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Capacités d’adsorption et modes de liaisons des argiles avec les polluants organiques

I. Contexte général et état de l’art

I.3. Argiles et Capacité d’adsorption

I.3.3. Capacités d’adsorption et modes de liaisons des argiles avec les polluants organiques

La charge négative du feuillet, conséquence des substitions isomorphiques des cations dans les couches tétraédriques ou octaédriques est compensée par des cations interfoliaires qui peuvent être différents cations. Les plus couramment rencontrés dans le milieu naturel sont K+, Na+, Ca2+ et Mg2+ (Figure I.12). Le cation compensateur va contrôler le gonflement de l’espace interfoliaire de l’argile, du fait de capacités d’hydratation différentes. Par exemple, Ca2+ a une capacité d’hydratation limitée à deux couches d’eau contrairement à Na+

, pour lequel on considère un potentiel d’hydratation « illimité », susceptible de déstabiliser la structure des feuillets. Le deuxième paramètre important de chacun de ces cations interfoliaires est leur capacité à être ou non-échangé. Par exemple, le cation potassium est très difficilement échangeable contrairement à d’autres cations compensateurs qui s’échangent plus spontanément comme Na+. Cette capacité des cations à être échangé est à la base de la première possibilité d’adsorption pour un polluant organique sur l’argile. En effet, un composé chargé positivement peut s’adsorber à la surface (complexation de surface) ou dans l’espace interfoliaire en se substituant à un cation interfoliaire (échange cationique). Ce mode de liaison à une énergie très élevée d’environ 250 kJ.mol-1, et est appelé échange cationique. La capacité d’échange cationique (notée CEC) correspond au nombre de charges négatives susceptibles de fixer des cations (Meunier, 2003). Elle s’exprime en cmol.kg-1 ou en milliéquivalents (meq) pour 100g. D’après Grim (1968), il y a 3 causes à l’origine de la CEC des minéraux argileux :

- Les liaisons rompues autour des bordures des feuillets donneraient lieu à des lacunes de charges dues aux substitutions cationiques qui pourraient être compensées par des cations adsorbés. Ces liaisons cassées sont responsables d’une petite proportion (20%) de la CEC.

- Pour les montmorillonites, les substitutions dans la couche tétraédrique et dans la couche octaédrique sont responsables de 80% de la CEC totale.

- Certains groupes hydroxyles seraient exposés sur les bordures de feuillets des minéraux argileux, et l'échange cationique dû à ces liaisons cassées aux bordures de feuillets serait, en partie du moins, le remplacement de l’hydrogène des hydroxyles exposés par un cation échangeable.

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Par exemple, les illites (K+) ont une CEC 2 à 5 fois inférieures à celles des montmorillonites (Na+, Ca2+) (Tableau I-9). De manière générale, l’échelle d’affinité entre les cations compensateurs et l’argile suit la tendance suivante (Hubert, 2008) :

- Cs+ > NH4+ > K+ > Na+ > Li+ - Ba2+ > Sr2+ > Ca2+ > Mg2+

La capacité d’un cation compensateur à être substitué dépend aussi fortement de la charge globale du feuillet. Plus la charge est forte, plus l’interaction entre le cation interfoliaire et les feuillets adjacents est forte, impliquant que les cations sont très difficilement substituables (e.g. illites, micas). Les deux facteurs de contrôle de la capacité d’échange cationique et de la surface spécifique d’un minéral argileux sont donc le cation compensateur et la charge du feuillet.

Tableau I-9 : Exemples de capacités d’échange cationiques (CEC), de surface spécifique (SS) interne (I), externe (E) ou totale (T), d’après Morel (1996)

Argiles CEC meq.100g-1 SSI m².g-1 SSE m².g-1 SST m².g-1 Kaolinite 5-15 0 10-30 10-30 Illite 25-40 20-55 80-120 100-175 Smectite 80-120 600-700 80 700-800 Vermiculite 100-150 700 40-70 760

Ces deux paramètres régissent également la capacité de gonflement du minéral argileux (type 2 :1) en condition hydraté (Figure I.12). En effet, les argiles de charge élevée (> 0.8), comme les illites, ne démontrent pas de capacité de gonflement en présence d’eau. Tandis que pour les argiles de charge plus faibles, comme les smectites ou les saponites, la distance basale de l’argile peut augmenter, et l’intensité de ce gonflement est fonction de la capacité d’hydratation des cations compensateurs (Ferrage et al., 2005).

Cette capacité d’hydratation de l’espace interfoliaire va également contrôler la surface spécifique (SS) des minéraux argileux avec notamment des modifications importantes de la surface spécifique dite interne (SSI) qui va varier fortement entre une illite et une smectite par exemple, affectant de fait la SS totale du minéral argileux (Tableau I-9).

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Figure I-12 : Cation compensateur échangeable et capacité d'hydratation des feuillets, adapté de Grim (1968)

Si la majorité des charges de surface du feuillet est chargée négativement, il existe également un autre type de charge, en bordure de feuillet. Ces charges sont provoquées par l’ionisation des groupements aluminols (Al-OH) ou silanols (Si-OH).

La charge de ces sites de bordure est dépendante du pH, ces sites étant chargés positivement en milieu acide (site de bordure Si-OH2+) et négativement en milieu basique (Si-O-) (Tombácz & Szekeres, 2004). Ces sites sont donc susceptibles de participer à l’adsorption d’anions (pH faible) ou à l’adsorption de cations (pH plus élevé). On peut également définir un pH pour lequel on considère que ces sites ne sont pas chargés, dit point de charge-zéro (PZC), par exemple pour la montmorillonite, la PZC est à pH 6,5 (Tombácz et al., 2004).

Ces modes d’adsorption, échange cationique et adsorption sur les sites de bordures, font partie de la « chimiesorption », considérant que la liaison reliant l’argile au composé adsorbé a une énergie de liaison au moins supérieure à 40 kJ.mol-1. De manière générale, on considère que la CEC d’une argile est 20 fois supérieure à la capacité d’adsorption de ces sites de bordures (Avena & De Pauli, 1998).

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La physisorption est un terme employé pour englober des liaisons de faibles énergies entre les surfaces argileuses et les composants d’une solution. Ce terme englobe 4 grands types d’interactions.

Tout d’abord les interactions dites hydrophobes. Ces interactions sont de faibles énergies (2 kJ.mol-1) et se produisent pour les composés très peu polaires, ces derniers ayant donc tendance à se lier sur les surfaces minérales disponibles, cela se produit notamment pour des chaînes carbonées apolaires type alcanes.

Dans la même gamme d’énergie de liaison, on retrouve également les interactions dites de Van der Waals, qui sont des interactions de très courtes portées, et nécessitant d’être multiples sur un composé pour être efficaces.

Les ponts cationiques se forment avec un cation à l’interface entre deux surfaces chargées négativement, comme par exemple les surfaces argileuses d’une part et des matières organiques d’autre part. La valence du cation contrôle l’énergie de liaison du pont cationique, et plus sa valence est élevée, plus l’énergie de liaison est forte (Theng, 1979).

Les liaisons hydrogènes impliquent d’une part un atome d’hydrogène et un atome électronégatif, comme l’azote ou l’oxygène, ce mode de liaison est dit de type dipôle-dipôle et a une énergie de liaison d’environ 25 kJ.mol-1

.

Les minéraux argileux présentent donc une vaste gamme de modes d’interaction avec les polluants organiques ou inorganiques nous permettant de postuler la pertinence de l’emploi de ces matériaux pour la remédiation des principes actifs pharmaceutiques.

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