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2. Caractérisation biochimique des isoformes GRXS16, TRXo1 et TRXo2

3.1. Analyse fonctionnelle des protéines impliquées dans la mobilisation et

3.1.1. Caractérisation de l’interaction entre ABA3 et STR18 chez

Un des objectifs du projet SULTRAF étant d’étudier les interactions CD-STR et

d’identifier également des protéines cibles des STRs, nous nous sommes notamment focalisés

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sur l’isoforme STR18, une isoforme TST cytosolique. Une approche de type « Pull-down » à

partir d’extraits protéiques totaux de feuilles d’A. thaliana, a permis d’identifier environ 250

partenaires potentiels pour STR18. Parmi ceux-ci figuraient notamment la protéine ABA3 qui

peut être considérée comme la troisième isoforme CD chez les plantes. Contrairement à NFS1

et NFS2 qui constituent les principaux systèmes de mobilisation du soufre pour la biogenèse

des centres Fe-S dans les mitochondries, le cytosol et les chloroplates (Frazzon et al., 2007 ;

Van Hoewyk et al., 2007), ABA3 qui est localisée dans le cytosol, est impliquée dans la

sulfuration du cofacteur Moco et participe ainsi à l'activation de l'aldéhyde oxydase (AO) et de

la xanthine déshydrogénase (XDH) dans le cytosol (Bittner et al., 2001 ; Heidenreich et al.,

2005). Cette protéine se compose de deux domaines, un domaine N-terminal CD qui transfère

un atome de soufre à un cofacteur Moco lié au domaine C-terminal, avant le transfert et

l'insertion de ce Moco sulfuré aux protéines AO et XDH (Wollers et al., 2008). Ces deux

enzymes sont impliquées respectivement dans la biosynthèse de l'acide abscissique et la

dégradation des purines. Plusieurs mutants alléliques aba3 avec des phénotypes légèrement

différents ont été décrits (Xiong et al., 2001 ; Dai et al., 2005 ; Zhong et al., 2010 ; Bernard et

al., 2013), ce qui suggère que différentes voies dépendent de l’activité de cette protéine. Les

feuilles des plantes mutantes los5-1 et los5-2, mais pas celles des plantes mutantes aba3-1 et

aba3-2, sont plus étroites et légèrement dentelées sur le bord par rapport aux feuilles plus rondes

des plantes WT. Comme les mutations des mutants los5-1 et los5-2 affectent le domaine CD

alors que celles des mutants aba3-1 et aba3-2 se situent dans la partie centrale de la protéine,

les auteurs ont conclu que l'activité CD est nécessaire en particulier pour une morphologie

foliaire correcte (Xiong et al., 2001). L’isolement d’ABA3 comme partenaire de STR18 prenait

tout son sens vis-à-vis du projet mais également vis-à-vis de l’existence de protéines fusions

CD-STR chez certaines bactéries. Nous avons donc entrepris de caractériser en parallèle les

mécanismes moléculaires impliqués dans l’interaction ABA3-STR18 et les propriétés

biochimiques de la protéine fusion CD-STR de la bactérie Pseudorhodoferax sp. (Selles et al.,

résultats non publiés).

La présence dans le spectre UV-visible d’une bande d'absorption à 418 nm,

caractéristique de la présence d'un cofacteur PLP, et le fait que la protéine CD-STR existe

majoritairement sous forme homodimérique, constituent des propriétés similaires aux autres

CDs précédemment caractérisées (Figure 23) (Black & Dos Santos, 2015). Des mesures

d’activité enzymatique in vitro en présence d’un des deux substrats potentiels, la cystéine pour

le domaine CD et le thiosulfate pour le domaine STR, ont confirmé que cette protéine est

bifonctionnelle et présente une double activité cystéine désulfurase et

thiosulfate-69

sulfurtransférase (Figure 23). Oure le fait que la présence d’un domaine STR n’empêche pas

l’activité du domaine CD, il semble que celui-ci permet au contraire d’augmenter l’activité CD

de la protéine. En effet, les données obtenues suggèrent que l’isoforme CD-STR de

Pseudorhodoferax est la CD la plus efficace caractérisée à ce jour, avec une activité de 2800

nmol de soufre libéré par min par mg de protéine, qui est de 8 à 250 fois plus élevée que celle

mesurée pour les autres CDs déjà caractérisées chez les bactéries et les eucaryotes (Selles et al.,

résultats non publiés).

Figure 23. La protéine CD-STR de Pseudorhodoferax possède une double activité

enzymatique. Organisation modulaire de l’isoforme CD-STR de Pseudorhodoferax

(WP_056898193.1) (A). Les résidus C334 et C446 représentent la cystéine catalytique de

chaque domaine protéique. Spectre d'absorption UV-visible de la protéine recombinante

CD-STR possédant une étiquette polyhistidine dans sa partie N-terminale (B). Analyse de l’état

d’oligomérisation par gel filtration sur une colonne Superdex S200 10/300 (C). La présence du

polypeptide et du cofacteur PLP a été détectée en mesurant l’absorbance à 280 nm (ligne noire)

et à 418 nm (ligne grise). Suivi de l’activité cystéine désulfurase de la protéine CD-STR en

présence de concentrations croissantes de cystéine (D). Les mesures ont été effectuées en

présence de 5 mM DTT (cercles noirs), 5 mM GSH (triangles gris) ou 5 mM β-mercaptoéthanol

(carrés gris). Suivi de l’activité thiosulfate-sulfurtransférase de la protéine CD-STR en présence

de 5 mM β-mercaptoethanol (Selles et al., résultats non publiés).

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Concernant l’interaction ABA3-STR18, STR18 stimule l’efficacité catalytique de la

protéine ABA3 d’un facteur 5, en agissant comme un accepteur de soufre et en augmentant

l’affinité d’ABA3 pour la cystéine. Des analyses de spectrométrie de masse ont confirmé que

la cystéine catalytique de STR18 devient persulfurée en présence d’ABA3 et de cystéine

(Figure 24, adduit de 32 Da après traitement), cette persulfuration étant dépendante du domaine

CD d’ABA3.

Figure 24. Analyse de l’état redox de STR18 par spectrométrie de masse (ESI-MS). Les

spectres de masse ont déterminés pour la protéine réduite (A), la protéine réduite incubée avec

de la L-cystéine et ABA3 avant (B) et après traitement en présence de DTT (C) (Selles et al.,

résultats non publiés).

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Bien que l’interaction in vivo entre ces deux protéines reste encore à confirmer, plusieurs

éléments sont en faveur d’une interaction pertinente d’un point de vue physiologique. Par

exemple les valeurs apparentes de K

m

de STR18 pour le thiosulfate (273 ± 38 μM) et d'ABA3

pour STR18 (1,1 ± 0,3 μM) (Figure 24B), mais aussi la capacité d'ABA3 à promouvoir la

persulfuration de STR18 plus efficacement que le thiosulfate, suggèrent qu’ABA3 peut être

considéré comme le donneur de soufre préférentiel pour STR18. D’autre part, la valeur

apparente de K

m

d’ABA3 pour STR18 est 8 fois plus faible que celle pour la cystéine. Enfin,

nous avons démontré la capacité du couple ABA3-STR18 à catalyser des réactions de

trans-persulfuration de protéines cibles en utilisant la roGFP2 comme cible in vitro. Ainsi, en plus

d’illustrer pour la première fois une interaction CD-STR chez les plantes, ce travail a mis en

évidence que l’interaction ABA3-STR18 pourrait représenter une nouvelle voie de transfert du

soufre dans le cytosol, indépendante de la fonction d’ABA3 dans la maturation du cofacteur

Moco.