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3. M OUVEMENTS DE CALCIUM DANS LA CARDIOMYOPATHIE DIABETIQUE

3.3.1. Canal calcique de type L du sarcolemme

3.3.1.1 Caractéristiques du canal calcique de type L

Les canaux calciques de type L (pour « long lasting ») (Rougier et coll. 1969) concentrés

dans les tubules T du SL, sont les premiers acteurs majeurs du couplage EC. Il est

important de préciser qu’une autre forme de canaux calciques est présente dans les

myocytes cardiaques : les canaux de type T (pour « transient ») (Nilius et coll. 1985).

Cependant, ils ne semblent pas pouvoir intervenir dans le déclenchement de la contraction.

C’est pour cette raison que dans la suite de ce travail nous détaillerons uniquement les

caractéristiques du canal calcique de type L, dépendant du potentiel.

Le canal calcique de type L est caractérisé par une large conductance, un courant de longue

durée et une activation pour des potentiels élevés. Ce canal calcique est activé par la

dépolarisation membranaire et s’ouvre pour des potentiels de l’ordre -40 mV. Il est

sensible à la stimulation adrénergique et l’influx calcique est limité par son inactivation

lente Ca

2+

-dépendante du côté cytosolique.

Ce type de canal a souvent été caractérisé par leur sensibilité aux dihydropyridines (DHP),

et c’est pour cette raison qu’il est parfois dénommé récepteur des DHP. La plupart des

DHP agissent comme des bloqueurs du canal calcique de type L et donc comme des

antagonistes (nitrendipine, nifédipine), mais quelques uns agissent comme des agonistes

(-Bay K 8644 contrairement au +(-Bay K 8644).

Les canaux calciques de type L sont constitués d’une sous-unité principale, α1, qui forme

le pore du canal. Cette sous-unité α1 qui contient le pore de conduction et le senseur de

voltage est associée à trois autres sous-unités α2, β2 et δ qui en réglant son activité

participent à la régulation du canal (Catterall 2000).

Figure 7 : Structure d’un canal calcique de type L (d’après Treinys et Jurevičius, 2008)

Comme les autres protéines responsables des mouvements du Ca

2+

intracellulaire, les

canaux calciques de type L sont accompagnés de protéines régulatrices parmi lesquelles :

1) la calmoduline protéine de la famille des EF-Hands qui servirait de senseur calcique

capable d’inactiver ou de favoriser son activité; 2) la sorcine, protéine de 22 kDa ayant une

forte affinité pour le Ca

2+

qui réalise un pont entre les canaux calciques de type L et les

RyR et accélère la vitesse de fermeture du canal (Meyers et coll. 1998); 3) l’ANHAK («

géante » en hébreu) qui interagit avec la sous-unité β2 des canaux calciques de type L et

permet ainsi la liaison de ces canaux calciques de type L aux filaments d’actine.

3.3.1.2 Devenir du canal calcique de type L au cours de la

cardiomyopathie diabétique

Bien que de nombreux mécanismes contrôlent les mouvements du Ca

2+

intracellulaire, les

canaux calciques voltages sensitifs et plus particulièrement les canaux calciques de type L

du sarcolemme représentent l’un des facteurs déterminants de la fonction cardiaque. Les

études de binding ne permettent pas de réels consensus quant aux effets du diabète sur les

canaux calciques de type L. En effet, ces études montrent aucun changement, une

augmentation ou une diminution de ces canaux dans des préparations membranaires de

tissu ventriculaire de rats diabétiques STZ (Nishio et coll. 1990, Yu et Mc Neill 1991, Lee

et coll. 1992).

Lee et coll. (1992) ont montré, dès 3 semaines après l’induction du diabète, une diminution

du nombre de récepteurs à la dihydropyridine, mesurée par la fixation du [

3

H]-nitrendipine,

dans les préparations membranaires isolées à partir de cœur de rats diabétiques STZ, alors

même que leur affinité pour les antagonistes calciques est augmentée (diminution de Kd).

Selon ces auteurs, cette diminution de la densité des récepteurs avec le diabète suggère une

diminution dans le nombre de canaux calciques de type L dans le sarcolemme. Résultat,

l’influx calcique, déclencheur calcique essentiel pour la libération du Ca

2+

du RS, pourrait

être diminué. Ceci expliquerait alors au moins en partie la diminution de force contractile

cardiaque développée dans le diabète chronique. Par contre, l’augmentation de l’affinité de

ces canaux calciques pourrait partiellement expliquer l’augmentation de la sensibilité des

cœurs diabétiques au Ca

2+

. Cependant, ces résultats sont en contradiction avec les données

de Nishio et coll. (1990) sur le binding du [

3

H]PN 200-110 (un autre ligand dérivé

dihydropyridine) sur les membranes cardiaques diabétiques.

En effet, une augmentation de 64 % dans le Bmax du binding de [

3

H]PN 200-110 sur les

membranes musculaires cardiaques isolées de rats diabétiques STZ, comparés à des rats

contrôles, a été mise en évidence par Nishio et coll. (1990), 10 semaines après l’induction

de l’état diabétique. Les auteurs concluent que cette augmentation est dépendante de la

durée du diabète puisque 3 semaines après l’induction du diabète, aucune différence n’est

observée entre les préparations membranaires diabétiques et contrôles. L’augmentation

significative apparaît après 6 semaines de diabète et l’augmentation la plus importante du

Bmax est obtenue à 12 semaines de diabète. Cette augmentation du Bmax est retrouvée

sans aucune différence dans le Kd entre les 2 types de préparations, diabétiques et

contrôles. Yu et coll. (1995) suggèrent également une augmentation de l’activité du canal

calcique de type L dans des myocytes ventriculaires de rats 6 semaines après l’injection de

STZ. En effet, les variations maximales de la [Ca

2+

]i au KCl, agent qui cause un influx

calcique au niveau de la membrane du SL par dépolarisation, sont augmentées dans les

cellules diabétiques comparées à des cellules contrôles.

Par ailleurs, Yu et Mc Neill (1991) ont montré que 6 semaines après l’injection de STZ, les

oreillettes de rats Wistar-Kyoto traités à la STZ ne montrent pas d’hypersensibilité au BAY

K 8644, un agoniste des canaux calciques. En plus, ils ont reporté que la fixation du

[

3

H]PN 200-110 sur des homogénats cardiaques n’est pas différentes entre les rats Wistar

diabétiques et les rats contrôles.

La divergence de résultats entre ces 4 études pourrait être due à l’intensité du diabète (dose

de STZ injectée) et au stade de la maladie. En effet, comme le démontre l’étude de Nishio

et coll. (1990), 6 semaines de diabète semble être une période critique quant aux effets de

la maladie sur le le Bmax du binding de [

3

H]PN 200-110. Il peut aussi être incriminé les

différences dans les conditions expérimentales utilisées pour la préparation des membranes

(homogénats cardiaques, ventriculaires, atrial…) ou la détermination du binding de

dihydropyridine.

Néanmoins, ces résultats indiquent que les canaux calciques sensibles au voltage dans le

muscle cardiaque isolé de rats diabétiques STZ sont quantitativement et qualitativement

altérés. De plus, il semble que ces altérations sont dépendantes de la durée du diabète

puisque l’augmentation du Bmax du binding du [

3

H]PN 200-110, observée dans les

préparations membranaires des rats diabétiques, n’est retrouvée que 6 semaines après

l’injection de STZ (Nishio et coll. 1990). Ainsi, l’augmentation d’activité de ces canaux

calciques voltage dépendants peut contribuer à l’augmentation de l’influx calcique et donc

à la surcharge calcique, représentée par la [Ca

2+

]i cytosolique élevée, dans le cœur

diabétique.

Par ailleurs, il apparaît que l’augmentation de ces canaux calciques de type L au cours de

la cardiomyopathie diabétique est significativement inhibée et normalisée à un niveau

contrôle par 8 semaines de traitement intensif en insuline (Nishio et coll. 1990).

Les études électrophysiologiques du courant calcique ont également donné lieu à des

résultats divergents. Lors d’une étude de patch-clamp sur myocytes ventriculaires isolés de

rats diabétiques (8 à 12 semaines après l’injection de 60 mg/kg de STZ), Bracken et coll.

(2004) ont montré que la densité du courant I

Ca,L

est significativement réduite entre des

voltages de -10 et +10 mV. De même, dans des myocytes ventriculaires isolés de rats

Wistar diabétiques depuis 3-4 semaines (STZ, 40 mg/kg), Chattou et coll. (1999) observent

une diminution de la densité du courant I

Ca,L

pour des potentiels tests compris entre -10 et

+50 mV. Une diminution de l’amplitude de ce courant est également notée. Au préalable,

Wang et coll. (1995) avaient déjà mis en évidence une densité de I

Ca

diminuée dans des

myocytes ventriculaires isolés de rats ayant un diabète chronique (24-30 semaines – STZ,

65 mg/kg). Il apparaît de plus que la réduction de la densité de I

Ca

est plus marquée dans

l’étude de Wang et coll. (1995) dans laquelle la durée et la sévérité du diabète sont plus

importantes (I

Ca

pic à 0 mV est réduite de 68% pour Wang et coll. (1995) et de 50% pour

Chattou et coll. (1999)). Cependant, la diminution de I

Ca

n’est pas observée dans les études

antérieures où les rats ont reçus une plus faible dose de STZ (40 mg/kg) et pour qui la

durée du diabète n’a pas excédé 8 semaines: la densité de I

Ca

des cellules cardiaques

diabétiques est comparable à celle des cellules normales (Magyar et coll. 1992), ou

légèrement augmentée mais de manière non significative (Jourdon et Feuvray 1993). Ainsi,

pour ces derniers auteurs, le diabète n’induit pas de changement significatif dans le nombre

de canaux calciques membranaires fonctionnels ou dans la dépendance au voltage pour

l’ouverture et l’inactivation de ces canaux. De même, aucune différence n’est observée au

niveau des effets stimulants de l’isoprotérenol, du forskolin et du DBcAMP sur le courant

calcique de type L entre des myocytes de rats contrôles et diabétiques (Tamada et coll.

1998). Toutes les études électrophysiologiques ont été réalisées sur des animaux

diabétiques chimiquement induits. Puisque le facteur génétique joue un rôle très important

dans le développement du diabète, Tsuchida et coll. (1994) ont voulu testés des rats

génétiquement diabétiques (WNB/Kob). Le courant calcique des cardiomyocytes n’est pas

significativement altéré chez les rats génétiquement prédisposés au diabète comparés aux

rats contrôles.

Les différences observées sont vraisemblablement liées à la concentration de drogue

injectée, à l’état de diabète et/ou aux techniques employées. Cependant, la encore, la durée

du diabète semble un élément déterminant : plus la durée de la maladie est importante, plus

sévères sont les altérations de la fonction des canaux calciques.