• Aucun résultat trouvé

Caractérisation de la fibre dopée thulium

La fibre optique utilisée pour réaliser la cavité laser nous a été fournie par Coractive. C’est une fibre à piédestal dopée au thulium. On présentera ici le profil d’indice, la composition chimique de la fibre et sa courbe d’absorption.

2.2.1 Profil d’indice

Pour mesurer le profil d’indice de la fibre de thulium, on utilise l’appareil NR 9200-HR d’Exfo, qui plonge une fibre dont la gaine est en silice pure dans une huile d’indice de réfraction connu. La mesure effectuée par cet appareil nous permet d’obtenir l’indice de réfraction de la fibre selon la position en x et en y, tel qu’illustré à la figure 2.5.

Dans la figure du profile d’indice ci-haut, on observe trois zones soit : la gaine, le piédestal et le coeur. Le piédestal correspond à la zone de plus faible indice adjacente au coeur. Cette zone a pour effet de diminuer l’ouverture numérique pour obtenir une fibre monomode aux longueurs d’onde produites par le thulium. Toutefois, on verra que ce piédestal n’est pas suffisant pour obtenir une fibre monomode aux longueurs d’onde qui nous intéressent.

Il est d’ailleurs intéressant de connaître quelle est l’ouverture numérique associée à un tel profil d’indice. Pour avoir une valeur calculable du profil d’indice, on suppose que la fibre suit le profil d’indice présenté à la figure 2.6.

La figure2.6représente l’approximation du profil d’indice ; ce profil sera utilisé pour effectuer les calculs. À partir de ces valeurs, il est possible de déduire la valeur du rayon du coeur et du

−80 −60 −40 −20 0 20 40 60 80 100 1.445 1.45 1.455 1.46 1.465 1.47 1.475 1.48 1.485 1.49

Indice selon l’axe y Indice selon l’axe x

Position ( µm)

Indic

e

de

r ´efraction

n

Figure 2.5 – Indice de réfraction de la fibre dopée thulium selon les axes x et y en fonction de la position. −80 −60 −40 −20 0 20 40 60 80 100 1.445 1.45 1.455 1.46 1.465 1.47 1.475 1.48 1.485 1.49 Position ( µm) Indic e de r ´efraction n 5 x 10-3

Figure 2.6 – Approximation du profil

d’indice. Figure 2.7 – Photo de la fibre de gainprise par un SEM. piédestal. Cependant, une mesure prise par un Scanning Electron Microscope (SEM2) sera

plus précise, en plus d’offrir l’information sur le diamètre de la gaine.

La figure 2.7, quant à elle, présente une photo de la fibre de thulium. C’est à l’aide de cette photo qu’il est possible de déterminer le diamètre du coeur. On mesure le rayon externe à 123.3 µm. Connaissant le nombre de pixels pour une telle grandeur, on déduit les valeurs du diamètre du coeur et du piédestal. On obtient : 17.40 µm pour le coeur, 28 µm pour le piédestal et 123.30 µm pour la gaine.

À partir des valeurs d’indice et du diamètre du coeur, on est en mesure de calculer l’ouverture numérique de la fibre, et ainsi déterminer à partir de quelle longueur d’onde la fibre est monomode. L’ouverture numérique est définie comme étant :

N A=qn2

coeur− n2gaine≈= 0.1215 (2.2.1)

La fréquence normalisée se calcule comme étant : V =

λ · NA · a, (2.2.2)

où a est le rayon du coeur.

1200 1300 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000 0 1 2 3 4 5 6 Longueur d’onde [nm] P ar amètr e V

Fréquence normalisée et modes dans la fibre de thulium

-LP21 -LP02 -LP01 -LP11 4 Modes -LP11 -LP01 2 Modes Monomode -LP01 Multimode -LP11 -LP01 -LP21 -LP02

Figure 2.8 – Graphique de la fréquence normalisée en fonction de la longueur d’onde. La coupure des modes dans le coeur de la fibre dopée thulium est également présentée.

La figure 2.8montre la fréquence normalisée en fonction de la longueur d’onde ainsi que les modes présents à l’intérieur de la fibre optique. Il est possible de constater que, malgré la présence d’un piédestal, la fibre est multimode à 1940 nm. À la longueur d’onde de la pompe 4 modes peuvent se propager dans le coeur.

Le caractère multimode de la fibre dopée thulium apportera des complications dans la réa- lisation de la cavité. Par exemple, l’écriture d’un réseau de Bragg dans une fibre multimode

devient plus complexe. Chaque mode ayant un indice de propagation effectif différent, on obtient une longueur d’onde de Bragg par mode propagé. La mesure d’une courbe de gain par «cut-back» aura également son lot de complications. Ces complications seront traitées dans les sections à venir.

2.2.2 Composition chimique

Il a été possible de mesurer la quantité de dopants de la fibre dopée thulium par la technique de «Micro Analyse par sonde électronique (EMPA)3». Cette technique utilise les transitions

électroniques des différents composants chimiques pour procéder à leur identification. Pour ce faire, on irradie un échantillon par un faisceau d’électrons. Puis, les atomes ainsi excités relaxent vers leur état stable, émettant des photons d’une énergie caractéristique de chaque composant chimique. Ainsi, en recueillant le spectre après la désexcitation, il est possible d’identifier la composition chimique d’une substance, en l’occurrence, la fibre dopée thulium. Il est ensuite possible de déterminer la composition chimique absolue en comparant les résultats obtenus à des standards. Cette technique, réalisée au département de géologie de l’Université Laval dans le laboratoire de microanalyse, permet une résolution de 1 µm. La figure 2.9

présente les résultats obtenus par cette méthode.

−20 −15 −10 −5 0 5 10 15 20 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 Position [mm] P our cen tage en poid s [ %]

Composition chimique de la fibre de thulium

75 80 85 90 95 100 % GeO2 % Al2O3 % Tm2O3 % SiO2 Dcoeur

Figure 2.9 – Pourcentage en poids des différents composants de la fibre dopée thulium (axe de gauche). Pourcentage en poids de la silice (axe de droite).

Cette figure présente la composition chimique d’une zone de 20 µm de rayon autour du centre du coeur. Au-delà de cette zone il n’y a qu’une matrice de verre en silice pure. Sur la figure2.9,

mef f ρ [g] [g/cm3] SiO2 84.17 2.203 Tm2O3 2.946 8.6 Al2O3 7.546 4 GeO2 3.81 3.65

Table 2.1 – Valeurs des masses des différents composants chimiques et leur densité respective à l’intérieur du coeur telles que mesurées au laboratoire de micro analyse de l’Université Laval (se rapporte à une masse totale de 98.47 g).

il est possible d’observer deux zones bien distinctes soit : le coeur et le piédestal. Le piédestal est un plateau d’indice de réfraction intermédiaire entre l’indice de réfraction du coeur et l’indice de réfraction de la gaine. Pour obtenir ce plateau d’indice de réfraction intermédiaire, la fibre présente un anneau de verre de silice dopée au germanium, tel qu’illustré par la courbe rouge (GeO2) de la figure 2.9. On peut également l’identifier sur la photo prise par le SEM

(voir fig. 2.7).

Il est possible de constater que l’élément actif est présent sous la forme d’un oxyde de thulium. On rappelle que la transition laser du thulium n’est pas affectée par la présence d’oxygène, car les liens ioniques entre les ions de thulium et d’oxygène n’influencent pas l’énergie des niveaux participant à l’effet laser. En effet, pour les lasers aux terres rares (comme le thulium), ce sont les couches internes qui entretiennent l’effet laser, et non pas les couches externes. L’oxydation du thulium pour en faire un verre conservera les niveaux d’énergie entretenant l’effet laser intacts.

À partir des courbes de composition chimique ci-haut, il est possible de déterminer quelle est la densité de chaque dopant présente dans la fibre de thulium. On obtiendra ici une valeur efficace de la densité de thulium en moyennant le pourcentage en masse sur l’aire du coeur, qu’on exprime comme étant :

mef f = Σ(%m)

Nb. Pts. →Moyenne de la valeur de la quantité de dopant. (2.2.3) On cherche à calculer la valeur moyenne de la densité des dopants à l’intérieur du coeur tel que défini à la figure2.9. Pour ce faire, il est nécessaire de considérer la densité des différents matériaux pris en compte ; on présente au tableau2.1les valeurs de pourcentage de masse et de densité des différents matériaux présents à l’intérieur du coeur.

On obtient ainsi que pour une masse totale de 98.476 g, on a un volume de : V = 84.17g 2.203g/cm3 + 7.546g 4g/cm3 + 3.81g 3.65g/cm3 + 2.946g 8.6g/cm3 = 41.48 cm 3 (2.2.4)

La masse molaire de l’oxyde de thulium étant de 385.866 g/mol, on obtient une densité de : ρT m = 41.48cm1 3385.866g/mol2 · 2.946g · 6.022 · 1023mol−1= 2.20 · 1020 ions Tm3+/cm3 (2.2.5)

On peut vérifier, via la composition chimique en pourcentage de poids de la fibre, que le calcul ci-haut est cohérent en calculant la densité totale de la fibre optique et en comparant le résultat à une mesure directe du poids et du volume de la même fibre. La densité calculée à partir de la composition chimique4 donne une densité de 2.21 g/cm3, tandis que la densité

mesurée correspond à 2.25 g/cm3. Les deux valeurs ont une incertitude relative de ±0.05, ce

qui correspond plutôt bien.

2.2.3 Absorption de la fibre de thulium

Il sera important de savoir quelle est l’absorption de la fibre de thulium. Pour ce faire, la mesure sera faite par la méthode couramment appelée «cut-back». C’est une technique fréquemment utilisée pour caractériser l’absorption d’un milieu de gain. Il existe cependant, dans le cas d’une fibre légèrement multimode possédant un piédestal, des complications par rapport à la mesure de ce dernier paramètre. Le montage expérimental pour effectuer la mesure d’absorption est illustré à la figure2.10.

Atténuateur

Monture

d’injection

x

Épissure

OSA

L

Segment dopé Tm

Fibr

e

M

onomod

e

HPF

Filtre

Source

supercontinuum

Figure 2.10 – Montage expérimental utilisé pour effectuer une mesure par «cut-back». N. B. Pour les mesures prises dans le visible, le filtre passe haut fut enlevé.

L’objectif ici est de ne pas changer les conditions à l’injection. Une mesure à une longueur L est effectuée, puis on répète pour une mesure ayant une longueur L − ∆L. Ainsi, l’absorption de la fibre en dB/m s’écrit :

PdBm(λ, L − ∆L) − PdBm(λ, L)

∆L = α(λ) [dB/m]. (2.2.6)

La source utilisée5 produit un supercontinuum relativement plat sur plusieurs centaines de

nanomètres. On caractérise le spectre à la sortie de la fibre monomode qui est fusionnée à la fibre de thulium (voir fig. 2.11).

La plage dynamique lisible à l’OSA6 est d’environ 40 dB, ce qui est amplement suffisant

pour les mesures à effectuer. Le spectre de la source Koheras s’élargit lorsqu’on augmente sa

4. Les données du fabriquant n’étaient malheureusement pas disponibles. 5. Laser à supercontinuum Koheras disponible au COPL.

1200 1400 1600 1800 2000 2200 2400 −50 −45 −40 −35 −30 −25 −20 −15 −10 −5 P=40% ; Ptot=7 mW P=60% ; Ptot=13 mW P=75% ; Ptot=18 mW Longueur d’onde (nm) P uissanc e (dBm)

Spectre de la source Koheras en fonction de la puissance

Figure 2.11 – Spectre en transmission du supercontinuum après 1.85 m de SMF 28 à 75, 60 et 40 % de puissance pour la source Koheras.

puissance. Des mesures ont été prises aux valeurs de puissance montrées pour s’assurer qu’il n’y a pas d’effet majeur sur l’absorption à faible signal ; les trois spectres incidents ont produit des courbes d’absorption parfaitement comparables.

Lorsqu’on prend une mesure d’absorption, on fait face à deux problèmes. Le premier est causé par la présence d’interférences entre la propagation des différents modes du coeur et d’un mode guidé entre le piédestal et la gaine. Le deuxième survient lorsqu’on compare les mesures d’absorption obtenues par différentes longueurs de thulium sondées. En effet, plus l’échantillon de thulium utilisé est court, plus la valeur mesurée pour l’absorption est grande. La figure2.12présente l’oscillation causée par l’interférence des différents modes propagés dans la fibre. La technique généralement employée pour parer à ce problème est de couper les modes de gaine par l’entremise d’une fibre monomode après la fibre dopée thulium. Cependant, cette technique n’était pas facilement applicable en laboratoire à cause de la difficulté d’effectuer des fusions de qualité entre la fibre monomode et la fibre dopée thulium. De plus la quantité de fibre dopée thulium disponible était très limitée. Il est cependant possible d’éliminer en bonne partie ces oscillations en utilisant un filtre numérique. En effet, en éliminant les hautes fréquences d’oscillation du spectre en intensité dans le domaine de Fourier, il est possible de

1200 1400 1600 1800 2000 2200 2400 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 P uissanc e (dBm) Longueur d’onde (nm)

Spectre en transmission avec et sans thulium à 7 mW

Référence 7 mW Abs. L=25.17 cm

Figure 2.12 – Mesure d’absorption pour 25.17 cm de fibre dopée thulium et signal incident pour 7 mW

s’affranchir du battement entre les différents modes propagés, tel que présenté à la figure2.13. On voit qu’en filtrant numériquement on élimine la plupart des battements entre les différents modes, ce qui nous permet de connaître la forme de la courbe d’absorption. Cependant, l’amplitude de cette courbe pose problème. C’est ce problème qui est présenté à la figure2.14

La figure 2.14 présente deux défauts à la méthode utilisée. Premièrement, il subsiste un léger battement entre les modes. Bien que minime, la forme de la courbe d’absorption en est légèrement affectée. Le deuxième, beaucoup plus évident, est la différence entre le module des courbes. Cette différence peut être causée par le réseau de diffraction de l’appareil de mesure. On ne connaît pas dans quelle proportion les différents modes sont captés dans l’OSA, en plus de ne pas connaître la distribution de la puissance du signal dans les différents modes. De plus, chacun des modes propagés voit un coefficient d’absorption légèrement différent les uns des autres. Cette accumulation de paramètres fait qu’il est difficile de traiter mathématiquement ces résultats. Ainsi, la forme de la courbe d’absorption est mesurée via la méthode de «cut- back», mais l’amplitude sera étalonnée différemment.

Pour calculer l’absorption de la fibre de thulium, on injecte un signal monomode à une lon- gueur d’onde précise dans le coeur d’une fibre dopée thulium de 5.1 cm. On mesure le signal

1200 1400 1600 1800 2000 2200 2400 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 P uissanc e (dBm) Longueur d’onde (nm)

Spectre en transmission avec et sans filtre numérique pour une fibre dopée thulium de 25.17cm

Abs. L=25.17 cm Abs. Filtré

Figure 2.13 – Spectre d’absorption avant et après traitement numérique

1200 1400 1600 1800 2000 2200 2400 −50 0 50 100 150 200 250 300 350 Longueur d’onde [nm] A b sor pti on [ d B/ m]

Comparaison des courbes d’absorption selon la longueur de fibre de thulium sondée

L=12.73 cm L=19.59 cm L=25.17 cm

Figure 2.14 – Mesure de l’absorption en dB/m pour plusieurs longueurs de fibre

à la sortie de la fibre avec une photodiode. La figure 2.15 présente le signal à la sortie de la fibre en fonction du signal incident.

5 10 15 20 25 30 35 1 2 3 4 5 6 7 8 Fit Linéaire Mesure d’absorption Puissance incidente [mW] P uissan ce à la sor tie [ m W ]

Mesure de la transmission de la fibre de thulium en fonction de la puissance incidente

Figure 2.15 – Fit linéaire de la puissance à la sortie en fonction de la puissance d’entrée pour une fibre de thulium de 5.1 cm. La pente a une valeur de 21.6%.

De la valeur de la pente, on déduit que l’absorption en dB/m est de :

Abs(dB/m)= −10 logPout

Pin



·0.0511 = 130 dB/m (2.2.7) Cette mesure a été effectuée à une longueur d’onde de 1550 nm. On étalonne donc la courbe de gain mesurée précédemment par «cut-back» pour obtenir la version définitive de l’absorption en fonction de la longueur d’onde (voir fig. 2.16)

1200 1400 1600 1800 2000 2200 2400 −20 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 Longueur d’onde [nm] A bsor ption [ d B/ m]

Absorption de la fibre de thulium en fonction de la longueur d’onde

Figure 2.16 – Mesure du coefficient d’absorption de la fibre de thulium en fonction de la longueur d’onde.

Cette courbe d’absorption en fonction de la longueur d’onde présente des petits défauts causés par le filtre numérique imparfait utilisé pour éliminer les battements entre les modes. Cette erreur est amplifiée pour les grandes longueurs d’onde à cause de la fréquence de battement plus élevée. Il était impossible de filtrer cette fréquence sans grandement affecter la qualité du pic principal, soit celui centré à 1600 nm. La correspondance est toutefois très acceptable.

Documents relatifs