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Chapitre 2 : Recensions des écrits

E. Marketing social dans le domaine du VIH/Sida

I. Campagne australienne de la Camarde

Au moment de sa découverte, les Australiens, comme de nombreux pays, pensaient que le SIDA était une maladie réservée aux homosexuels. Mais avec sa propagation massive prenant des proportions épidémiques, on constata que le comportement sexuel à haut risque et le partage des seringues s’étaient fortement répondus. Le Gouvernement s’est alors lancé dans une campagne nationale d’éducation en se fixant pour objectif : faire comprendre aux Australiens que le problème du VIH/SIDA les concernait tous (Dwyer et al., 1 Juillet 1988).

Ainsi, en avril 1987 a débuté la nouvelle campagne qui marquera les esprits jusqu’à aujourd’hui. Pendant une semaine, elle a été distribuée via des messages télévisés, diffusés à une heure de grande écoute. On y voyait la représentation traditionnelle de la mort (la Camarde armée d’une faux et revêtue d’un costume médiéval) qui renversait des quilles humaines sur une piste de bowling. Personne n’est épargné par son avancée : nouveau-né, enfant, homme ou femme. Les mois suivants,

d’autres annonces sont parues dans les journaux, au cinéma, dans les revues et à la radio, contenant des informations sur la transmission du virus, les rapports sexuels protégés, le test de dépistage d’anticorps ainsi qu’un numéro de téléphone où l’on pouvait se procurer d’autres informations pertinentes (Harcourt et al., 1 Août 1988)

D’après les premières enquêtes, les annonces télévisées avec la Camarde avaient atteint 97% des personnes (Mortel et al, 1988). Et en très peu de temps, le SIDA est passé au premier plan des préoccupations.

1. Les résultats positifs de la campagne

Au bout de huit semaines, une évaluation à mi-campagne a été faite afin de comparer, grâce aux recherches antérieures, les connaissances, les attitudes et les comportements avant et après la campagne. Les constats ont été indéniables : des fausses idées sur la transmission par contact accidentel étaient moins fréquentes et les attitudes envers la prévention (tel que, l’emploi des préservatifs et distribution d’aiguilles et de seringues) étaient plus compréhensives (Cresswell, 1 décembre 2007). Ainsi, les chercheurs ont conclu que la campagne de la Camarde avait réussi non seulement à sensibiliser la population en général face à la problématique du SIDA et à informer sur la maladie mais aussi à changer l’approche des individus face aux comportements à risque. Avec l’augmentation des débats publics, on a aussi constaté des discours plus ouverts sur des sujets encore parfois controversés, tel que les rapports hétérosexuels par voie anale, sur les attitudes vis à vis des préservatifs et sur les hommes mariés bisexuels.

Les dispensaires antivénériens ont eux aussi participé à la mise en relief de conclusions concernant l’impact de la campagne. En effet, ils ont signalé un changement important d’attitude vis-à-vis des préservatifs. Les clients se sont montrés moins opposés à l’emploi des préservatifs et de nombreux établissements ont poussé leur utilisation afin que les prostituées désireuses de s’en servir en aient plus facilement accès (Mortel et al, 21 Mars 1988).

Aussi, après la campagne, n’ayant pas d’éducation exhaustive sur le SIDA à l’école, les ministères de l’éducation des États ont reçu pour mandat d’inclure, dans les programmes scolaires, l’éducation sur le VIH/SIDA.

2. Les résultats négatifs

La campagne de la Camarde a aussi généré certaines conséquences malheureuses. Elle a ainsi réveillé inutilement d’énormes angoisses chez bien des gens, et ce à propos de leurs comportements passés. À la suite des premiers messages télévisés, les laboratoires chargés des tests de dépistage ont été envahis. Pourtant, les gens ne cherchaient pas à mieux se renseigner sur le SIDA, mais plutôt faire un test pour savoir s’ils n’avaient pas été contaminés dans le passé. En effet, dans les principaux dispensaires, on n’a pas enregistré de hausses dans les demandes d’informations générales sur les symptômes, la transmission ou les pratiques sexuelles plus sûres. De nombreuses personnes peu exposées au risque ont tenté de se rassurer plutôt que de s’informer. Par ailleurs, on a aussi constaté que les hommes homosexuels et les femmes prostituées n’ont pas été plus nombreux à se rendre dans les dispensaires, allant même jusqu’à une diminution du nombre d’homosexuels vus, dans le principal dispensaire anti-SIDA (Mortel et al, 21 Mars 1988).

Aussi, à cause du secret entourant la campagne1 au début de la parution, les services n’étaient pas bien préparés à faire face à cette sollicitation extraordinaire de leur service. Il a eu de nombreuses plaintes quant au manque de connaissances de certaines personnes sur le sujet, la mauvaise distribution des publications d’appoint et une mauvaise coordinations entre les divers services (d’État, fédéraux, publics et non gouvernementaux).

Le Conseil de lutte contre la discrimination a remarqué une augmentation du nombre de cas de discrimination et de harcèlement présents sur le lieu de travail. De plus,

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La campagne a été précédée d’une action de promotion soigneusement orchestrée et l’on a veillé à ne pas divulguer sa teneur, de manière à obtenir un impact maximal.

dans les dispensaires anti-SIDA, le personnel a observé un sentiment d'exclusion croissant parmi les personnes infectées par le VIH (Mortel et al, 21 Mars 1988).

Aussi, un nombre important d’agents chargés de l’éducation sur le SIDA ont eu une réaction négative quant aux messages « cachés » de la campagne. Il y a eu un grand travail effectué auparavant afin de faire comprendre qu’en adoptant certains comportements il était possible de prévenir et contenir la propagation du SIDA. Or, la campagne de la Camarde semblait contredire ce point de vue en concluant que la mort était inévitable (Dwyer et al., 1 Juillet 1988)

En gagnant un prix international, la campagne australienne de la Camarde a été une véritable réussite publicitaire. Néanmoins, tant elle a réussi à mettre la problématique du VIH/Sida au centre des préoccupations du pays et des débats publics; tant les australiens n’ont pas réellement accepté l’idée de faire partie des personnes exposées. On ne les a pas poussés à chercher de l’information sur le VIH/Sida ou les changements de comportements qu’il est possible d’adopter.

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