buxus (Leuthardt & Baur 2013, Brua 2014, Göttig 2017, Matošević et al. 2017) dont le buis

commun endémique, B. sempervirens, et le buis du Caucase, B. colchica (Kenis et al. 2013,

Gninenko et al. 2014, Mitchell et al. 2018). Il semble aussi capable de s’alimenter sur le buis des

Baléares, B. balearica (Brua 2014), mais il existe peu de données sur cet arbre dont l’aire de

répartition en Europe est très réduite(Di Domenico et al. 2012)et qui présente une composition

en alcaloïdes plus élevée que le buis commun et le buis du Caucase (Vachnadze et al. 2009). Dans sa zone d’origine, la pyrale du buis est un insecte multivoltin, présentant de 2 à 5 générations par an. En Corée, la première génération d’adultes émerge au mois de juin et la deuxième génération du mois d’août jusqu’à début septembre (Park 2008). Au Japon, 3 générations sont observées (Maruyama & Shinkaji 1987) et en Chine, 3 à 5 générations ont été

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dénombrées en fonction de la latitude (Peng et al. 1994, Chen et al. 2005, Zhou et al. 2005, Wang 2008, Wan et al. 2014).

Dans la zone d’introduction, on observe de 2 à 4 générations également en fonction de la latitude. Dans les zones plus froides du Nord comme la Suisse ou certaines régions d’Allemagne, on observe 2 générations seulement (Nacambo et al. 2014, Göttig & Herz 2017) et plutôt 3

générations dans des zones plus chaudes d’Europe (Figure 5) comme la Croatie (Matošević et al.

2017) ou l’talie (Santi et al. 2015). Les périodes de vol ont généralement lieu en juin pour la première génération, courant août pour la deuxième et peuvent se poursuivre jusqu’en octobre en fonction du climat. Dans certaines zones, la troisième génération est observée au mois de septembre-octobre, ce qui peut permettre une certaine superposition entre les individus de la deuxième et la troisième génération (Nacambo et al. 2014). En Russie et plus globalement en Asie Mineure, il y aurait jusqu’à 4 générations par an (Gninenko et al. 2014).

Figure 5. Cycle biologique de C. perspectalis. Le nombre de générations représenté correspond au cycle biologique de l’insecte observable en Région Centre-Val de Loire. La première génération est définie dans cette thèse comme étant celle qui passe l’hiver en diapause.

Le cycle biologique de C. perspectalis est rapide, sensible à la chaleur, et l’insecte passe du stade œuf à papillon en une quarantaine de jours à 25°C (Maruyama & Shinkaji 1987, 1991, Park 2008, Wan et al. 2014). L’adulte est un papillon nocturne et la femelle peut pondre jusqu’à 600 œufs en une semaine dans la zone d’origine et 800 œufs dans la zone d’introduction (Tabone et al. 2015). Les pontes sont généralement déposées en plaques d’une vingtaine d’œufs sur la surface des feuilles de buis, mais on peut en dénombrer jusqu’à 80 (A. Bras, pers. obs.). Le temps de développement des œufs est d’environ 4 jours. Le développement larvaire se compose de 5 à 7 stades (Maruyama & Shinkaji 1991, Park 2008, Nacambo et al. 2014, Wan et al. 2014, Göttig 2017) qui durent environ 3 jours chacun sauf le dernier stade larvaire qui dure une dizaine de jours,

comme c’est le cas pour le stade nymphal (Kawazu et al. 2010a). Les adultes atteignent leur

maturité sexuelle quelques jours après leur émergence et vivent une quinzaine de jours. Ils s’accouplent une fois au cours de leur vie durant les premières heures de la nuit (Kawazu et al. 2010b). Leur dispersion naturelle a été estimée à une dizaine de kilomètres en Europe (Van der Straten & Muus 2010).

Il existe un dimorphisme de couleur au stade adulte : une forme de couleur blanche et une

forme de couleur brune (Figure 6). Ce dimorphisme n’est pas sexuel (Chen et al. 2005, Göttig &

Herz 2017) mais son déterminisme n’a pas encore été appréhendé à ce jour. Les deux formes du papillon sont retrouvées en Chine comme dans la zone d’introduction. Dans la zone envahie, les deux morphes de couleurs sont présentes avec un ratio d’environ 20% d’insectes de couleur brune

en Allemagne (Göttig 2017) comme en France (J.-C. Martin comm. pers.), la proportion relative

des deux morphes n’est pas connue dans la zone d’origine asiatique.

Figure 6. Adulte de pyrale du buis Cydalima perspectalis. a. Morphe de couleur blanche ; b. Morphe de couleur brune ; c. Dimorphisme sexuel, extrémité ventrale de l’abdomen.

La première génération de C. perspectalis est caractérisée par un arrêt de développement

durant l’hiver (Figure 5) au cours duquel les insectes forment un cocon entre les feuilles de buis.

Les larves réalisent une diapause hivernale induite par une diminution de la photopériode au début de l’automne en zone native (Maruyama & Shinkaji 1993, Xiao et al. 2011) comme en zone

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envahie (Nacambo et al. 2014). Cependant, le seuil critique de la photopériode et les stades larvaires diapausants varient géographiquement en Asie : Au Nord de la Chine, la diapause se fait

aux 2e et 3e stades larvaires alors qu’au Sud, cela peut aller jusqu’au dernier stade larvaire (She &

Feng 2006, Xiao et al. 2011, Wan et al. 2014). Au Japon, la photopériode critique en-dessous de laquelle l’insecte entre en diapause est de 14h20 de jour au Nord du pays, et de 13h40 au Sud du pays pour une même température (Maruyama 1993). Dans la zone d’introduction, le fonctionnement de la diapause est moins connu. Quelques observations suggèrent que ce soit les

jeunes stades larvaires de 2e et 3e stades (L2 et L3) qui entrent en diapause entre septembre et

octobre (Gninenko et al. 2014, Nacambo et al. 2014). Après le passage de l’hiver dans leur cocon, les chenilles recommencent à s’alimenter entre les mois de mars et avril en fonction de la remontée des températures (Nacambo et al. 2014). Des expériences laissent supposer que les chenilles ont besoin d’être exposées un mois et demi à des températures hivernales pour pouvoir finir leur cycle au printemps et reprendre leur activité dès la fin mars (Nacambo et al. 2014). Cependant, on connaît encore mal les stades larvaires sensibles à la photopériode pour l’induction de la diapause ou les facteurs impliqués dans la levée de diapause en Europe. Il semble en revanche que la diapause puisse avoir un effet positif sur la fécondité et l’activité larvaire. En effet, les femelles de la génération diapausante seraient plus fécondes que celles des autres générations dans la zone d’origine (Wan et al. 2014), et des études sur le développement larvaire montrent que les larves diapausantes auraient un taux de croissance plus élevé que celles des autres générations (Leuthardt & Baur 2013).