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Les travaux de notre équipe ainsi que d’autres groupes ont démontré une perte d’expression du récepteur de somatostatine sst2 (au niveau de son ARNm) dans 90% des adénocarcinomes pancréatiques et des lignées cellulaires qui en dérivent (Reubi,

Gastroenterolog, 1988 ; Taylor, Peptides, 1994 ; Buscail, Cancer res, 1996). Ceci peut

expliquer l’absence d’effet thérapeutique des analogues de somatostatine dans ce type de cancer (Raderer, Br j cancer, 1999) et laisse supposer que la perte de sst2 pourrait conférer un gain de croissance aux tumeurs. Les travaux réalisés au sein de notre équipe ces quinze dernières années ont permis de proposer le concept selon lequel sst2 agirait comme un suppresseur de tumeur pour le cancer du pancréas.

1. Mécanismes responsables de la perte d’expression de sst2 dans les PDACs

Plusieurs études ont tenté d’élucider les mécanismes responsables de la perte d’expression du récepteur sst2 dans l’adénocarcinome pancréatique. Dans un premier temps,

aucune perte chromosomique dans la région 17q24, comprenant le gène sst2, n’a été détectée

(Mahlamaki, Genes chromosomes cancer, 1997). Mais les travaux de l’équipe ont largement

contribué à répondre à cette question.

Il a notamment été montré la présence d’un polymorphisme génétique fonctionnel dans la région promotrice du gène sst2 (en position -57 et -83 par rapport au site d’initiation de la transcription). Le site situé en position -83 altère l’activité transcriptionnelle du promoteur de sst2 en créant un site de fixation pour le facteur NF-IA1.1, un inhibiteur transcriptionnel (Torrisani, Gastroenterology, 2001). Cependant ce polymorphisme ne permet pas d’expliquer la perte d’expression de sst2 dans la majorité des cancers pancréatiques.

D’un autre côté, la perte de fonction du facteur de transcription smad4/DPC4 dans 50% des PDACs contribue, partiellement, à la perte d’expression de sst2. En effet la correction du déficit en Smad4 dans les cellules cancéreuses pancréatiques humaines BxPC-3, rétablit l’expression du récepteur sst2 ainsi que les effets anti-prolifératifs de la somatostatine

(Puente, J biol chem, 2001).

Enfin, des modifications épigénétiques semblent également impliquées dans la perte de sst2 dans les PDACs. En effet une hyperméthylation au niveau de deux ilots CpG, associée à une désacétylation des histones, a été observée au niveau de la région promotrice du gène

sst2 dans les lignées cancéreuses pancréatiques humaines BxPC-3, Panc-1 et Capan-1 et

entraîne une diminution significative de l’activité transcriptionnelle du gène dans ces cellules

(Torrisani, Endocrinology, 2008).

2. Rôle anti-oncogénique du récepteur sst2 dans le cancer du pancréas

Les travaux de l’équipe ont montré que la réexpression du récepteur sst2, dans des cellules cancéreuses pancréatiques humaines BxPC-3 et Capan-1 et de hamster PC1.0 inhibe la prolifération, la tumorigénicité et l’invasion in vitro, ainsi que la croissance tumorale et métastatique in vivo, après xénogreffes sous-cutanées de cellules BxPC-3 et Capan-1 chez la souris athymique ou allogreffes orthotopiques de cellules PC1.0 chez le hamster (Delesque,

Cancer res, 1997 ; Benali, PNAS, 2000).

Cet effet anti-tumoral est dû à la mise en place d’une boucle autocrine négative, c'est- à-dire que l’expression de sst2 dans les cellules cancéreuses pancréatiques induit la sécrétion de somatostatine qui va agir par autocrinie et stimuler constitutivement le récepteur sst2

(Delesque, Cancer res, 1997). Cet effet s’accompagne également d’un effet « bystander »

également agir par paracrinie, sur les autres cellules tumorales malgré l’absence d’expression du sst2 dans ces dernières (Rochaix, Hum gene ther, 1999 ; Benali, PNAS, 2000) ainsi que sur les cellules du microenvironnement tumoral. Ces mécanismes seront plus amplement détaillés dans le paragraphe suivant.

Ces résultats ont été confortés par le transfert, en intra-tumoral, de vecteurs codant pour sst2, dans nos modèles animaux développés chez la souris athymique et le hamster. Un effet anti-tumoral est, en effet, observé dès 6 jours post-transfert et s’accompagne d’une baisse de la prolifération des cellules cancéreuses pancréatiques, une stimulation de l’apoptose et une inhibition de l’angiogenèse tumorale (Vernejoul, Cancer res, 2002 ;

Carrere, Hum gene ther, 2005).

3. Mécanismes responsables des effets anti-oncogéniques de sst2 dans le cancer du pancréas

3.1 Induction de l’apoptose

Nous avons montré que le récepteur sst2 exerçait un effet pro-apoptotique, dépendant de SHP-1, dans les cellules cancéreuses pancréatiques BxPC-3 et les sensibilisent à l’apoptose induite par les ligands de mort TNFα (Tumor Necrosis Factor α) et TRAIL (TNF-Related – Apoptosis-Inducing-Ligand). Ceci implique l’activation par sst2 des caspases 3 et 8, la diminution de la protéine mitochondriale anti-apoptotique Bcl-2 et l’augmentation d’expression des récepteurs du TNFα (TNFR1) et de TRAIL (DR4) (Guillermet, PNAS,

2003).

Un autre mécanisme impliqué dans les effets pro-apoptotiques du sst2 consiste en l’inhibition de la voie PI3K. En effet, nous avons montré qu’à l’état basal, sst2 interagit directement, via sa tyrosine 71 phosphorylée au sein du motif pY71XXM, avec la sous-unité p85 de la PI3K. La stimulation de sst2 par la liaison de somatostatine, dissocie ce complexe et entraîne l’inhibition de la PI3K et l’induction de l’apoptose (Bousquet, EMBO J, 2006). Une étude récente, au sein de l’équipe, a, par ailleurs, montré que la dissociation du complexe sst2/p85 fait intervenir la liaison directe de sst2 avec la Filamine-A, qui entre en compétition avec la sous-unité p85 (Najib S, en préparation).

3.2 Inhibition de l’angiogenèse et de l’invasion tumorale

Plusieurs études ont montré que la réexpression du récepteur sst2 dabs les cellules cancéreuses pancréatiques inhibe l’angiogenèse tumorale in vivo. Il a notamment été montré que l’effet anti-angiogénique de sst2 implique une diminution de la production de VEGF, une

augmentation de l’expression de sst3 au niveau des vaisseaux péri-tumoraux et la diminution d’expression de la métalloprotéinase MMP-2 (Kumar, World j gastroenterol, 2004 ; Carrere,

Hum gene ther, 2005).

Récemment, nous avons également montré que sst2 stimulait, via l’inhibition de la voie PI3K, l’expression du facteur anti-angiogénique TSP-1 (Thrombospondine-1), dans les cellules cancéreuses pancréatiques humaines BxPC-3, entraînant une séquestration du VEGF et l’inhibition consécutive de l’activation du récepteur au VEGF (VEGFR2) au niveau des cellules endothéliales (Laklai, PNAS, 2009). Une autre étude a également permis de démontrer le rôle de l’inhibition de l’activation du TGFβ1 latent sécrété par les cellules cancéreuses pancréatiques, dans l’effet anti-angiogénique du récepteur sst2. Cet effet inhibiteur de sst2 dépend de l’inhibition de l’expression et de l’activation de MMP-9 (Laklai,

en préparation).

Enfin, nous avons également identifié certaines cibles potentiellement impliquées dans l’effet anti-invasif du sst2. Des résultats non publiés de l’équipe ont, en effet, montré que la réexpression du récepteur sst2 dans les cellules cancéreuses pancréatiques inhibait l’expression et l’activité, non seulement de MMP-9, mais également de MMP-7 et stimulait l’expression de leurs inhibiteurs TIMP-1 et 2 (Tissue inhibitors of metalloproteinases).

3.3 Régulation de la traduction protéique

Dans les cellules cancéreuses pancréatiques humaines, l’expression de sst2 stimule la transcription et la déphosphorylation de l’inhibiteur de la traduction 4EBP-1 (eIF4E binding protein), par un mécanisme dépendant de l’inhibition de la PI3K. Comme son nom l’indique, 4EBP-1, sous sa forme hypophosphorylée, lie et séquestre le facteur d’initiation de la traduction CAP-dépendante eIF4E. Ce mécanisme d’inhibition de la traduction CAP- dépendante, n’affecte pas la synthèse protéique globale, mais altère sélectivement la traduction d’un nombre restreint d’ARNm, possédant une extrémité 5’UTR très structurée, et de ce fait, très sensibles aux variations de l’activité de 4EBP-1 et codant pour des protéines impliquées dans la prolifération cellulaire, par exemple (Azar, CMLS, 2008).

Parallèlement à cette inhibition de la traduction CAP-dépendante, sst2 stimule la traduction IRES-dépendante (Internal Ribosomal Entry Site), de protéines cibles, impliquées dans les effets anti-tumoraux du récepteur et notamment la TSP-1 et les Connexines 26 et 43

(Lahlou, Mol cell biol, 2005 ; Laklai, PNAS, 2009). L’induction des connexines 26 et 43 par

sst2, dans les cellules cancéreuses pancréatiques, permet le rétablissement des jonctions intercellulaires de type GAP, impliquées dans les effets anti-prolifératifs du sst2 (Lahlou, Mol

cell biol, 2005). En outre, le rétablissement de ces jonctions permet à de petites molécules de

signalisation de diffuser vers les cellules adjacentes et peut ainsi intervenir dans l’effet « bystander » local observé suite à l’expression du récepteur sst2 dans les cellules cancéreuses pancréatiques.

4. Conclusion

L’ensemble des travaux de l’équipe ont permis de mettre en évidence le rôle anti- oncogénique du récepteur sst2 dans le cancer du pancréas in vitro et in vivo et d’identifier certains des mécanismes moléculaires impliqués dans cet effet. La mise en place d’une boucle autocrine négative due à la sécrétion de somatostatine, entraîne une activation constitutive du récepteur sst2 qui exerce des effets pléiotropiques : anti-prolifératif, pro-apoptotique, anti- invasif et anti-angiogénique.

L’effet « bystander » obtenu in vivo après transfert du gène sst2 a été caractérisé et plusieurs mécanismes sont impliqués dans ce phénomène. Le rétablissement des jonctions GAP participe à la diffusion de signaux anti-tumoraux et pro-apoptotiques entre cellules. En outre, la sécrétion de somatostatine par les cellules cancéreuses pancréatiques après réexpression de sst2 va agir par autocrinie sur ces cellules ré-exprimant le sst2, mais aussi sur celles n’exprimant pas le récepteur, en activant d’autres récepteurs, comme le sst3, dont l’expression est up-régulée après transfert in vivo de sst2 (Rochaix, Hum, gene ther, 1999). Enfin, la somatostatine va également agir par paracrinie, en inhibant la réponse stromale, l’angiogenèse tumorale, ou encore en inhibant l’effet mitogène des facteurs de croissance. L’effet des analogues de somatostatine sur les myofibroblastes pancréatiques à activité pro- tumorale et l’identification des voies de signalisation impliquées, sont d’ailleurs actuellement en cours d’étude au sein de l’équipe.

Cet effet « bystander » très puissant constitue un atout majeur. Dans ce contexte, le transfert du gène sst2 apparaît donc comme une alternative novatrice pour inhiber la progression tumorale et métastatique pancréatique. Les travaux précliniques effectués dans le laboratoire ont ainsi permis de proposer un protocole de thérapie génique chez l’homme pour le traitement du cancer du pancréas, basé sur le transfert du gène sst2 ainsi que du gène de fusion dck-umk codant des enzymes facilitant l’action de la gemcitabine, seul traitement actuel pour cette pathologie.

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