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Chapitre 1 : Etude bibliographique sur les pesticides

II. Effets des pesticides sur la santé chez l’homme

1. Effets cancérigènes

1.2. Cancers de l’enfant

Les cancers constituent la deuxième cause de mortalité chez les enfants après les accidents domestiques (Savitz, 2001; Damstra, 2002; Nasterlack, 2007). Les leucémies représentent le

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lymphomes. Plusieurs facteurs peuvent être impliqués dans l’étiologie de ces cancers tels que l’exposition aux polluants environnementaux et en particulier les pesticides (Nasterlack, 2007).

Bien que les résultats de la plupart des études disponibles tendent vers une association positive entre l’exposition aux pesticides et l’apparition de cancers chez l’enfant, cette relation semble là encore confuse et non fiable (Infante-Rivard and Weichenthal, 2007; Nasterlack, 2007).

 Particularités de l’exposition

En termes de facteurs de risque, on ne peut pas considérer l’enfant comme un petit adulte. En premier lieu, les voies d’exposition aux contaminants de l’enfant seront distinctes de celles de l’adulte puisque son comportement est différent. En effet, le jeune enfant est toujours attiré par son environnement immédiat. Il joue volontiers par terre et a tendance à porter ses doigts dans sa bouche. Il risque donc d'ingérer des doses non négligeables de contaminants provenant du sol, de la poussière ou de divers objets contaminés qu'on trouve en milieu rural, mais aussi urbain, à la maison ou au jardin. D’autre part, plusieurs études et programmes de surveillance montrent que les enfants sont confrontés à des risques plus élevés liés à une plus importante exposition relative (exprimée en g/kg du poids corporel) aux pesticides surtout par la voie alimentaire (NRC, 1993; CEC, 2002; Jurewicz et al., 2006). En effet, rapportée au poids corporel, la consommation d’aliments est plus élevée que celle de l’adulte et d’autre part, les jeunes enfants ont des régimes moins variés et plus riches en fruits et légumes. Il a été montré que l’exposition aux pesticides pendant les cinq premières années de la vie représentait environ la moitié de l’exposition totale d’une vie (CEC, 2002; Weiss et al., 2004), du moins en ce qui concernait l’exposition par voie alimentaire.

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 Susceptibilité de l’enfant

La susceptibilité biologique de l’enfant est elle aussi particulière comparativement à l’adulte de par son métabolisme et l’activité immature ou réduite de certaines systèmes de détoxification (foie, reins, enzymes métaboliques immatures) (Chen et al., 2003) ou de protection (barrière cérébrale plus perméable chez les enfants en bas âge que chez l’adulte) (Zheng, 2001). De plus, un facteur non négligeable est l’activité cellulaire proliférative élevée qui entraîne une exposition plus fréquente de l’ADN aux xénobiotiques et donc un risque accru d’anomalies génétiques.

D’autre part, il est admis que certaines anomalies initiales, conduisant à des pathologies comme le cancer, se produiraient in utero et que certains facteurs environnementaux pourraient être à l’origine de telles anomalies. En effet, des réarrangements chromosomiques spécifiques (e.g, t(8;21) et leucémies) prédisposant les enfants à développer des leucémies seraient potentiellement générées suite à une exposition aux pesticides en particulier in utero (Smith et al., 2005; Lafiura et al., 2007).

 Données disponibles

En 1998, une revue d’études épidémiologiques (Zahm and Ward, 1998) a montré que l’exposition des enfants à des pesticides pourrait être associée au développement de tumeurs cérébrales, de leucémies et de lymphomes non hodgkiniens. Depuis, plusieurs études épidémiologiques ont été réalisées dans ce domaine. Par exemple, il a été montré que l’incidence des cancers cérébraux était augmentée chez les enfants suite à l’exposition professionnelle des parents (Michaelis et al., 1996) en particulier l’exposition du père (Feychting et al., 2001; van Wijngaarden et al., 2003), mais également celle de la mère pendant la grossesse (Efird et al., 2003). De plus, l’exposition professionnelle des parents a été associée à des cancers hématopoïétiques chez les enfants (Infante-Rivard et al., 1999; Smith et al., 2005; Rudant et al., 2007) comme par exemple des leucémies (Infante-Rivard et

al., 1999; Reynolds et al., 2005) et des lymphomes non hodgkiniens (surtout suite à

l’exposition paternelle) (Buckley et al., 2000; Meinert et al., 2000; Flower et al., 2004). D’autre part, il a été montré que le fait d’habiter dans une zone agricole pourrait augmenter l’incidence des leucémies de l’enfant (Reynolds et al., 2002; Reynolds et al., 2005). L’utilisation domestique des pesticides a également été associée à certains cancers de l’enfant comme par exemple des tumeurs cérébrales (Kristensen et al., 1996; Pogoda and Preston- Martin, 1997) et des cancers hématopoïétiques tels que des leucémies (Ma et al., 2002) et des

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D’autres relations positives, moins significatives statistiquement, ont été observées entre l’exposition aux pesticides et l’apparition de cancers de l’enfant comme par exemple des rétinoblastomes et des cancers des tissus mous (Flower et al., 2004) ou des os (le sarcome d’Ewing) (Valery et al., 2002), des cancers rénaux (Pearce and Parker, 2000), testiculaires (Rodvall et al., 2003) et des cancers de cellules germinales (Chen et al., 2005).

Certaines études n’ont pas permis de relier entre l’exposition des enfants aux pesticides et le développement de cancers, comme par exemple des cancers du cerveau (Heacock et al., 2000), des leucémies (Heacock et al., 2000; Feychting et al., 2001) et des lymphomes (Infante-Rivard et al., 1999). Toutefois, une certaine ambigüité réside pour ce qui est de l’exposition (période, nature de l’exposition et type de produit) et de plus, l’intervention d’une multiplicité de facteurs environnementaux et génétiques, vient compliquer l’analyse rendant la relation cause-effet très difficile à établir (Infante-Rivard and Weichenthal, 2007; Nasterlack, 2007).

 Eléments de confusion

Il est à noter que certains facteurs sembleraient influencer d’une façon importante la relation entre l’exposition aux pesticides et le développement de cancers chez l’enfant ; il s’agit essentiellement de la période d’exposition aux contaminants environnementaux, primordiale dans le processus de développement des pathologies, et des interactions entre les facteurs

génétiques et environnementaux. Une étude récente a montré qu’il était possible de mettre

en relation le niveau d’exposition au DDT et la fréquence du cancer des seins chez la femme avant l’âge de 50 ans lorsque l’exposition avait eu lieu avant l’âge de 14 ans (5 fois plus importante chez les femmes fortement exposées) alors que l’exposition après l’adolescence n’accroissait plus le risque (Cohn et al., 2007). Par ailleurs, dans des études épidémiologiques qui ont eu recours à des analyses de marqueurs moléculaires, il a été montré que le polymorphisme génétique au niveau des certaines enzymes du métabolisme chez l’enfant pouvait conduire à une détoxification différente du produit chimique d’un individu à l’autre et se traduire in fine par des effets susceptibles d’être modifiés pouvant contribuer à une augmentation du risque de leucémies (CYP1A1, CYP2E1, NQO1) (Infante-Rivard et al., 1999; Krajinovic et al., 2002) et de cancers du cerveau (PON1) (Searles Nielsen et al., 2005).

Dans l’objectif d’apporter des précisions concernant le rôle des pesticides dans l’augmentation des cancers chez les enfants, nous avons effectué une méta-analyse de 34 études (cas-témoins et cohortes) réalisées dans différents pays et concernant tous les types de

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cancers. Les résultats de cette étude en cours seront brièvement présentés dans la troisième partie (« Discussion générale et perspectives») de ce manuscrit.