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La capacité de produire tous les lignages hématopoïétiques a été découverte autours des années 1950 en injectant de la moelle osseuse dans des souris irradiées permettant ainsi leur survie [53,

86]. Quelques années plus tard, des chercheur.e.s ont injecté un nombre plus restreint de cellules

de la moelle dans des souris irradiées, et ont observé des colonies de cellules prolifératives dans

la rate [201]. A partir de ce moment, des caractéristiques précises ont été imputées aux cellules

hématopoïétiques. Ces cellules sont capables d’auto-renouvellement, de produire tous les lignages

sanguins en passant par un enrichissement en progéniteurs multipotents [73]. Ces progéniteurs

vont pouvoir former des colonies à partir de cellules uniques permettant les expériences sur des

clones cellulaires. A ce stade, il est important de noter que les expériences de transplantations de

CSHs in vivo ont été déterminantes pour identifier les capacités de différenciation dans tous les

lignages sanguins et celles d’auto-renouvellement de ces cellules [162]. Nous avons pu voir alors

apparaître des schémas d’hématopoïèse que j’appellerai les modèles classiques d’hématopoïèse où

se faisant sur les points de ramification de cet arbre de différenciation (Figure 1.4 A et B).

Dans ces modèles, chaque étape est marquée par un type cellulaire stable précédant un point

de ramification. L’hypothèse la plus forte de ce modèle est l’homogénéité des types cellulaires

intermédiaires. De 1980 à aujourd’hui encore, de nombreux modèles déterministes se succèdent,

tous composés d’étapes discrètes où seuls les points de ramification évoluent [21, 191, 97, 69].

A B C

Figure 1.4 – Modèles d’engagement des CSHs dans les lignages hématopoïétiques.

(A) Modèle classique de l’hématopoïèse. Les CSHs s’engagent dans des lignages en

passant par des étapes discrètes. Ces étapes sont caractérisées par des types

cellu-laires bien définis. Les événements décisionnels sont binaires et ont lieu à chaque point

de ramification [107, 180]. (B) Modèle d’engagement des CSHs plus récent. Ici, les

séparations en différents lignages se font plus précocement comparé au modèle

pré-cédent [149, 154]. (C) Modèle continu suivant le concept du paysage épigénétique de

Waddington. Les CSHs acquièrent progressivement des caractéristiques de lignages

de manière continue. Dans ce modèle, les étapes en aval des CSHs comme MPPs

ou CMPs ne représentent pas des étapes discrètes mais sont considérées comme des

états de transition du processus de différenciation [123, 157, 208]. Source d’image :

[73]. Légende : HSC = cellule souche hématopoïétique ; MPP = progéniteur

multi-potents ; CMP = progéniteur commun myéloïde ; LMPP = progéniteur multipotent

lymphocytaire ; MEP = progeniteur megacaryocyte et erythrocyte ; GMP =

progé-niteur macrophage et Granulocytes ; CLP = progéprogé-niteur commun lymphoïde ; MkP

= progéniteur mégacaryocyte ; EP = progéniteur érythrocyte ; GP = progéniteur

granulocyte ; MP = progéniteur monocyte ; DP = progéniteur cellule dendritique ;

Mk = megacaryocyte ; RGC = érythrocyte ; Granu = granulocyte ; Mano/mac =

Monocyte/Macrophages ; DC = cellule dendritique ; NK = lymphocyte NK ; B =

lymphocyte B ; T = lymphocyte T.

Les approches menant à ce genre de modèles s’appuient toutes sur le fait que tous les types

cellulaires sont homogènes, masquant ainsi leur hétérogénéité intercellulaire. Cependant, des

diffé-rences avaient déjà été remarquées dans ces expériences de transplantations de CSHs, notamment

la durée pendant laquelle les CSHs transplantées sont capables de produire toutes les cellules

san-qui amènera à une catégorisation des CSHs en 3 classes : les CSHs à longue durée, les CSHs

à courte durée et les progéniteurs multipotents [101, 180]. Ces frontières nettes basées sur des

caractéristiques morphologiques, choisies arbitrairement pour faciliter la compartimentalisation, a

permis de contribuer au concept de population homogène. Plus récemment, les expériences de

transplantation en cellules uniques ont permis de révéler une variabilité non négligeable dans les

cinétiques de reconstitution des lignages et dans le potentiel d’auto-renouvellement des CSHs [45,

139, 140].

Ces avancées récentes ont donc permis de revoir les modèles classiques d’hématopoïèse au

profit de modèles non déterministes et continus (Figure 1.4 C) [157, 123, 208, 138]. Ces modèles

ne présentent plus la progression dans le processus de différenciation étape par étape, mais via un

processus continu représenté par des vallées et des creux partant d’un sommet de montagne (les

CSHs) jusqu’en bas de la montagne (cellules différenciées). Cette nouvelle vision moderne utilise

le concept de paysage épigénétique de Conrad Waddington [213]. Il intègre l’hétérogénéité non

génétique des cellules. Ici, la SEG est le support de la sélection naturelle et le destin cellulaire est vu

comme un vecteur de probabilités [79, 116, 11]. Dans cette vision, une cellule est représentée par

une bille et surplombe le sommet d’une montagne, qui représente le paysage épigénétique. La bille

va tomber dans le paysage en suivant des chemins ramifiés. Chaque ramification est un symbole

des événements décisionnels. Selon Conrad Waddington, la forme du paysage épigénétique dépend

des mécanismes de régulation génétique sous-jacents au processus. Plus la bille descend, plus il

est difficile pour elle de changer de chemin ou de revenir en arrière

4

.

1.2.2 Des processus de différenciation mono-lignage

Nous avons à présent une vision globale de l’hématopoïèse et du potentiel rôle de la SEG

dans les processus de différenciation. Afin de mieux comprendre mes travaux, je décrirai dans

les prochains paragraphes le processus de différenciation érythropoïétique puis la différenciation

4. Ici, la contrainte dans la SEG, vu un peu plus tôt, est représentée par le fait qu’une bille ne peut pas partir n’importe où dans le paysage. La SEG est représentée par le fait qu’une bille n’empruntera pas forcément le même chemin que sa voisine (destin probabilistique).

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