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En premier lieu, on caractérise la lame mince en identifiant les phases en présence. La Figure 11 montre une micrographie en champ clair et les résultats de diffraction en sélection d’aire. Cette zone a été choisie car elle est représentative de la microstructure du film et de l’interface. Sur la micrographie, on distingue trois zones présentant un contraste différent, délimitées schématiquement par les lignes rouges. La zone la plus claire correspond au film mince. La forme en arc de cercle du bord du film résulte du trou formé lors de l’amincissement ionique. Des clichés de diffraction sont réalisés dans chacune de ces zones. On détermine alors la présence de trois structures : γ-Al4Cu9 (amesuré = 0,860 nm) dans le film et parfois à l’interface, une phase β -CsCl (amesuré = 0,287 nm) de composition indéterminée et uniquement à l’interface et enfin le substrat i-AlPdMn dont trois axes de zone sont représentés. L’interface entre le film et le substrat

n’est pas plane, ce qui indique la présence d’interdiffusion. Cette observation est cohérente avec la formation de la phase β à l’interface.

Figure 11. Micrographie en champ clair du film Al-Cu formé sur la surface d’ordre 5 de i-Al-Pd-Mn, accompagnée de clichés de diffraction réalisés dans les zones délimitées par un trait rouge sur l’image. Trois phases sont identifiées : γ-Al4Cu9 dans le film et parfois à l’interface, une phase β (aussi nommée CsCl ou encore B2) à l’interface et le substrat i-Al-Pd-Mn. Un insert en contraste inversé dans le cliché de diffraction d’axe de zone A5

montre un élargissement des pics de Bragg, un dédoublement de certaines taches (indiqué par des flèches bleues) et un nouveau réseau rectangulaire (de paramètre a environ égal à 0,3 nm). L’insert correspond aux clichés de diffraction réalisés dans les zones très minces de la lame.

Le cliché de diffraction de la phase quasicristalline selon l’axe de zone A5 présente une certaine quantité de défauts selon l’endroit de l’échantillon considéré. L’insert en contraste inversé montre une portion d’un second cliché enregistré dans une zone très mince du quasicristal, au bord du trou. Les flèches bleues indiquent un dédoublement de certains spots intenses et alignés. Ce peut être une conséquence de l’amincissement ionique qui peut dégrader l’échantillon et conduire à la formation d’une structure apériodique de plus basse symétrie [27, 28]. Pour la phase icosaédrique, cette transition est possible vers des structures dont le groupe ponctuel est sous-groupe du groupe icosaédrique (phase pentagonale, tétraédrique ou trigonale) mais également vers la phase décagonale [29]. Il est également possible que ce défaut soit issu de l’étape d’élaboration du

quasicristal. Dans tous les cas, un tel dédoublement provient d’une déformation de phason linéaire. Dans l’espace réciproque, elle se traduit par le déplacement des pics de diffraction selon Q’par = Qpar - εQper, avec ε le taux de déformation [29]. D’autres taches apparaissent sur le cliché. Elles définissent un réseau rectangulaire de paramètre de maille égal à 0,301 nm, ce qui pourrait correspondre à une phase β-Al(Pd, Mn). En réalité, ces défauts sont présents partout à la surface de la lame mince : la raison pour laquelle on les observe mieux dans une zone très mince du substrat provient de la contribution relative entre l’intensité diffractée par ces phases, limitées à la région de surface, et celle du cœur de la lame mince qui, lui, ne semble pas avoir été dégradé. On insiste sur le fait que la phase de type β-Al(Pd, Mn) (de paramètre 0,301 nm) est issue du procédé d’amincissement de la lame alors que la phase β (de paramètre 0,287 nm) identifiée à l’interface film-substrat a pu être formée, soit lors du décapage du substrat par bombardement ionique avant le dépôt PVD, soit par interdiffusion pendant le recuit (ou les deux). Pour en savoir plus sur l’origine de la présence de la phase β à l’interface, des analyses de spectroscopie de perte en énergie des électrons sont réalisées. Cette technique consiste à recueillir les électrons qui ont traversé l’échantillon et à les collecter en fonction de leur énergie. La structure des spectres montrent alors des pics qui correspondent à des excitations de plasmons (pertes faibles) ou à des transitions électroniques (seuils), caractéristiques des éléments en présence. Les résultats obtenus sur cet échantillon sont très vite limités en raison de son épaisseur. Les paramètres d’amincissement ionique semblent devoir être optimisés pour éviter la formation rapide d’un trou bordé par une zone insuffisamment mince. Cependant, on trouve que le substrat ne contient que de l’Al, du Pd et du Mn, et que le film et les grains d’interface contiennent de l’Al et du Cu. En raison de la superposition des seuils et de l’épaisseur trop importante de l’échantillon, il est cependant impossible d’exclure la présence de Pd et/ou de Mn à l’interface film/substrat. Le fait le plus intéressant est donc que le Cu est identifié à la fois à l’interface et dans le film, avec une intensité des seuils Cu L2,3 et M2,3 plus faible à l’interface. Donc : (i) la phase β contient du Cu et (ii) sa concentration en Cu est plus faible que celle du film d’Al4Cu9 ([Cu] ~ 69% at.). Par conséquent, on peut exclure la phase binaire AlCu3, qui est une phase A2 (structure cc désordonnée de paramètre a = 0,295 nm) et qui présente une composition de 75% at. de Cu. D’autres phases cubiques centrées de paramètre de maille proche de 0,3 nm peuvent être trouvées dans les systèmes Al-Mn, Al-Pd, Al-Pd-Mn, Al-Cu-Pd et Al-Cu-Mn [30]. Etant donné qu’environ 15 analyses chimiques par EELS ont révélé la présence de Cu dans des grains de phase β, β-AlCuPd2 (phase HT, a = 0,3003 nm) et β-Al20CuMn (a = 0,2984 nm) sont les deux seules possibilités restantes pour les phases binaires ou ternaires. On peut néanmoins envisager que cette phase soit quaternaire ou encore métastable et inconnue…

Bielmann et al. ont étudié la formation d’alliages de surface par recuit de films minces de Cu déposés sous ultravide sur un monocristal i-Al-Pd-Mn. Après un recuit à 350° C -c'est-à-dire bien au delà de la température de recuit utilisé dans notre étude (220° C)- le Pd n’est pas détecté par spectroscopie Auger. En revanche, la phase γ-Al4Cu9 est formée sous forme d’alliage de surface, par diffusion de l’Al du substrat dans le film de Cu [31]. Le Pd pourrait donc être plus difficile à

faire diffuser à partir du substrat par rapport à l’Al. De même, l’Al et le Cu formeront préférentiellement γ-Al4Cu9 en raison d’une enthalpie de formation faible ( Hf (γ-Al4Cu9) = -23,0 kJ.mol-1 par rapport à l’ordre de grandeur des enthalpies de formation des phases Cu-Pd ; par exemple Hf (β-CuPd) = -13,7 kJ.mol-1) [32]. Dans notre étude, avant recuit, le Cu et le substrat sont séparés par une couche d’Al d’environ 500 nm d’épaisseur. A 220° C, on peut former des alliages Al-Cu (cf. paragraphe V-C-1) ou Al-Mn (λ-Al4Mn, -Al4,12Mn, φ-Al10Mn3) par diffusion réactive de multicouches Al/Cu (cf. paragraphe V-C-1) ou Al/Mn [33]. A température ambiante, ces deux éléments déposés sur l’Al, ou revêtus par de l’Al par PVD, montrent à peu près les mêmes longueurs d’interdiffusion (elles sont d’ailleurs bien supérieures à celle des systèmes Al/Pd et Pd/Al) [20]. Par conséquent, un alliage ternaire Al-Cu-Mn, formé par des flux de diffusion provenant de la couche de Cu et du Mn du substrat, semble être une des possibilités envisageables pour la formation de la phase β à l’interface film-substrat. La limitation de la taille des grains à l’interface serait alors causée par un flux incident d’atomes de Cu bien supérieur à celui des atomes de Mn, qui eux proviendraient d’un substrat allié contenant peu de Mn. De plus, ceux-ci proviendraient d’un substrat monocristallin alors que le Cu pourrait utiliser des canaux de diffusion rapide comme les joints de grains du film polycristallin. Nous ne pouvons pas aller plus avant dans l’interprétation du mécanisme de formation de la phase β ; premièrement parce qu’elle pourrait être formée avec un chemin réactionnel complexe (par une transition de second ordre après la formation de deux phases binaires Al-Mn et Al-Cu par exemple) et deuxièmement parce que nous ne possédons pas assez de données thermodynamiques et cinétiques.

La suite de l’étude concernera donc essentiellement les relations d’orientation entre les différentes phases du système.