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e Aspects réglementaires et éthiques

C. Le cancer : symbole de gravité

Pour les médecins et les patients, le cancer est l’exemple de la maladie grave. C’est un mot effrayant pour tous.

I.

Craindre le cancer

Dans les interviews, la pathologie grave la plus redoutée par la majorité des patients est le cancer.

MG1 : « Même quand ils ont rien, ils disent qu’ils ont un cancer, donc. - MG5 : “ Est ce que ça peut-être cancéreux ? “, ça c’est… »

MS1 : « Elle a entendu “j’ai un cancer“ malgré toutes les réserves que j’ai pu malgré tout mettre […] elle avait 32 ans, j’ai même pas eu le temps de lui dire bonjour qu’elle m’a dit “je vous préviens j’ai peur d’avoir un cancer“ […] elle était complétement flippée quoi ».

28 MS3 : « Qu’est-ce que les gens entendent ? Moi je suis un cancérologue, je pense qu’ils entendent cancer…Après le reste il veut me rassurer ? Je sais pas … »

P1 : « Je l’ai craint, je l’ai craint depuis le premier jour, depuis la fameuse annonce du pancréas légèrement déformé »

Certains patients nous ont confié que la peur du cancer ne les a jamais vraiment quittés, malgré la réassurance des médecins. Ils sont obnubilés par cette idée.

P1 : « Ah là quand ils ont fait le scanner, je savais qu’ils cherchaient un cancer, ça pouvait être un cancer, ça pouvait être aussi une pancréatite chronique, des nodules ou des trucs comme ça. […] On a toujours le cancer derrière […] »

P1 : « Alors compris, je l’ai compris quand on me l’a dit mais je l’ai craint tout le temps »

Chez un des patients, le fait d’avoir déjà eu deux autres cancers a exacerbé cette crainte, comme une épée de Damoclès.

P1 : « Puis aussi ma sale habitude d’avoir des cancers, j’en ai eu deux autres quand même, ‘fin arrêtés à temps mais je me méfie maintenant quand même »

Devant cette crainte partagée par tous, le mot “cancer“ est un mot effrayant à prononcer par les soignants et à entendre par les patients.

P2 : « Je savais ce que c’était, alors que peut-être dans le commun des mortels on y dit c’est un lymphome, il posera des questions voilà, tandis que moi je savais de suite que c’était un cancer, le cancer. »

MG8 : « Donc dans ce cas-là c’est vrai que j’ai du mal à …Parce que le mot cancer c’est quand même un mot qui leur fait peur … »

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II.

Le cancer : le plus dur à annoncer

Pour les médecins, le cancer est la pathologie grave la plus difficile à annoncer :

MG3 : « […] C’est extrêmement compliqué d’annoncer un cancer du pancréas ou de parler du cancer du pancréas »

Au sein des cancers, il a été mis en évidence un gradient de gravité interne. Certains cancers paraissent plus faciles à annoncer que d’autres, cela est fonction du type de cancer mais aussi du sujet atteint.

P2 : « On m’a bien expliqué, que ce soit le Dr H qui m’avait déjà dit “ben attendez on en soigne des graves, plus graves que vous et on les guérit, alors pourquoi on vous guérirait pas […] en plus c’est un gentil que vous avez, c’est pas un méchant …“ (en souriant) je savais pas qu’il y avait des cancers méchants et des cancers gentils mais bon »

MG1 : « Dans les cancers, selon le pronostic, selon l’organe touché. »

MG5 : « Selon le type de cancer, c’est plus facile. C’est plus facile à annoncer quoi »

MG1 : « […] Mais pour d’autre cancer tu peux pas…T’as un mélanome, une femme de 30 ans, c’est pas la même chose, hein ! Avec un Breslow à je sais pas combien, à 6/7, tu dis… je me rappelle moi, j’en ai eu une c’était épouvantable hein »

III.

Le cancer et les autres pathologies graves

Même si le cancer est l’exemple typique de la pathologie grave pour les médecins, ils ne se restreignent pas à cette seule maladie. Ils évoquent d’autres maladies à inclure dans le groupe des « pathologies graves ».

MG3 : « Mais par contre, là on parle beaucoup du cancer alors que c’est quand même la maladie grave en général »

MG4 : « Mais si on parlait de la maladie de Charcot, on sait que l’évolution elle est mortelle et qu’on n’a pas de traitement, j’ai jamais eu à l’annoncer …

30 - MG5 : Y a les démences…

- MG1 : Y a l’époque du SIDA aussi, c’était difficile… - MG5 : Une SLA, un parkinson…

- MG7 : Y a la démence aussi … »

Pour se préparer à annoncer un cancer, le MG3 nous confie qu’il a « […] l’impression d’avoir appris un peu à essayer de faire des annonces diagnostiques en annonçant des moins graves pathologies comme annoncer un diabète. »

Il existerait donc aussi un gradient de gravité au sein du groupe des pathologies graves.

MG8 : « Après ça ça dépend un peu à quel niveau on met la gravité, si la gravité c’est le pronostic vital ou si c’est le pronostic changement de mode de vie […] »

Les patients partagent des convictions moins tranchées à propos du cancer.

Leurs opinions divergent en fonction du pronostic et du type de pathologie dont ils souffrent.

Pour le P4 et son épouse, le fait que la maladie de Parkinson soit incurable la rend plus grave que le cancer car celui-ci peut parfois être guéri ce qui n’est pas le cas avec les maladies neurodégénératives.

P4 : « Un gros soucis parce qu’un cancer on le soigne, on le guérit ou on le guérit pas, que cette maladie on vous soigne mais on vous la guérira jamais »

Contrairement à la P5 qui a tendance à minimiser la gravité de sa maladie vis à vis du cancer.

P5 : « Parce que bon la sclérose en plaques c’est fort mais bon je veux dire en soi comparé à d’autres maladies, c’est beaucoup moins grave que… un cancer, ou autre chose »

31 Un des patients, lui, compare son cancer incurable au diabète qu’il considère comme une pathologie aussi grave.

FP6 « Oui, parce-que disons le deuxième on pensait avec peut-être des traitements mais là non l’hôpital N. nous a dit, votre cancer est incurable.

- P6 : c’est une maladie comme le diabète »

Pour le MG1, les patients atteints de diabète admettent qu’ils sont diabétiques le jour où ils souffrent de complications liées au diabète, avant « ils ont du diabète » mais ne se sentent pas malades.

La P2 partage la conviction des médecins. Elle qui était déjà atteinte d’une rétinopathie pigmentaire, maladie lourde et invalidante, considère son lymphome comme une pathologie plus grave :

P2 : « Là, j’avais pas le soulagement que j’ai eu pour les yeux parce-que là j’avais un nom de maladie…J’avais un nom de maladie mais là il me convenait pas trop… »

La sensibilité de chacun face à la gravité de la maladie est personne-dépendante. Dans ce contexte, les réactions des patients lors de l’annonce sont imprévisibles et vont parfois totalement à l’encontre de la pensée médicale.

MG3 : « […] ça va être une goutte d’eau dans un océan autant un diabète chez les gens ils ont envie de faire un acte suicidaire … »

- MG1 : « Tu crois qu’on se suicide pour un diabète ? - MG3 : Ouais je crois que …C’est des trucs qui arrivent. - MG1 : Ouais sans doute …

- MG3 : Non mais bien-sûr, je dis pas que ça arrive souvent …mais on doit pas sous- estimer »

32 MG3 : « Les gens ils disent “oui je sais j’ai un peu de sucre“ “ah non vous avez pas juste un peu de sucre, vous êtes diabétique quoi ! “ et parfois t’as l’impression que c’est une chape de plomb qui tombe »