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De la capitale à Fong-sien 1

Dans le document Des origines à nos jours (Page 192-196)

Il est une personne modeste, descendante de l’ancêtre né aux environs de Tou-ling2.

Plus elle vieillit, plus elle devient maladroite.

Elle consacra sottement sa vie à imiter Tsi et Sie 3 ; Finalement, elle ne put réussir et resta inconnue.

Cheveux tout blancs, elle travaille encore avec acharnement ; Jusqu’à la fermeture du cercueil, elle ne cessera pas.

Ce but hautain souvent l’enchante et la rend fière.

Pendant toute l’année, elle plaint le peuple aux che veux noirs.

Le coeur sensible, elle soupire intérieurement.

Je ris de mes camarades d’école Qui chantent d’une voix vibrante.

Ce n’est point parce que je ne désire pas voguer sur les fleuves et les mers

Et laisser passer ainsi les jours et les mois,

Mais je vis dans une époque gouvernée par Yao et Chouen4, Je ne saurais supporter la longue séparation !

Aujourd’hui les Palais et les Temples 5 renferment assez de matériaux

Pour construire et soutenir la Grande Maison6.

Le tournesol s’incline vers le soleil couchant, Tout être, toute chose a ses habitudes invariables.

Les petites gens, semblables aux fourmis, Ne cherchent naturellement que leurs nids.

Pourquoi donc, toi, envies-tu les baleines Et désires-tu nager dans la mer immense ? p.158

C’est ainsi que tu te trompes dans l’art d’arranger ta vie, Tu prétends qu’il est lâche de solliciter l’appui des forts ! Errant inutilement jusqu’à présent,

Tu t’entêtes à te laisser ensevelir par la poussière 7 !

Je me sens honteux devant Tch’ao et Yeou 8 De ne pouvoir les imiter.

1 Aujourd’hui P’ou -tch’eng, à 86 km. 400 au nord -ouest de Tch’ang -ngan, dans le Chen-si.

Poème composé en755.

2 A 28 km. 800 au sud de Tch’ang -ngan.

3 Tsi ou Heou Tsi, titre donné par l’empereur Chouen au directeur de l’agriculture nationale ; Sie, ministre de l’Ins truction (seu-t’ou) sous le règne de Chouen.

4 Yao (2256 av. J.-C.), Chouen (2208 av. J.-C.). Époque de la paix.

5 C’est -à-dire que les palais impériaux et les temples ancestraux ne manquent pas d’hommes de talent.

6 La nation.

7 Rester inconnu.

8 Tch’a -Fou et Hiu Yeou, deux sages ermites sous le règne de Yao.

Pour me consoler, je bois beaucoup

Et je chante tout haut pour chasser ma tristesse.

L’année va s’achever 1. Toute plante meurt,

L’aquilon sifflant passe, rapide, par le col de la mon tagne.

Le froid et le deuil inondent les Chemins Célestes 2. A minuit, je pars en voyage.

Le givre s’épaissit. Le froid brise ma ce inture, Mes doigts gelés n’arrivent pas à faire les noeuds.

A l’aurore, j’arrive au mont Li 3,

Au sommet duquel séjourne l’empereur 4.

Hélas, en ce moment, l’envahisseur étranger dévaste la frontière glaciale

Et sur le terrain glissant marchent les soldats de l’Empire.

Tandis qu’ici, la vapeur enveloppe le geyser,

Et que partout l’on rencontre la garde de la « Forêt des Plumes 5 ».

Gaiement festoient les souverains et les dignitaires, La musique s’envole au loin.

Les baigneurs privilégiés portent les longs glands des mandarins,

Et aucun invité du festin n’a de manches courtes 6.

Dans la cour peinte en rouge, on distribue les rouleaux de soie Que les femmes pauvres ont tissés. p.159

Pour les leur arracher et les offrir à l’empereur, on a fouetté les maris.

Le sage répand généreusement ses bienfaits Et veut que tout le monde vive :

Si les ministres négligent cette sagesse,

Le souverain ne devrait pas gaspiller ces rouleaux de soie.

La Cour est encombrée de lettrés,

Celui qui est charitable ne peut que frémir de ce gaspillage.

Or, j’ai entendu dire que tous les plats d’or du palais impérial Emigrent peu à peu dans les familles de Wei et de Ho 7. Chez elles, dans la salle centrale, logent les déesses 8 Dont le corps de jade est enveloppé d’une nuée de parfum.

1 Tou Fou partit pour Fong-sien la onzième lune (décembre ou janvier).

2 Routes métropolitaines.

3 Au sud-est de la ville actuelle de Ling-t’ong, dans le Chen -si.

4 Hiuan tsong y avait fait bâtir un palais d’hiver qu’il visitait tous les ans depuis le dixième mois lunaire (novembre ou décembre).

5 Garde d’élite de l’empereur.

6 Porteurs de longs glands : mandarins ou généraux. Porteurs de manches courtes : les gens du peuple.

7 Wei Ts’ing et Ho K’iu -ping, parents de l’impératrice et person nages influents de la dynastie des Han sous le nom desquels le poète désigne Yang Kouo-tsong, cousin de la favorite Yang T’ai -tchen.

8 Les trois sœurs de Yang T’ai -tchen.

De précieuses fourrures les protègent contre le froid, Et divers instruments musicaux caressent leurs oreilles.

Les invités se régalent avec du bouillon de sabots de chameau ;

Sur la table s’entassent les oranges parfumées et les mandarines dorées,

Dans cette maison pourpre se corrompent les viandes trop abondantes, s’aigrissent les vins,

Cependant que, dans les rues, des gens meurent de froid ! Hélas ! hélas ! la fortune et l’infortune se côtoient.

Saisi de tristesse, je ne peux pas en écrire davantage !

Je continue mon voyage : ma voiture tourne au nord vers les fleuves de King et de Wei 1.

Arrivé sur les rives, je change encore de direction.

Les eaux viennent de l’ouest,

Impétueuses, elles descendent de l’horizon. p.160

On dirait qu’elles sortent de la mo ntagne Kong-t’ong 2. Et qu’elles pourraient briser la Colonne Céleste 3.

Heureusement, elles n’ont pas encore emporté le pont, Mais comme il tremble et tient à peine !

A force d’attention, on y passe avec les bagages, Le large fleuve paraît infranchissable.

Ma vieille épouse habite dans une ville étrangère 4 Ma famille est séparée de moi par le vent et la neige.

Comment pourrais-je les délaisser plus longtemps ? Là, du moins, nous partagerons la faim et la soif.

J’arrive. Au seuil de la maison, des sanglot s.

Mon plus jeune fils est mort de faim ! Comment retiendrais-je mes pleurs ? Même les voisins en sont émus.

Père, j’ai honte de ne pouvoir nourrir mes enfants,

C’est ainsi que je brise la vie de mon fils, à peine com mencée ! Nul ne peut prévoir ce que sera la récolte automnale,

Et bien des chagrins imprévus frappent les misérables ! Je vis, c’est vrai, et j’évite les impôts sur les récoltes, Mon nom ne figure pas sur le registre de recrutement 5. Cependant je pense à mon triste passé,

1 Dans la province de Chen-si. Le fleuve King se jette dans le fleuve Wei, au nord-est de Tch’ang -ngan.

2 Montagne dans la province de Kan-sou.

3 Lie tseu : « Kong Kong (ministre des Eaux au XXVIe siècle av. J.-C.), furieux (il conspira en vain dans la seconde moitié du XXVe siècle av. J.-C.), il cogna sa tête contre la montagne Pou-tcheou, brisa la Colonne Céleste (qui soutient le ciel) ». Ici, le poète veut dire simplement que l’eau est furieuse.

4 Fong-sien où résidait la famille du poète.

5 Il ne payait pas d’im pôts parce qu’il n’avait pas de champs, et son nom ne figurait pas sur le registre de recrutement parce qu’il était fonctionnaire

Les simples sujets ont une sombre destinée.

Je pense aussi à ceux qui perdent leurs métiers, A ceux qui sont envoyés aux combats de la frontière

Ma détresse est haute comme le sommet du Tchong-nan1, et je ne puis rompre l’interminable fil de mes pensées.

1 Mont du Sud dont le sommet principal est au sud de Tch’ang -ngan.

Dans le document Des origines à nos jours (Page 192-196)