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PARTIE I : Contexte général

CHAPITRE 4 : Contexte géographique : l’Afrique de l’Ouest

4.1. Caractéristiques éco-climatiques

4.1.1. Gradient pluviométrique et zones bioclimatiques

En Afrique de l’Ouest, le climat est régulé par le système de Mousson Ouest Africaine (MOA) défini comme un schéma de circulation atmosphérique de basses latitudes dont le principal moteur est le gradient thermodynamique existant entre le Sahara chaud et sec et l’océan Atlantique (Janicot & Fontaine, 1993 ; Sultan & Janicot, 2000 ; Lafore et al., 2011 ; Nicholson, 2013). Le cycle saisonnier de la MOA est déterminé par les oscillations de la Zone de Convergence Inter-Tropicale (ZCIT) qui est définie comme une zone d’accumulation de la vapeur d’eau amenée par les alizés. La position latitudinale de la ZCIT varie avec les saisons selon l’inclinaison solaire. En hiver boréal, la ZCIT est située sur le pourtour du golfe de Guinée, soumettant l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest à un flux de nord-est en provenance du Sahara (Harmattan) amenant un air sec. En été boréal, la ZCIT migre vers le Nord pour atteindre sa position la plus septentrionale vers le mois d’Août (~ 15°N). L’Afrique de l’Ouest est alors soumise aux alizés du Sud qui amènent un air humide en provenance du Golfe de Guinée. Cet air chargé en vapeur d’eau combiné à une forte instabilité atmosphérique favorise la formation de systèmes convectifs de méso-échelle qui induisent 90 % des pluies annuelles en région sahélienne (¡!12–18 ◦N) et près de la moitié en zone soudanienne (¡!9–12 ◦N) (Mathon et al., 2002 ; Lebel & Ali, 2009 ; Lafore et al., 2011).

La migration saisonnière de la ZCIT et l’organisation zonale de la MOA qui en découle déterminent la distribution spatiale des cumuls pluviométriques annuels moyens. Ces derniers suivent un gradient nord-sud de l’ordre de 1 mm par kilomètre (Lebel et al., 1992 ; L’Hôte & Mahé, 1996) permettant de distinguer 6 zones climatiques, avec du Nord vers le Sud (Figure 4.1 et Tableau 4.1) :

· Climat saharien aride en deçà de l’isohyète 200 mm/an ;

· Climat sahélien semi-aride entre les isohyètes 200 et 700 mm/an ;

· Climat tropical sec ou soudanien entre les isohyètes 700 et 1200 mm/an ; · Climat tropical humide ou guinéen entre les isohyètes 1200 et 1800 mm/an ; · Climat subéquatorial entre les isohyètes 1800 et 2500 mm/an ;

· Climat équatorial au-delà de l’isohyète 2500 mm/an.

FIGURE 4.1 : Localisation des différentes zones éco-climatiques (gradient latitudinal de pluviométrie et

d’associations végétales) en Afrique de l’Ouest et des zones d’étude (Source isohyètes : L’Hôte & Mahé, 1996)

La bande sahélienne est elle-même généralement subdivisée en deux zones juxtaposables au niveau de l’isohyète 400 mm/an, séparant le Sahel pastoral au Nord du Sahel agropastoral au Sud. Ce gradient pluviométrique induit également un gradient latitudinal des associations végétales, des steppes désertiques au Nord vers les forêts tropicales au Sud. La répartition des activités agricoles se calquent également sur ces zones bioclimatiques (Tableau 4.1). A la marge du Sahara, en zone nord-sahélienne, la saison des pluies est trop courte et incertaine pour permettre la mise en culture. Seules des communautés pastorales, en particulier les Touaregs et les Peuls, tirent parti des parcours steppiques pour faire pâturer dromadaires, zébus et caprins. L’agriculture pluviale domine toutes les autres formes d’activité agricole sur les autres zones agro-climatiques. Elle fournit par exemple 78% du volume total des produits

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TABLEAU 4.1 : Zones climatiques, associations végétales et acticités agricoles associées en Afrique de l’Ouest

(d’après Clanet & Ogilvie, 2014)

Pluviométrie

annuelle (mm) Zones climatiques Associations végétales Activités agricoles

< 200 Saharien Steppes désertiques Pas de culture, pâturages saisonniers occasionnels

200 – 400 Nord-Sahélien Savanes et steppes herbeuses Pas de culture, pâturages saisonniers

400 – 700 Sud-Sahélien Savanes et steppes herbeuses, arborées et arbustives

Mil aléatoire, pâturages saisonniers

700 – 1200 Soudanien Savanes herbeuses, boisées/arborées et savanes parcs

Mil, sorgho, haricot, arachide et sésame

1200 – 1800 Guinéen

Forêts humides sempervirentes, ou à feuilles caduques et savanes

secondaires

Sorgho, maïs, arachide, taro, pois de terre

1800 – 2500 Subéquatoriale

Forêts humides sempervirentes et marécages. Prairies au-dessus de

1000 m

Maïs, coton, canne à sucre, patate douce, igname

> 2500 Equatoriale côtière Forêts ombrophiles, mangroves et savanes herbeuses

Fruits, manioc, canne à sucre, thé, banane plantain

4.1.2. Variabilité des précipitations

Le gradient de cumuls pluviométriques précédemment introduit s’accompagne également d’un gradient de saisonnalité. Globalement, à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, la saison des pluies s’échelonne sur 12 mois en zone équatoriale à 3 mois au nord du Sahel (Figure 4.2). Une analyse des distributions annuelles des précipitations permet par ailleurs de distinguer deux grands types de régime (Lebel et al., 2003 ; Le Lay, 2006) : (i) un régime bimodal, au Sud d’environ 8°N, induit respectivement par la montée vers le Nord de la ZCIT vers les mois de mai/juin et sa redescente vers le Sud en octobre et (ii) un régime unimodal au-dessus de cette même latitude, centré sur le mois d’août. La Figure 4.2 illustre ce dernier point par le biais du cycle saisonnier des précipitations mesurées par cinq stations de mesures en Afrique de l’Ouest (Lebel et al., 2003). Abidjan (4.1°W ; 5.3°N) en zone guinéenne présente un régime côtier typiquement bimodal. Bouaké (5.1°W ; 7.7°N) en zone soudanienne montre un régime de transition avec une longue saison humide et trois maximas pluviométriques assez peu marqués, d’avril à septembre. Un peu plus au Nord, au-dessus de 8°N, Kafolo (4.3°W ; 9.6°N) est déjà caractérisé par un régime essentiellement unimodal. Enfin, Houndé (3.5°W ; 11.5°N) et Niafunké (4°W ; 15.9°N), respectivement à la transition soudano-sahélienne et au nord-Sahel, présentent également une seule saison des pluies, avec un mode unique très marqué.

FIGURE 4.2 : Cycle saisonnier moyen des précipitations (cumuls sur 5 jours) sur la période 1951-1990 mesuré

à cinq stations en Afrique de l’Ouest (d’après Lebel et al., 2003) (b) ; localisation des stations pluviométriques et isohyètes moyens annuels sur la période 1951-1989 (d’après L’Hôte & Mahé, 1996) (a).

L’Afrique de l’Ouest est également caractérisée par une forte variabilité pluviométrique interannuelle (Figure 4.3). Plusieurs études ont mis en évidence différentes périodes contrastées (Nicholson, 1979, 2013 ; Nicholson et al., 2000 ; Le Barbé et al., 2002 ; L’Hôte et al., 2002 ; Mahé & Paturel, 2009). Les années 1910-20 et 1940 ont été identifiées comme des années de sécheresse ayant causé de sévères famines sur la région (Nicholson, 1979 ; L’Hôte et al., 2002). La période post-années 50 est caractérisée par une alternance d’années humides et sèches. Les années 1950-60 sont identifiées comme particulièrement humides. Cette période excédentaire connait une rupture brutale à la fin des années 60 qui marque le début d’une période de sécheresse historique jusqu’au début des années 90. Une reprise des précipitations s’est ensuite enclenchée au milieu des années 1990 sans atteindre pour autant les valeurs enregistrées durant la période précédente (Nicholson, 2005 ; Mahé & Paturel, 2009). Par ailleurs, si les sécheresses historiques des années 1970 et 1980 ont touché relativement uniformément l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, le regain pluviométrique des dernières décennies est nettement plus hétérogène. Si les zones centrale et orientale de la bande sahélienne montrent des signes d’atténuation du déficit pluviométrique, la partie Ouest reste toujours exposée à la sécheresse (Lebel & Ali, 2009). En outre, Panthou et al. (2014) ont mis en évidence une augmentation du nombre d’évènements extrêmes dont le poids dans le cumul annuel est plus conséquent dans le Nord du Sahel que dans le Sud.

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FIGURE 4.3 : Évolution de l’indice pluviométrique standardisé (SPI1) sur le Sahel de 1950 à 2014 (d’après Panthou et al., 2018)

4.1.3. Évapotranspiration potentielle

L’Afrique de l’Ouest est également caractérisée par un fort gradient méridien d’ETP inverse au gradient pluviométrique (Figure 4.4). Il existe en effet une augmentation du pouvoir d’évaporation de la basse atmosphère, lié à sa température et à son humidité relative (cf. Chapitre 1), des côtes guinéennes vers l’intérieur des terres. Les régions du Sud sont plus humides et moins ensoleillées ; l’énergie incidente y est donc moindre. L’ETP s’échelonne ainsi de ~3500 mm/an au Nord-Sahel à ~1000/an en région équatoriale. Ainsi à l’échelle annuelle, le rapport P/ETP montre une forte variabilité méridionale qui traduit des facteurs de contrôle de l’évapotranspiration différents selon la latitude considérée (on pourra également se référer à nouveau à la Figure 1.3). Ainsi au-delà de la latitude 10°N, les précipitations annuelles étant nettement inférieures à l’ETP, l’évapotranspiration est rythmée par le cycle de précipitations et la disponibilité en eau du sol. Inversement, sous la latitude 10°N, les précipitations annuelles deviennent supérieures à l’ETP ; l’évapotranspiration est donc plus rythmée par les forçages radiatifs et limitée par l’énergie disponible à la surface. A des échelles temporelles plus fines (i.e. mensuelle à journalière), l’importance relative de chacun des facteurs de contrôle de l’évapotranspiration reste toutefois plus variable. C’est particulièrement le cas en région soudano-guinéenne, où durant les premiers jours de pluie, l’ETP reste souvent supérieure aux réserves hydriques mobilisables par le processus d’évapotranspiration, hormis pour les couverts forestiers dont le système racinaire leur permet d’accéder à des réserves en eau contenues dans des horizons profonds. En revanche en région

1

Le SPI pour « Standardized Precipitation Index » est un indicateur statistique qui est défini par : ‹Šš( =(OUO¢£¤ Š est le cumul annuel de précipitation de l’année considérée, Š¢ est la moyenne interannuelle et kO l’écart-type interannuel.

sahélienne, les situations où l’ETP est inférieure aux réserves hydriques sont plus rares et plus circonscrites à de courtes périodes, notamment en cœur de saison des pluies.

En outre, les climats tropicaux se différencient des climats de moyennes latitudes par une ETP de forte intensité avec un signal saisonnier peu contrasté, et à l’inverse par un signal pluviométrique très contrasté entre saison sèche et saison de mousson. Ainsi, même dans le cas de cumuls annuels similaires et d’une variabilité interannuelle comparable, les régions tropicales restent beaucoup plus sensibles que les régions de moyennes latitudes aux années déficitaires (Lebel & Vischel, 2005). Ceci est d’autant plus vrai en zones arides et semi-arides (marge saharienne, Sahel) où l’ETP reste la majeure partie de l’année supérieure à la pluie, provoquant un assèchement extrêmement rapide des réserves hydriques des sols entre les évènements pluvieux (Lohou et al., 2014).

FIGURE 4.4 : Superposition de l’ETP moyenne annuelle calculée à partir de la formulation de

Penman-Monteith sur la période 2000-2013 (Source : produit global MOD16A3) et des isohyètes moyens annuels sur la période 1951-1989 (d’après L’Hôte & Mahé, 1996) en Afrique de l’Ouest. L’ETP sur les surfaces d’eau libre et

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4.1.4. Importance des interactions surface-atmosphère

De par son effet « refroidissant » à la surface et son apport en vapeur d’eau vers l’atmosphère, l’évapotranspiration modifie les conditions d’humidité et de température des basses couches de l’atmosphère. Elle joue donc un rôle dans la convection et la formation de systèmes pluviogènes (Eymard et al., 2012 ; Guichard et al., 2012). Différentes études ont soutenu l’hypothèse selon laquelle les conditions de surface, et en particulier l’humidité du sol, jouaient un rôle dans la circulation atmosphérique et le déclenchement des précipitations. Le lien de rétroaction entre humidité du sol et précipitations a ainsi été démontré tant par l’appui de la modélisation (Zeng et al., 1999 ; Douville et al., 2007), que d’observations (Taylor & Lebel, 1998 ; Philippon & Fontaine, 2002) ou par télédétection (Taylor & Ellis, 2006 ; Taylor et al., 2007, 2011).

A l’échelle du globe, le Sahel apparaît en outre comme un « hot spot » de ces rétroactions (Koster et al., 2004), notamment parce que l’évapotranspiration y est principalement gouvernée par l’humidité de surface (via l’évaporation du sol) et représente un processus suffisamment intense pour rétroagir concrètement sur les précipitations (Eymard et al., 2012). En ce sens, de manière plus globale, les régions de transition entre climats humides et climats arides constituent des zones préférentielles de ces rétroactions.

Toutefois, tant l’intensité que le signe de cette rétroaction restent incertains et controversés. A l’échelle saisonnière, Philippon & Fontaine (2002) ont suggéré qu’une anomalie positive d’humidité du sol en région soudano-guinéenne durant les mois d’hiver favoriserait une saison des pluies abondante au Sahel durant l’été suivant. Cependant, Douville et al. (2007) ont démontré que cet effet mémoire de l’humidité de surface diminuait très rapidement durant la saison sèche et ne contribuait donc pas à la prévisibilité des pluies au Sahel durant la mousson d’été. Les deux études s’accordent néanmoins sur une rétroaction positive entre humidité de surface et précipitations sur le Sahel, notamment en fin de saison des pluies.

Les travaux successifs de Taylor & Ellis (2006) et (Taylor et al., 2007, 2011, 2012) ont permis de mieux documenter cette rétroaction surface-atmosphère. Ces derniers ont montré que les systèmes convectifs se déclenchaient préférentiellement sur des zones sèches à proximité de zones humides et ce à des échelles fines de l’ordre de la dizaine de kilomètres. Cette assertion sous-entend une rétroaction négative entre humidité du sol et précipitations. Celle-ci rentre en contradiction avec les travaux précédents de Taylor & Lebel (1998), entre autres, qui suggéraient un mécanisme de rétroaction positive opérant à une échelle de 10-15 km pour expliquer les structures de pluies observées. Outre le déclenchement de la convection, Wolters et al. (2010) et Eymard et al. (2012) ont également montré que la trajectoire et le comportement des systèmes convectifs semblent être affectés par les structures d’humidité du sol. Les auteurs soulignent notamment que les cellules évoluant sur des zones humides rencontrent des sols plus froids qui ont tendance à atténuer la convection tandis que celles évoluant sur des sols secs bénéficient d’ascendances thermiques qui entretiennent la convection.