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Chapitre 5 Prise en compte de la dépendance

5. Capital de solvabilité : les méthodes d’agrégation

La prise en compte de la dépendance des risques auxquels sont soumises les compagnies d’assurance est un thème central de Solvabilité 2. En effet, le principal volet quantitatif de cette directive concernera l’exigence de capitaux propres : les sociétés d’assurance devront disposer de ressources (fonds

propres) suffisantes pour ne pas être en ruine à horizon un an avec une très forte probabilité (99,5 %).

Ce critère est très ambitieux dans la mesure où il s’agit de contrôle le risque global supporté par la compagnie avec une très forte probabilité. Sur ce deuxième point, le Chapitre 4 revient sur les difficultés opérationnelles de mise en œuvre de ce genre de critère lorsque l’on est confronté à des valeurs extrêmes et le Chapitre 6 sur les techniques de simulation auxquelles ils font recours.

En pratique les assureurs vont pouvoir déterminer cette exigence de capital : − par le biais du modèle interne qui, sur la base de la modélisation de tous les risques de l’assureur, permettra de simuler des besoins en capitaux à partir desquels on estimera la Value-at-Risk à 99,5 %. ; − grâce à l’utilisation d’une formule standard commune à tous les

assureurs européens.

Le calibrage de cette formule standard est un des enjeux des deuxième et troisième études d’impact quantitatif menées par le CEIOPS (cf. l’annexe consacrée à QIS 3).

L’élaboration de cette formule standard n’est pas aisée car elle doit permettre d’approcher un quantile extrême tout en restant simple à mettre en œuvre et accessible aux sociétés les plus modestes.

C’est une approche modulaire qui a été retenue par le CEIOPS. Elle consiste, pour chaque risque identifié, à déterminer les besoins en capitaux nécessaires pour se prémunir de chacun de ces risques pris isolément selon le critère précédemment évoqué, puis en l’agrégation des capitaux ainsi obtenus de manière à refléter l’effet de diversification et les éventuelles dépendances entre ces risques.

5.1. Un cadre gaussien

Les méthodes d’agrégation retenues repose sur des résultats sur les Value- at-Risk dans un cadre gaussien. En effet, si

2 2 σ ρσ σ , ρσ σ σ X X X Y Y X Y Y m X Y m           N  ,

alors X Y+ ≈N

(

mX +mY, σ2XY2 +2ρσ σX Y

)

et l’on en déduit que

(

)

1

(

)

2 2

α X Y 1 α σX σY 2ρσ σX Y

VaR X Y+ =m +m + Φ− − + + .

Dans le cas de la fixation d’un capital de solvabilité à ajouter au montant best estimate des provisions, on a donc pour un risque particulier X :

( )

( )

1

(

)

α α X 1 α σX

SCR X =VaR Xm = Φ− − .

Pour deux risques on en déduit la formule d’agrégation simple :

(

)

2

( )

2

( )

( )

( )

α α α 2ρ α α

Modélisations avancées en assurance 167

qui se généralise naturellement par :

ρij i j

SCR=

SCR ×SCR .

Incidemment, la VaR est sous-additive dans ce cadre gaussien5 et donc

cohérente au sens de Artzner et al. (1999). Ce résultat provient du fait que

(

)

(

)

1 1 α σ2 σ2 2ρσ σ 1 1 α σ σ X Y X Y X X − − Φ − + + ≤ Φ − +  ,

pour tout ρ∈ −

[

1; 1

]

. L’égalité étant obtenue lorsque ρ 1= . 5.2. Les limites des modèles retenus

L’approche retenue repose sur une approximation gaussienne, non pas des risques eux-mêmes, mais de leurs effets sur la solvabilité de l’assureur.

Le choix de cette méthode a été dicté par des considérations pratiques : il s’agit de mettre un modèle sous les contraintes opposées de robustesse et de simplicité. Or si l’approximation gaussienne facilite l’agrégation des capitaux, il n’en demeure pas moins qu’elle ne représente pas bien les phénomènes extrêmes que l’on cherche justement à mesurer : le choix du critère de solvabilité étant lui-même un critère extrême (VaR à 99,5 %). En particulier cette approximation gaussienne risque sous-estime généralement les queue de distribution.

La modélisation retenue risque donc de conduire à une sous-estimation de l’exigence de capital. Aussi le modèle proposé par QIS 3 (cf. l’annexe de cette thèse) retient des coefficients de corrélation jamais négatifs et même relativement élevés dans les calculs d’agrégation de capitaux, ce qui a pour effet de rajouter, a posteriori, de la prudence dans le calcul de l’exigence de capitaux.

Incidemment des solutions telles que celle proposée par la méthode NORTA permettraient de se placer dans un cadre de dépendance non linéaire sans qu’il soit besoin de définir d’hypothèses supplémentaires par rapport au cas gaussien.

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