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1. Stratégie 1 : développement de méthodologies innovantes pour aborder le rôle fonctionnelle

1.2. La caractérisation in situ des communautés activement impliquées dans la

- méthodologie

L’utilisation de substrats marqués isotopiquement est couramment employée pour

suivre spécifiquement les produits de la décomposition de la matière organique fraîche dans

les sols, en suivant (i) la distribution du carbone et de l’azote marqués dans le sol et/ou (ii) les

dégagements de CO

2

marqué dans l’atmosphère. Cette pratique permet aussi de différencier

les flux de carbone et d’azote provenant de la MOF et ceux provenant de la MOS native du

sol. Certains travaux (Bell et al., 2003 ; Fu et al., 2000 ; Hu et al., 1997 ; Liebich et al., 2006)

utilisent plutôt le carbone 14, isotope radioactif du carbone, comme marqueur ; mais

l’utilisation d’isotopes stables comme le carbone 13 et l’azote 15, plus facile à manipuler,

devient de plus en plus courante (Coppens et al., 2006 ; Gaillard et al., 1999 ; Trinsoutrot et

al., 2000).

Récemment, des techniques de biologie moléculaire utilisant ces isotopes stables ont

été mises au point pour tenter de lier les capacités métaboliques des microorganismes avec

leurs identités taxonomiques (Bernard et al., 2007 ; McMahon et al., 2005 ; Padmanabhan et

al., 2003). En consommant les molécules ou substrats d’intérêt (glucose, acétate, méthane,

cellulose, plantes, xénobiotiques…) fortement marqués par des isotopes stables (

13

C et/ou

15

N), l’ADN des populations microbiennes se retrouve significativement marquée au

13

C et/ou

au

15

N. L’ADN ainsi marqué

13

C et/ou

15

N est séparé de l’ADN

12

C et/ou

14

N (qui correspond

aux populations qui n’utilisent pas le substrat organique marqué), sur un gradient de densité

[Figure I.9]. A partir de cette matrice d’ADN

13

C et/ou

15

N, des outils moléculaires (comme

décrit en section I.3.2) sont appliqués afin de résoudre la diversité/structure génétique des

populations considérées comme activement impliquées dans les processus de dégradation.

Cette technique, appelée SIP (pour Stable Isotope Probing), couplée à des techniques de

biologie moléculaire (PLFA-SIP, DNA-SIP, RNA-SIP), a l’avantage considérable de pouvoir

cibler au sein de l’immense diversité des microorganismes indigènes du sol les populations

microbiennes activement impliquées dans des processus de dégradation et/ou d’incorporation

de substrats marqués (Friedrich, 2006 ; Neufeld et al., 2006 ; Radajewski et al., 2000). Ces

outils isotopiques ont été éprouvés dans différentes études portant sur les interactions

plantes-microorganismes (Haichar et al., 2008 ; Prosser et al., 2006 ; Rangel-Castro et al., 2005) afin

de déterminer les communautés microbiennes incorporant activement les exsudats racinaires

dans la rhizosphère.

- communautés microbiennes activement impliquées dans la

décomposition de résidus de culture

Au niveau des résidus de MOF, seuls Bernard et al. (2007) ont utilisé à ce jour cette

approche SIP pour identifier la composante microbienne activement impliquée dans la

dégradation de résidus de culture de blé, tout en suivant les flux de CO

2

associés. Ils ont pu

mettre en évidence des modifications de structure génétique de la communauté bactérienne au

cours de la dégradation du résidu soulignant la stimulation de successions de populations. En

termes de diversité bactérienne tellurique, caractérisée par clonage/séquençage des gènes

codant pour l’ARN 16S, ces auteurs ont démontré que celle impliquée dans la dégradation des

résidus était moins importante que celle non impliquée dans ce processus. Plus précisément,

ils ont montré que les β-protéobactéries et les γ-protéobactéries (principalement les genres

Massilia, Variovorax et Pseudomonas), étaient activement impliquées dans la dégradation

précoce des résidus de blé. Une telle approche permet donc de confirmer les attributs

écologiques copiotrophes (stratèges-r) de ces populations car elles interviennent dans le stade

précoce de la décomposition et utilisent de la matière organique fraîche et facilement

dégradable.

- une résultante fonctionnelle : le « priming-effect »

En parallèle de ces résultats sur la biodiversité « active » du sol, Bernard et al. (2007)

ont observé une augmentation significative du relargage de

12

CO

2

résultant de la

sur-minéralisation de la MOS suite à l’apport de MOF. Ce processus est communément appelé

« priming effect » et a été défini par Bingemann (1953) comme l’extra-décomposition de la

matière organique native du sol recevant un amendement organique. Certains auteurs ont

montré que l’amplitude de l’extra-décomposition pouvait être dépendante du type de résidu

apporté (Sall et al., 2007) ou de la contribution relative des champignons et des bactéries

impliqués dans la décomposition du résidu apporté (Bell et al., 2003). Malgré la mise en

évidence de l’influence de l’apport de MOF sur la dégradation de la matière organique native

du sol dans certaines études, les mécanismes qui régissent ce processus sont très controversés

(Fontaine et al., 2003 ; Kuzyakov et al., 2000).

Figure I.10 : Schéma conceptuel de l’implication des populations bactériennes en fonction de

leurs attributs écologiques dans les mécanismes du « priming-effect ». Source :

communications personnelles de Bernard L.

CO

2 Sol = source de C 13C-MOF Enzymes extracellulaires r-stratégistes

Catabolites

k-stratégistes Enzymes extracellulaires 12

C-MOS

Mécanisme 2

Catabolites

Stockage

Sol = puits de C

Mécanisme 1

A partir de l’ADN

12

C, Bernard et al. (2007) ont mis en évidence des modifications

spécifiques de la structure génétique des communautés bactériennes associées à cette

sur-minéralisation de MOS native. Les populations identifiées comme étant impliquées dans ce

processus étaient affiliées taxonomiquement aux Actinobacteria, Cyanobacteria, Candidate,

Gemmatimonadetes, Verrumicrobia et Planctomycetes, populations généralement décrites

comme des stratèges-K. Haichar et al. (2008), dans une étude sur les exsudats racinaires, ont

aussi mis en évidence ce phénomène de « priming-effect » et l’ont associé à des structures

génétiques particulières de communautés bactériennes actives, qui sont donc impliquées dans

cette sur-minéralisation de la MOS.

Afin d’expliquer cette sur-minéralisation lors d’apport de résidu de blé, Bernard et al.

(2007) ont suggéré que les communautés bactériennes considérées comme des

stratèges-K aient profité des exo-enzymes, produites par les stratèges-r impliqués dans la

dégradation du résidu, pour induire une hydrolyse de la MOS native comme décrit dans le

mécanisme 1 du priming-effect proposé par Fontaine et al. (2003). Par ailleurs, comme

certaines populations activement impliquées dans la dégradation du résidu de blé étaient

affiliées à des stratèges-K, ils ont aussi suggéré que le mécanisme 2 du priming effect pouvait

être impliqué dans les processus observés. L’implication des populations bactériennes en

fonction de leurs attributs écologiques (stratèges-r / stratèges-K) dans ces deux mécanismes

du « priming-effect » est conceptualisée dans la Figure I.10.

Ces quelques études utilisant ces techniques innovantes de DNA/RNA-SIP ont mis en

évidence la capacité de ces techniques à identifier les populations microbiennes activement

impliquées dans la dégradation de la MOF mais aussi de la MOS native. Ces études montrent

aussi les fortes potentialités de ces approches d’écologie fonctionnelle pour mieux décrire le

rôle de la diversité microbienne dans le cycle biogéochimique du carbone. A travers nos

études, nous avons choisi cette approche technique pour contribuer à l’identification des

acteurs microbiens impliqués dans la décomposition de résidus de blé et de luzerne, et de la

matière organique native du sol associée [Chapitre 4 et Perspectives].

2. Stratégie 2 : Développement d’approches expérimentales spécifiques pour