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CHAPITRE I : ANODES ENZYMATIQUES POUR L’OXYDATION DU GLUCOSE

1. DEGLYCOSYLATION DE LA GLUCOSE OXYDASE

1.4. Caractérisation de la glucose oxydase déglycosylée

1.4.1. Masse moléculaire et diamètre hydrodynamique

Pour distinguer une perte de masse due à la déglycosylation, une électrophorèse sur gel de polyacrylamide (SDS-PAGE) est effectuée pour des échantillons de GOx et de dGOx.

Cette technique permet de discriminer des protéines selon leur masse moléculaire, une protéine plus lourde migrant plus lentement sous l’effet du champ électrique. Des marqueurs de masse moléculaire connue servent de référence. Les enzymes sont préalablement dénaturées par du dodécylsulfate de sodium (SDS). La masse moléculaire ainsi obtenue correspond à un seul monomère, sans son centre rédox FAD (MFAD = 0,66 kDa). Le gel obtenu, révélé au bleu de Coomassie, est présenté sur la Figure 1.

Figure 1. SDS-PAGE d’un échantillon de GOx purifiée (1) et de dGOx purifiée (2), coloré au bleu de Coomassie. Les valeurs à droite représentent l’emplacement des marqueurs de référence et leurs masses moléculaires respectives.

Tandis que la bande correspondant aux monomères de la GOx (1) est centrée autour de 80 kDa, la dGOx présente une bande à environ 66 kDa, confirmant une perte de masse suite au protocole de déglycosylation. Par ailleurs, l’unicité des bandes suggère une bonne pureté des échantillons. Enfin, il est à noter que la bande de la GOx est plus large, probablement du fait d’une distribution plus importante du degré de glycosylation initial.

La spectrométrie de masse (MALDI-TOF) a confirmé la perte de masse et a permis d’affiner les valeurs. La GOx, sous sa forme dimèrique, présente une masse moléculaire de 158 ± 12 kDa quand celle de la dGOx est de 138 ± 6 kDa. Il est intéressant de comparer la masse moléculaire moyenne de la dGOx avec la masse moléculaire calculée pour une GOx non glycosylée, soit 128 kDa (correspond à la masse moléculaire de deux séquences d’acides

aminés (63,3 kDa [45]) plus deux FAD [22]). La différence d’une dizaine de kDa pourrait s’expliquer par :

1) les N-Acetylglucosamines résiduelles liées aux asparagines, entre cinq ou six par monomère [26, 46], soit une contribution de ~ 2,5 kDa pour la dGOx dimèrique ; 2) une déglycosylation seulement partielle de certains oligosaccharides (ce qui serait

cohérent avec la distribution de masses moléculaires) ; notamment pour un oligosaccharide liant les deux monomères de la GOx, difficilement accessible pour les glycosidases [46].

Par ailleurs, des mesures de diffusion dynamique de la lumière (DLS) ont témoigné d’une diminution du diamètre hydrodynamique de l’enzyme à la suite de la déglycosylation.

De 89 ± 4 Å pour la GOx, il décroît à 76 ± 3 Å pour la dGOx. Rappelons cependant que ces valeurs tiennent compte de la couche de solvatation autour de la protéine. Elles dépendent donc partiellement de la nature biochimique (acide aminés ou polysaccharides) des éléments exposés à sa surface.

1.4.2. Conservation de l’activité enzymatique

Les concentrations molaires en protéines et FAD sont préalablement déterminées par spectrophotométrie UV-visible. Le rapport [FAD]/[dGOx] est mesuré à ~ 2,1. Cette valeur confirme que les centres rédox n’ont pas quitté l’enzyme suite à la déglycosylation.

De la même manière que pour la GOx, l’activité de la dGOx est ensuite évaluée dans une solution de 100 mM de phosphate de sodium de pH 5,1 à 35 °C, par spectrophotométrie UV-visible. Cette mesure met en jeu une seconde oxydoréductase, la peroxydase de raifort (HRP, E.C. 1.11.1.7, Sigma-Aldrich). Son principe est résumé ci-dessous :

dGOxox + Glucose dGOxred + Gluconolactone (1) dGOxred + O2 dGOxox + H2O2 (2) HRPred + H2O2 HRPox + 2 H2O (3) HRPox + ABTSred HRPred + ABTSox (4)

La dGOx oxyde le glucose (1), puis réduit l’O2 en peroxyde d’hydrogène H2O2 (2). Ce dernier est alors réduit par l’HRP (3), qui oxyde finalement l’ABTS (4). Les concentrations en glucose (90 mM), O2 (0,21 mM), HRP (1,9 U.mL-1) et ABTS (16 mM) sont en large excès, de

telle sorte que seule la vitesse de réaction entre la dGOx et le glucose détermine la vitesse initiale d’oxydation de l’ABTS. L’évolution initiale de l’absorbance à 420 nm, caractéristique de la forme oxydée de l’ABTS (İ420nm = 36 000 M-1.cm-1), est linéaire, et permet de déterminer l’activité molaire de la dGOx dans les conditions considérées.

L’activité molaire de la dGOx a été mesurée à 72 ± 4 U.nmol-1, valeur particulièrement proche de celle obtenue pour la GOx (70 ± 4 U.nmol-1). La déglycosylation n’a donc pas dégradé l’activité enzymatique en solution. Ceci est conforme aux résultats antérieurement publiés. Ceux-ci ont parfois pu évoquer une stabilité amoindrie aux bas ou hauts pH suite à la déglycosylation, mais des structures, des activités et des stabilités similaires dans des conditions pseudo physiologiques [43, 44, 47-49]. Conservée à 4 °C, la dGOx conserve la même activité sur plusieurs semaines.

1.4.3. Charge apparente de surface

Certains acides aminés, qui forment la structure protéique de l’enzyme, présentent un résidu qui contient une fonction amine ou une fonction carboxylique. Selon le pH de la solution, ces fonctions peuvent être neutres ou chargées. Leurs pKa respectifs varient légèrement selon l’acide aminé considéré. Ainsi, autour du pH physiologique (pH ~ 7,4), une enzyme en solution présente toujours des charges positives et négatives localisées sur sa structure protéique. Pour un pH donné, les charges positives et négatives s’équilibrent et la charge globale peut être considérée comme nulle. Ce pH, caractéristique de l’enzyme, est son point isoélectrique (pI). Pour un pH inférieur au pI, l’enzyme présente une charge apparente de surface globalement positive. Au contraire, cette dernière est négative pour un pH supérieur au pI.

Les pI de la GOx et de la dGOx sont similaires, et d’environ 4,2 [44]. Ainsi, les deux enzymes présentent une charge globalement négative en milieux pseudo physiologique. Elle permet une bonne interaction électrostatique des enzymes avec les complexes rédox positifs de l’hydrogel [50] et doit donc probablement influencer la structure de ce dernier. Par ailleurs, une étude a montré qu’augmenter la charge positive des complexes rédox permettait d’accroître leur cinétique de transfert électronique avec les centres rédox de la GOx [51]. Les auteurs émettent l’hypothèse d’une meilleure interaction électrostatique entre les complexes plus chargés positivement et une zone localement chargée négativement, située près du site rédox de l’enzyme. Ils rappellent d’ailleurs que des médiateurs de charges négatives sont peu efficaces pour capter les électrons de la GOx .

Tout ceci met en relief l’importance que peut avoir la charge de surface de l’enzyme dans un hydrogel rédox. La GOx et la dGOx ont la même structure protéique et donc, a priori, la même quantité totale de charges pour un pH donné. Cependant, il est possible que la glycosylation puisse affecter la charge apparente de surface de l’enzyme par un effet d’écran [52]. Pour évaluer l’effet de la glycosylation sur la charge apparente de l’enzyme, une chromatographie sur colonne échangeuse d’anions est réalisée pour la GOx puis pour la dGOX. L’enzyme purifiée (~ 0,5 mg) est diluée dans un tampon phosphate de sodium 20 mM, pH 8,0. La solution est introduite dans la colonne (HiTrap Q FF, 1mL) préalablement équilibrée avec le même tampon. L’élution est alors effectuée à 1 mL.min-1, avec un gradient linéaire de 0 M à 1 M de NaCl. Elle est suivie par la mesure de l’absorbance en sortie de colonne à 280 nm. Les deux chromatogrammes obtenus sont superposés sur la Figure 2.

0 50 100 150

20 30 40 50

Volume d'élution / mL A280 nm / UA

Figure 2. Chromatogrammes superposés de la GOx (ligne continue) et de la dGOx (ligne discontinue), réalisés dans les même conditions à travers une colonne échangeuse d’anions, pH 8, gradient de 0 M à 1 M en NaCl, 1 mL.min-1, absorbance mesurée à 280 nm.

Le fait que la dGOx (ligne discontinue) soit éluée pour des concentrations plus élevées en NaCl que la GOx (ligne continue) indique qu’elle présente un plus grand nombre de charges négatives en surface. Ainsi la glycosylation de la GOx induit bien un effet d’écran des charges de surface de la structure protéique.

Il est à noter que cette étude chromatographique ne donne qu’un résultat qualitatif.

Pour quantifier les charges de surface des deux enzymes, des analyses de zétamétrie ont été

effectuées. Cependant, la quantité d’enzyme nécessaire à l’obtention de valeurs fiables dépassait la quantité disponible, et le bruit de fond était trop important pour légitimer la moindre mesure.

1.4.4. Tableau résumé

GOx dGOx

masse moléculaire 158 ± 12 kDa 138 ± 6 kDa diamètre hydrodynamique 89 ± 4 Å 76 ± 4 Å charge apparente de surface (pH 8) négative

-

négative

-activité en solution (35 °C) 70 ± 4 U.nmol-1 72 ± 4 U.nmol-1 Tableau 1. Evolution des caractéristiques de l’enzyme suite à la déglycosylation.