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4. Discussion générale 115

4.4. Caractérisation préliminaire de lignées consomique et congéniques 120

La confirmation de l'existence des trois QTL et leur cartographie fine passait par la production de lignées congéniques que nous avons entreprise dès que nous avons eu les résultats préliminaires du croisement BSB. Nous avons été confrontés à d'importantes difficultés lors des générations successives, en raison de la faible fertilité des croisements interspécifiques. Près de 170 mâles et femelles N2 (équivalent de BSB) ont été mis en accouplement mais seulement une vingtaine d'entre eux ont eu des descendants.

Grâce à l'existence de la lignée consomique (presque complète) BcG6 pour le chromosome 6 dont nous disposons au laboratoire, nous pensions être en mesure de confirmer rapidement l'effet de Yprl3 sur la survie des animaux. L'allèle SEG/Pas étant dominant, nous avons étudié des individus hétérozygotes que nous avons pu produire en grand nombre, et analyser séparément les deux sexes. Chez les mâles, nous n'avons observé aucune différence de taux de survie par rapport à C57BL/6J mais un retard de mortalité d'environ 2 jours. Chez les femelles, le taux de survie était également inchangé et le retard de mortalité était plus faible que chez les mâles. L'effet du fragment de chromosome 6 porté par la lignée consomique est donc très faible et bien inférieur à ce qui était attendu compte tenu de l'effet observé chez les BSB. Ce résultat décevant dans les deux sexes peut cependant s'expliquer par le modèle que nous avons proposé : il est probable que des facteurs génétiques non identifiés situés sur d'autres chromosomes sont capables de créer un environnement génétique favorable pour l'expression de l'effet du QTL du chromosome 6.

L'intervalle de confiance de Yprl3 calculé chez les femelles recouvre une petite région chromosomique comprise entre les positions 124 et 128 Mb absente dans la lignée consomique. Lors de la production des lignées congéniques, nous avons pris soin de conserver cette région en incluant un marqueur microsatellite. Toutefois, même si elle contenait un gène responsable d'une différence importante de survie, l'effet phénotypique même faible observé avec la lignée consomique BcG6 indiquait qu'il devait y avoir au moins un gène en dehors de cette petite région capable d'influencer la réponse de l'hôte à l'infection.

- 121 - Nous avons pu tester des souris des lignées congéniques en cours d'obtention. A la cinquième génération de croisement en retour, les souris possèdent encore en moyenne environ (½)5 = 1/32 ~ 3% de génome SEG dans le fonds C57BL/6J, dont la région sélectionnée. Nous avons produit des lignées simples ou doubles congéniques, c'est-à-dire portant une seule ou deux régions chromosomiques. Nous avons ainsi pu analyser 120 souris congéniques N5, principalement pour le chromosome 6. Certaines de ces souris portant des événements de recombinaison le long du chromosome, nous avons procédé à une analyse locus par locus. Chez les mâles, nous avons observé une très légère augmentation du taux de survie mais surtout un retard de mortalité très significatif entre individus B/B et B/S pour les marqueurs D6Mit222 et D6Mit184 qui se trouvent respectivement en position 39 et 53 Mb. Chez les femelles, nous n'avons noté aucun effet, ni sur le taux de survie, ni sur le temps de survie.

L'ensemble de ces résultats suggèrent que l'allèle SEG/Pas de Yprl3, pris isolément sur un fonds C57BL/6J, possède un effet faible qui peut retarder un peu la mort des animaux, surtout chez les mâles, chez lesquels il semble avoir un effet plus fort, d'après les résultats des BSB, des consomiques et des congéniques. En revanche, il n'est pas capable, à lui seul, de déclencher ces événements précoces dont nous avons fait l'hypothèse précédemment, et qui contrôlent l'issue de l'infection. Il pourrait toutefois en amplifier les effets en présence d'autres allèles protecteurs.

L'analyse des lignées congéniques nécessitera d'étudier des phénotypes plus fins et ciblés que la mort ou la survie de l'animal. Des paramètres tels que la charge bactérienne dans différents organes, les taux de cytokines, les niveaux d'activation de différentes populations cellulaires, etc… devront être analysés pour pouvoir caractériser l'effet de chaque région génomique. C'est ainsi que Morel et coll. ont pu disséquer le contrôle génétique d'un modèle de lupus érythémateux disséminé chez la souris. Ils ont identifié, dans un backcross entre les lignées C57BL/6J (résistante) et NZM2410 (sensible) des locus de prédisposition au développement d'une glomérulonéphrite sur les chromosomes 1, 4 et 7 (respectivement appelé Sle1, Sle2 et Sle3) (Morel et al., 1994). Ces régions semblaient agir de façon additive sur la fréquence de glomérulonéphrite. Des lignées congéniques ont été produites en introduisant la région d’intérêt d’origine NZM2410 dans un fonds génétique C57BL/6J. Elles ont été analysées pour le développement de glomérulonéphrite mais également de différents paramètres immunologiques reflétant le niveau d'activation non spécifique de la réponse immunitaire, et la perte de tolérance aux antigènes du soi (taux d’IgM et d’IgG, IgG dirigées contre des antigènes nucléaires, etc…). Seule la lignée congénique pour Sle3 a montré une augmentation de la fréquence de glomérulonéphrite par rapport à C57BL/6J, mais toutes les lignées ont présenté des anomalies

immunologiques variées qui ont permis d'attribuer un rôle propre à chaque région (Morel et al., 1997). En réunissant les trois régions dans une seule lignée, les auteurs ont montré que les trois régions combinaient leurs effets pour induire une glomérulonéphrite lupique avec une fréquence identique à celle de la lignée parentale NZM2410 (Morel et al., 2000). Cette analyse de sous- phénotypes sur les lignées congéniques, simples ou multiples, sera déterminante pour la suite de ce projet.