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Le canal de la spécialisation sectorielle dans la relation entre l’ouverture commerciale et

L’absence de phénomène de rattrapage entre les pays pauvres et les pays développés a donné lieu à

de multiples études dont l’objectif est de déterminer les raisons de l’absence de convergence. La

plupart des travaux empiriques effectués reposent sur le modèle de croissance de Solow. Dans ce

modèle, les raisons de l’absence du rattrapage résident dans des différences par rapport aux

variables structurelles comme : le taux d’investissement, le taux de croissance de la population et le

niveau initial de progrès technologique. Dans le souci d’approfondir les raisons des divergences

entre les pays en développement et les pays développés, et pour montrer les conditions du

catching-up, les études effectuées ont pris le soin de tester l’influence sur la croissance de variables autres

que celles structurelles du modèle de Solow. Ceci concerne les variables économiques (capital

humain, dépenses publiques, taux d’ouverture, etc.) et les variables politiques (coup d’état,

révolutions, etc.). Néanmoins, peu d’études dans ce type de littérature ont pris en considération

l’influence de la spécialisation internationale sur la croissance, et au-delà de la spécialisation

elle-même, sa nature. Mieux, les nouvelles théories du commerce international montrent que la nature

de la spécialisation d’un pays n’est pas neutre quant à ses performances de croissance. A titre

d’exemple, un pays faiblement spécialisé dans la production de biens à grand potentiel

d’apprentissage et où le potentiel de progrès technologique est important, risque d’être exclu,

ouverture aidant, de ce secteur et ainsi peut être l’objet d’un ralentissement de la croissance

(Grossman et Helpman 1991, Young 1991, Redding 1999). A part les effets du côté de l’offre, un

changement de la composition de la demande après l’ouverture commerciale affecte aussi la

croissance à travers les effets sur la décomposition sectorielle. Spilimbergo (2000) montre qu’aller

au-delà des fonctions d’utilité homothétiques standards, change significativement les conclusions

quant à l’effet de l’ouverture du commerce sur la croissance. La prise en compte de préférences non

homothétiques dans le modèle du commerce international de Ricardo permet la prise en

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considération de la partie demande des effets de la composition du commerce sur la croissance.

Malgré ces développements théoriques, la plupart des travaux empiriques se concentrent dans

l’étude de la connexion commerce-croissance sur la relation entre la croissance et l’ouverture du

commerce ou l’orientation des échanges avec l’extérieur sur un niveau macroéconomique.

Autrement dit, sans prendre en considération les effets d’une potentielle spécialisation sectorielle.

C’est probablement la raison pour laquelle, la plupart des études empiriques trouvent que

l’ouverture a des effets bénéfiques sur la croissance

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. En effet, quand plusieurs indicateurs

d’ouverture commerciale sont utilisés afin de tester la robustesse des résultats trouvés (effet positif

de l’ouverture sur la croissance), ils sont soit statistiquement significatifs suivant la direction

attendue, soit non statistiquement significatifs (Dollar 1992, Edwards 1993, Sachs et Warner 1995).

Baldwin et Sbergami (2000) expliquent le « flou » accompagnant la relation entre la croissance et

l’ouverture commerciale dans la nature de la relation. En effet, ils considèrent qu’elles sont liées par

une relation non linéaire et non monotone Ils soutiennent l’idée que le principal moteur de la

croissance est l’accumulation physique et humaine, et que le lien entre l’accumulation du capital et

les barrières commerciales sont, à peu près dans tous les modèles, elles aussi, non linéaires et même

non monotones Ils s’appuient sur un modèle dynamique avec concurrence imparfaite qui aboutit à :

i. Une forme en U de la relation entre la croissance et les tarifs forfaitaires, et

ii. Une forme en cloche de la relation entre la croissance et les tarifs spécifiques

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.

Une estimation quadratique de ce modèle a été faite, ainsi qu’une confrontation à dix indicateurs

d’ouverture commerciale. Dans cette nouvelle spécification, il n’y a eu que six des dix indicateurs

qui ont, à la fois, les termes quadratiques et linéaires individuellement significatifs. Les auteurs en

ont conclu que la prise en compte de la non-linéarité a eu un significatif effet empirique. Ils ont

recommandé d’étudier les causes et les sources de la non-linéarité de la relation entre l’ouverture

commerciale et la croissance, comme future voie de recherche. Une possible piste qui prédit un

impact non monotonede l’ouverture commerciale sur la croissance, serait l’effet de la spécialisation

sectorielle. En effet, Busson et Villa (1997) ont pris un échantillon de 57 pays sur la période

1967-1991, et en utilisant des données de commerce international relatives à 69 biens industriels et

agricoles, ils ont développé et calculé pour chaque pays, 3 indicateurs de spécialisation. Au début,

ils ont construit un indicateur d’échange inter-industriel montrant si un pays donné est plutôt

31 Bensidoun et al (2001) : « The Nature of Specialization matters for Growth : An Empirical Investigation », CEPII working Paper, N°13, p : 8.

32Les tarifs forfaitaires ou ad valorem sont des taxes prélevées sur les biens ou services en fonction de leurs valeurs et non sur la base de la quantité, de la taille, du poids ou d’autres facteurs. Pour les tarifs spécifiques, il s’agit d’une taxe appliquée par unité importée.

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spécialisé dans un échange inter ou intra-industriel. Ensuite, ils ont créé ce qu’ils appellent un

« indicateur de dissimilarité du commerce », qui fournit une mesure de l’écart entre le choix de

spécialisation d’un pays donné et la structure de demande internationale. Finalement, ils calculent

un indice de croissance de la demande internationale adressée à chaque pays. Avec l’ensemble de

ces indices, ils ont effectué une régression avec comme variable expliquée, le taux de croissance du

PIB par habitant et comme variables explicatives : le niveau de richesse initiale, le taux

d’investissement, le stock initial de capital humain, un indicateur relatif à la politique monétaire (un

indicateur de la variabilité des termes de l’échange et un indicateur de la dévaluation du taux de

change réel), une mesure des flux de capitaux entrants, un indicateur d’ouverture (le rapport des

exportations et des importations par rapport au PIB), ainsi que leur ensemble d’indices de

spécialisation. Premièrement, ils ont trouvé que les pays les plus ouverts sont ceux qui ont

enregistré la croissance la plus élevée. Néanmoins, la spécialisation inter-industrielle est

négativement corrélée à la croissance. Deuxièmement, le coefficient de « l’indice de dissimilarité

du commerce » est toujours significativement négatif. Ce qui montre que plus un pays est spécialisé

dans des biens dont la demande mondiale est dynamique, plus c’est bénéfique pour sa croissance.

Alternativement, les pays qui sont spécialisés dans les « mauvais » biens, c'est-à-dire les biens pour

lesquels la demande internationale est en déclin, ont une spécialisation régressive, qui semble être

préjudiciable pour la croissance.

Weinhold et Rauch (1999) étudient un échantillon de 39 pays sur la période 1960-1990. Pour

chaque pays, ils ont construit des mesures de spécialisation basées sur les indices d’Herfindahl pour

le secteur manufacturier. Ensuite, ils ont régressé la croissance de la productivité du travail sur la

spécialisation, l’ouverture commerciale (mesurée par la part des échanges sur le PIB), le taux

d’inflation et la part des dépenses budgétaires par rapport au PIB, en utilisant un modèle dynamique

sur des données de panel avec effets fixes. Leurs résultats montrent qu’une forte spécialisation

conduit à une forte croissance de la productivité, surtout dans les pays en développement.

Feenstra et Rose (2000) ont observé les importations des États-Unis de 162 pays sur la période

1972-1994, pour un ensemble de 1434 biens. Leur approche est composée de trois étapes.

Premièrement, ils ont classifié les biens en fonction de leurs degrés de sophistication.

Deuxièmement, dans ce classement, ils ont rangé les différents pays en fonction du degré de

sophistication de leurs exportations dans lesquelles ils se sont spécialisés, vers les États-Unis.

Troisièmement, ils ont mis en relation le degré de spécialisation dans les biens sophistiqués et les

performances macroéconomiques des différents pays. Pour classifier les 1 434 biens qu’ils ont pris

en considération, les auteurs ont eu recours à la « théorie du cycle de produit » de Vernon (1966) et

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ont supposé que ce sont les produits les moins sophistiqués qui sont les plus exportés aux

États-Unis. Ils obtiennent à la fin, un indicateur global du degré de sophistication de l’ensemble des

produits. A partir de cet indicateur, ils obtiennent un indice qui mesure pour chaque pays, le degré

de sophistication des exportations dans lesquelles chaque pays s’est spécialisé. Finalement, Feenstra

et Rose (2000) régressent le taux de croissance du PIB par habitant par rapport au taux

d’investissement, du niveau initial du PIB, de l’indicateur de stabilité politique, du stock initial du

capital humain, d’un indicateur d’ouverture (il s’agit de l’indice de Sachs et Warner, 1995) et de

leur indice de spécialisation. Leurs résultats montrent que le coefficient de l’ouverture était

significativement positif, et le coefficient de la spécialisation était significativement négatif. Ceci

signifie que « les pays qui exportent plus tôt, sont ceux qui réalisent une croissance rapide

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».

Bensidoun et al (2001) étudient un échantillon de 53 pays sur 6 sous-périodes de 5 ans chacune sur

la période 1967-1997. Pour chaque sous période, ils ont régressé le taux de croissance du PIB par

habitant sur le niveau initial du PIB, taux d’investissement, taux d’ouverture et un indicateur de

spécialisation. Plus spécifiquement, dans chaque régression, les auteurs introduisent un indicateur

de l’intensité de la spécialisation et un indicateur de la « qualité » de la spécialisation. Pour mesurer

la qualité de la spécialisation, les auteurs ont mobilisé deux indicateurs à la fois. Le premier est

construit en prenant la moyenne pondérée des taux de croissance du PIB par habitant des pays qui

partagent le même modèle de spécialisation que ceux soumis à l’enquête. Pour le deuxième, ils

introduisent un indicateur qui jauge si un pays donné est spécialisé dans des produits pour lesquels

la demande internationale est dynamique. Les résultats trouvés par Bensidoun et al (2001) montrent

que l’ensemble des coefficients relatifs à l’indicateur de spécialisation sont très significatifs et ont

les signes attendus, ce qui signifie que l’effet de l’ouverture commerciale sur la croissance dépend

plutôt des modèles de spécialisation suivis.

Dans ce qui suit, nous présenterons un aperçu général de l’état de spécialisation des pays du MOAN

en se basant sur des faits stylisés établis à partir de l’indicateur d’avantage comparatif révélé.

IV. Faits stylisés de la spécialisation des pays du MOAN à partir des avantages