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Entre tous les cancers, le cancer du sein fait l’objet d’une attention particulière dans les pays développés. Par exemple, parmi les 1 660 290 nouveaux cas de cancers attendus aux États Unis, 234 580 seront des cancers du sein et 99.05% seront diagnostiqués chez la femme. Ce type de cancer, est le plus diagnostiqué chez la femme dans le monde et il y représente la première cause de mort.[84] Des 580,350 morts prévues aux États Unis, 40 030 seront à cause du cancer du sein. L’Institut National Américain du Cancer définit cette maladie comme « le cancer qui se forme dans les tissus des seins, généralement dans les conduits (les tubes qui emmènent le lait au mamelon) et les lobules (les glandules qui produisent le lait) ». Bien que très peu fréquent, le cancer du sein peut exister également chez les hommes.[85]

Le cancer du sein est classé généralement selon son stade, pathologie et degré de l’expression des récepteurs. Parmi les récepteurs intracellulaires d’importance, nous pouvons citer les récepteurs des œstrogènes (ER) en premier lieu, suivis des récepteurs de la progestérone (PR) et des récepteurs 2 du facteur de croissance épidermique (HER2).

5.1.1 Le cancer du sein hormono-dépendant

Les récepteurs des œstrogènes (ER) sont surexprimés approximativement dans 70% des cas de cancer du sein. Les cancers ayant cette caractéristique sont nommés « ER positifs (ER+) » ou « hormono-dépendants ». L’association entre les hormones –comme l’œstradiol– et l’ER stimule la prolifération des cellules des glandes mammaires.[86] Une lignée représentative de ce type de cellules cancéreuses est la lignée MCF-7. Ainsi, le fait de cibler l’ER est une stratégie pour le traitement de maladies régulées par les œstrogènes. Pour traiter le cancer du sein de type ER+, la prescription de modulateurs sélectifs du récepteur des œstrogènes (SERM) peut être nécessaire. L’un des médicaments les plus utilisés de ce type est l’agent antiœstrogénique tamoxifène TAM (Figure 17).[87]

[84] SE Moody, D Perez, TC Pan, CJ Sarkisian, CP Portocarrero, CJ Sterner, KL Notornfrancesco, RD Cardif, LA Chodosh. The transcriptional repressor snail promotes mammary tumor recurrence. Cancer Cell 2005, 8, 197–209. [85] http://www.cancer.gov/cancertopics/types/breast (révisé 2 juin 2013)

[86] BJ Deroo, KS Korach. Estrogen receptors and human disease. J Clin Invest 2006, 116, 561–570. [87] VC Jordan. Tamoxifen: a most unlikely pioneering medicine. Nat Rev Drug Discovery 2003, 2, 205–213.

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Figure 17. Structures chimiques du tamoxifène TAM et de son métabolite actif

l’hydroxytamoxifène OHTAM.

TAM subit une biotransformation hépatique catalysée par le système cytochrome P-450 (CYP) pour former les métabolites N-diméthylés, 4-hydroxylés et α-hydroxylés.[88] Parmi les métabolites actifs, le 4-hydroxytamoxifène OHTAM montre une affinité encore plus forte que le TAM pour l’isoforme alpha (α) du récepteur des œstrogènes pour produire l’effet antagoniste.[89]

Figure 18. Structure différentielle du récepteur des œstrogènes et

recrutement des coactivateurs et corépresseurs.[86]

[88] Z Desta, BA Ward, NV Soukhova, DA Flockhart. Comprehensive evaluation of tamoxifen sequential biotransformation by the human cytochrome P450 system in vitro: prominent roles for CYP3A and CYP2D6. J Pharmacol Exp Ther 2004, 310, 1062–1075.

[89] E Coezy, JL Borgna, H Rochefort. Tamoxifen and metabolites in MCF7 cells-correlation between binding to estrogen-receptor and inhibition of cell-growth. Cancer Res 1982, 42, 317–323.

28 Le concept de modulateur sélectif des récepteurs des œstrogènes est basé sur la capacité de promouvoir des interactions entre le récepteur et diverses protéines comme les corégulateurs transcriptionnels (coactivateurs ou corépresseurs). Après la formation du complexe ER-ligand –où le ligand peut être l’hormone ou un SERM– le récepteur subit un changement structural (Figure 18) qui conditionne le recrutement des protéines corégulatrices transcriptionnelles. Les coactivateurs conduisent à la transcription pendant que les corépresseurs l’inhibent. Cette inhibition se traduit par un effet antiœstrogénique et, par conséquent, antiprolifératif.

La relation entre les protéines à effets coactivateurs et corépresseurs varie selon le tissu. Ainsi, un même ligand peut agir comme agoniste dans un tissu –où les coactivateurs prédominent– ou comme antagoniste dans un autre tissu –où les corépresseurs prédominent–. Par exemple, le tamoxifène est un antagoniste dans le sein mais est un agoniste dans l’os et l’endomètre. Dans les os, l’effet est positif pour les patiens puisqu’il prévient l’ostéoporose. En revanche, dans l’endomètre l’effet agoniste du tamoxifène augmente légèrement le risque de cancer d’utérus.

5.1.2 Le cancer du sein triple-négatif

Le cancer du sein type triple-négatif (TNBC, de l’anglais triple-negative breast cancer) est un ensemble hétérogène de néoplasmes qui est défini par l’absence de trois cibles : (i) le récepteur des œstrogènes (ER), (ii) le récepteur de la progestérone (PR) et (iii) le récepteur 2 de croissance épidermique humaine (HER2). Une lignée cellulaire représentative de ce type de cellules cancéreuses est la lignée MDA-MB-231. Approximativement, 15% des cancers sont désignés comme triple-négatifs.[90,91] Vu que ce type de cancer agressif manque de cibles moléculaires définies, son pronostic reste sombre et le design des médicaments adaptés est un défi pour les chimistes médicinaux.

[90] LA Carey, EC Dees, L Sawyer, L Gatti, DT Moore, F Collichio, DW Ollila, CI Sartor, ML Graham, CM Perou. The triple negative paradox: Primary tumor chemosensitivity of breast cancer subtypes. Clin Cancer Res 2007, 13, 2329– 2334.

[91] CR Tate, LV Rhodes, HC Segar, JL Driver, FN Pounder, ME Burrow, BM Collins-Burrow. Targeting triple-negative breast cancer cells with the histone deacetylase inhibitor panobinostat. Breast Cancer Res 2012, 14, R79.

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6. Les composés organométalliques contre le cancer

La découverte du ferrocène[92] et l’élucidation de sa structure chimique remarquable[93] est considéré comme le début de la chimie organométallique moderne. Depuis lors, ce métallocène a été utilisé pour de nombreuses applications, parmi celles-ci, la chimie médicinale.[94,95]

Les composés organométalliques –dans des situations favorables– sont de bons candidats pour devenir des médicaments anticancéreux offrant une variété de possibilités, dont par exemple des mécanismes d’action différents des

agents de la thérapie conventionnelle.[96,97] L’intérêt du ferrocène pour la chimie médicinale (Figure 19) débute vers les années 80’s, quand certains sels du ferricénium ont révélé des effets antitumoraux.[98] A partir de cette observation, il a été proposé que les composés ferrocéniques pouvaient être oxydés à l’intérieur de la cellule et qu’une telle oxydation pouvait être à l’origine de ces effets cytotoxiques. Il est important de mentionner que le ferrocène n’est pas toxique par lui-même.

Figure 19. Structure 3D du ferrocène.[99]

[92] TJ Kealy, PL Pauson. A new type of organo-iron compound. Nature 1951, 168, 1039–1040.

[93] G Wilkinson, R Rosenblum, MC Whiting, RB Woodward. The structure of iron bis-cyclopentadienyl. J Am Chem Soc 1952, 74, 2125–2126.

[94] N Metzler-Nolte, M Salmain. In: Ferrocenes Ligands Materials and Biomolecules; Stepnicka, P., Ed.; Wiley, 2008; pp 499– 639.

[95] MFR Fouda, MA Abd-Elzaher, RA Abdelsamaia, AA Labib. On the medicinal chemistry of ferrocene. Appl Organomet

Chem 2007, 21, 613–625.

[96] G Gasser, I Ott, N Metzler-Nolte. Organometallic anticancer compounds. J Med Chem 2011, 54, 3–25.

[97] Hartinger CG, Metzler-Nolte N, Dyson PJ. Challenges and opportunities in the development of organometallic anticancer drugs. Organometallics 2012, 31, 5677–5685

[98] P Köpf-Meyer, H Köpf, W Neuse. Ferricenium complexes: a new type of water soluble antitumor agent. J Cancer Res

Clin Oncol 1984, 108, 336–340.

[99] http://syntekglobalxtremefueltreatment1.files.wordpress.com/2012/12/xftferrocenemolecule.gif (révisé le 2 juin 2013)

30 Par ailleurs, il a été proposé que l’activité des dérivés de l’ion ferricénium ne pouvait pas être liée à l’intercalation directe à l’ADN. En revanche, il a été observé que ces espèces étaient capables d’engendrer des radicaux HO dans les cellules cancéreuses et d’endommager rapidement leur ADN.[100]Des études ultérieures ont confirmé la capacité des sels de ferricénium de produire des espèces réactives d’oxygène (ROS) comme conséquence de leur dégradation dans l’eau en présence d’oxygène. De cette manière, la toxicité de ce type d’espèces (Figure 20) a été attribuée à leur lipophilie élevée qui permet leur passage transmembranal pour conduire à l’endommagement oxydatif de l’ADN par la production de ROS simultanée à leur dégradation.[101]

Figure 20. Sel de ferricénium à activité cytotoxique sur les cellules de cancer du sein MCF-7.