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Développement d’une surface antigénique

III.1. b. Caractérisation par SE couplée à la QCM-D

Coupler l’ellipsométrie spectroscopique à la QCM-D donne la possibilité de suivre les

caractéristiques optiques d’un biofilm durant son processus de formation.167 La densité

surfacique en CD20 est estimée grâce à la détermination expérimentale de l’épaisseur d, de l’indice de réfraction n de la couche d’épitope sur la SAM et par l’application de la loi de De Feijter (Eq 7, p 35). Pour cela, nous avons utilisé un dispositif développé par R. Richter et al.

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(Figure 39).168 Il consiste en un ellipsomètre spectroscopique (Woollam M2000) dont le

faisceau incident traverse les fenêtres transparentes d’une chambre de mesure adaptée d’un module de QCM-D et frappe la surface d’un cristal de quartz avec un angle de 65° par rapport à la normale.

Figure 39 : Dispositif de SE couplée à la QCM-D développé par R. Richter et utilisé à l’Ecole des Sciences biomédicales de l’université de Leeds. Un module ouvert de QCM- D a été modifié avec une chambre transparente et placé à la verticale de telle sorte à pouvoir injecter les solutions.

Pour étudier le film biomoléculaire, il est nécessaire de caractériser les propriétés optiques de la surface fonctionnelle à chaque étape de sa construction.

En ellipsométrie spectroscopique, l’appareil enregistre les variations d’angles

ellipsométriques  et  en fonction de la longueur d’onde (370 nm <  < 1000 nm). Les

masses associées des films adsorbés sont extraites de ces variations par une régression non linéaire sur la base d’un modèle multicouches : Au/SAM/air visant à déterminer la masse de la SAM, puis Au-SAM/CD20/eau visant à déterminer la masse de la couche de CD20. Les analyses ont été réalisées à l’air pour la caractérisation du substrat Au puis Au+SAM et en milieu liquide pour la suite de la construction. Le choix de commencer la caractérisation à l’air est lié au manque de stabilité de l’or nu en milieu aqueux.

Le substrat est un cristal de quartz recouvert d’une fine couche de chrome et d’un film d’or de 100 nm. Compte tenu de son épaisseur, le film d’or peut être considéré comme optiquement opaque et homogène. Déterminer les propriétés optiques de cette couche d’or non fonctionnalisée constitue la première étape de l’étude. L’indice de réfraction n et le

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coefficient d’extinction k de l’or sont définis par une régression non linéaire des variations 

et pour un grand nombre de longueurs d’onde de 370 à 1000nm. La courbe de dispersion

résultante est ensuite rendue continue en utilisant une fonction de spline (interpolation) dont l’algorithme est nommé B-Spline dans le logiciel CompleteEase. Le graphe de la figure 40 montre le profil des variations d’angles ellipsométriques que l’on peut enregistrer lors d’une caractérisation de l’or nu.

Figure 40 : Caractérisation d’une surface Au par le suivi des angles Ψ (courbe rouge) et Δ (courbe verte) en fonction de la longueur d’onde. La courbe théorique (noire) représente la régression linéaire.

Les relevés de  et  sont ensuite effectués après chaque dépôt : celui de la

couche organique (SAM) et celui de la couche bioorganique (CD20). Celles-ci ne sont plus traitées par la fonction de spline mais comme des couches uniques et transparentes de Cauchy dont la loi est :

n =A+(λ) B2

λ (6)

où A est un paramètre ajustable indépendant de la longueur d’onde (A = 1,322 pour l’eau), B

est fixé à 0,00322, et λ en µm. La constante C disparaît de l’équation 6 si l’on considère

qu’elle est égale à 0. Chaque mesure caractérisant une SAM ou une couche peptidique conduit donc à la détermination du paramètre A (associé à l’indice de réfraction n) et à l’épaisseur d.

Plusieurs analyses ont été répétées pour caractériser des SAM à des taux d’azoture variables. Au moins deux surfaces ont été utilisées pour chaque pourcentage étudié. Quel

76 que soit les pourcentages de thiol-N3, l’épaisseur obtenue dSAM est de 2,5 ± 0,6 nm pour un indice de réfraction nSAM de 1,29 ± 0,04 (λ = 632,8 nm), ce qui est conforme à ce que l’on

peut trouver dans la littérature.169 Solano et al. ont en effet caractérisé des SAM formées

notamment à partir du thiol HS-(CH2)11-EG3-OH et comparé les épaisseurs mesurées par AFM et par SE. Les mesures d’épaisseur dans l’air et dans l’eau donnent des valeurs similaires autour de 2,6 ± 0,05 nm.

Suite à la caractérisation de la SAM, un nouveau modèle « B-spline » est effectué pour enregistrer les paramètres de l’entité [Au-SAM] dans l’eau qui servira de substrat pour l’immobilisation du biofilm de CD20. Les réactifs de la réaction de chimie « click » sont injectés dans la cellule de mesure et les angles ellipsométriques sont suivis en fonction du temps de greffage et pour plusieurs longueurs d’onde comme le montre les graphes de la figure 41.

Figure 41 : Caractérisation par ellipsométrie spectroscopique du greffage de l’épitope CD20 sur une surface SAM-N3 (préparée à partir d’un mélange contenant 12,5% de thiol-N3). Les angles ellipsométriques Ψ et Δ sont suivis au cours du temps pour une longueur d’onde donnée (501,1 nm).

L’épaisseur d f et la constante A f sont extraites de ces données expérimentales grâce au

modèle de Cauchy (Tableau 3). L’indice de réfraction n f du film antigénique peut être déduit

de A f pour une longueur d’onde donnée, et la masse surfacique Γ est déterminée par la

relation de De Feijter, qui peut aussi s’écrire de cette façon :

( ) / f m f A A d dn dc   (17)

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avec Am la constante de Cauchy du milieu (l’eau = 1,322) et dn/dc l’incrément d’indice de

réfraction d’un peptide (dont la valeur moyenne est de 0,18 cm3.g-1).170

%N3 df A f nf (λ = 632,8 nm) ΓCD20(1) (ng.cm-2) 1 3,4 ± 2,6 1,435 ± 0,096 1,443 ± 0,104 15,6 ± 1,9 2,5 5,7 ± 3,7 1,362 ± 0,029 1,370 ± 0,037 53,7 ± 0,2 12,5 4,9 ± 0,0 1,406 ± 0,002 1,414 ± 0,010 230,4 ± 7,1 20 4,4 ± 0,6 1,423 ± 0,033 1,435 ± 0,041 228,1 ± 29,9 50 4,4 ± 0,6 1,416 ± 0,015 1,424 ± 0,023 229,0 ± 3,1

Tableau 3 : Paramètres physiques extraits des analyses par SE des films de CD20 pour différents pourcentages en thiol-N3 (utilisés pour préparer les SAM-N3) Les valeurs moyennes sont obtenues à partir d’expériences au moins faites en duplicat. Les erreurs sont calculées à partir des écarts à la moyenne. (1) les masses surfaciques ont été calculées par la relation de De Feijter.

La forte incertitude sur l’épaisseur df aux faibles densités surfaciques est liée à l’hétérogénéité de la couche de CD20. En revanche aux fortes densités surfaciques les valeurs moyennes de l’épaisseur et de l’indice de réfraction de l’épitope ont été estimés à 4,6 ± 0,4 nm et 1,42 ± 0,02 respectivement. Or, l’étude de l’interaction CD20/rituximab par

diffraction aux rayons X a permis d’évaluer la surface de l’épitope à 19,11 nm2.171 Si l’on

émet l’hypothèse que le peptide occupe un volume cubique, l’épaisseur de la couche de peptide serait de 4,4 nm, ce qui est très proche des mesures ellipsométriques.

Avoir n f et d f dans ce même tableau nous permet de bien observer la covariance

existant entre ces deux paramètres. Si l’un augmente, l’autre diminue par compensation. Ces paramètres étant difficilement dissociables, le produit des deux présente quant à lui une plus grande fiabilité. Quel que soit le pourcentage en azoture, toutes les densités surfaciques calculées peuvent donc être analysées.

Ces densités sont beaucoup plus faibles que celles obtenues en QCM-D (15-230 vs

100-430 ng.cm-2), ce qui est cohérent sachant que la masse déterminée par SE est une masse

sèche. Comme en QCM, nous observons des valeurs moyennes similaires pour les surfaces préparées à partir de solution contenant 12,5 et 20% de thiol-N3.

En dernier lieu, il est intéressant de tracer les variations de fréquences en fonction de la densité surfacique en CD20 extraites des expériences de SE (Figure 42).

78 Figure 42 : Variation de la fréquence de résonance des quartz de QCM-D mesurée en fonction de la densité massique en peptide calculée par ellipsométrie spectroscopique.

En théorie, les changements de fréquence de résonance varient avec la densité massique de molécules présentes sur le quartz de manière linéaire. Lorsque l’on travaille avec des objets globulaires (comme des peptides structurés), il est possible d’attendre une légère courbure car la sensibilité de la variation de fréquence en QCM-D, c’est-à-dire l’amplitude de la pente sur ce graphe décroit avec la quantité de biomolécules adsorbées. Nous observons bien ce phénomène ici.