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LE CAMEROUN : SUJET PARTIEL DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Nous partons de l'origine du Cameroun, de sa genèse pour mieux percevoir l'évolution vers l'entité à laquelle sera appliqué le régime international (mandat et tutelle) et que nous connaissons actuelle- ment dans la Société internationale sous la dénomination de Répu- blique Fédérale du Cameroun (1). C'est le Cameroun dans la Com- munauté internationale du XIXe siècle à 1919 (2).

Derrière le concept Cameroun se dégagent les notions telles que Etat, Territoire, Peuple, Nation et Fédération qui a fait place à la République Unie. Comment est-il né ? Comment a-t-il acquis sa légi- timité, son intangibilité ? Quels sont les fondements juridiques du Cameroun ? A la base des vieux pays comme la France ou la Grande- Bretagne se trouve souvent l'action des familles, des dynasties qui ont façonné les Etats et ceuvré à la consolidation du territoire au sein duquel se développe la nation. Jusqu'en 1885 (3), ce qui sera le Cameroun est constitué d'une mosaïque de principautés indépendan- tes les unes par rapport aux autres et souveraines. Après cette date, un processus de regroupement des principautés amorcé quelques années plus tôt se poursuivra pour donner à la fin son contour juridi- que, son titre intangible au Cameroun.

L'analyse des phénomènes et des facteurs divers qui ont contribué à cette évolution s'impose car, les orientations actuelles, sa place dans la Communauté internationale sont les conséquences logiques des étapes franchies tout au long du XIXe siècle jusqu'en 1919.

Bielfield écrit (au XVIIIe siècle) : « les réalités de la vie internationale sont politiques et sociales et les formules juridiques que l'on rencon- tre dans la vie des peuples ne sont jamais qu'une résultante des cir-

(1) Depuis le 2 juin 1972 République Unie du Cameroun.

(2) Date de la signature du Traité de Versailles, 28 juin 1919, auquel est incor- poré le Pacte de la S.D.N. instituant le régime du mandat au Cameroun.

(3) 1885 — 26 février — date de signature de l'acte final de Berlin sur les questions africaines. Pour beaucoup d'auteurs c'est la date du partage de l'Afrique.

Pour d'autres c'est l'acte qui crée l'Etat indépendant du Congo. Retenons surtout que la Conférence de Berlin provoquée à la suite des oppositions entre Anglo- Portugais d'une part et Franco-Belges d'autre part aboutit à une série de régle- mentations dans tout le bassin du Congo et les zones périphériques et à fixer les conditions d'acquisition des territoires en Afrique (voir les documents y affé- rents en annexe).

constances historiques » (4). Le Cameroun est en effet le produit de certaines formes de rapports entre les Communautés européennes et noires qui se déroulent au XIXe siècle au moment où se fait le pas- sage de la Société internationale inorganisée à la Société internatio- nale organisée ou encore de la Société relationnelle à la Société constitutionnelle (5).

Quelle est la nature juridique des principautés qui dès les XVIe- XVIIe siècles entrent en contact avec les Européens ? C'est de ce contact qui s'est d'abord traduit en échanges commerciaux — plus particulièrement la traite et l'esclavage — que le « Cameroun » aura sa dénomination (6). Ces échanges commerciaux avec la fin du libé- ralisme constitueront à la fin du XIXe siècle une source de rivalités entre les Compagnies européennes qui en appelleront à leur pays respectif pour les protéger. La Société internationale n'a pas encore de structure universaliste (qu'apporteront la S.D.N. et l'O.N.U.) ; elle connaît les compétitions entre Etats où la force et le droit sont employés tour à tour. Traité, conquête (de Bellatio) interviennent dans la formation du cadre territorial et l'établissement des compé- tences étatiques. Les normes juridiques internationales viennent sou- vent après coup consacrer les situations de fait. Jusqu'en 1919, force et droit alternent au Cameroun et ce qu'écrit Cavaré (7) : « Le spec- tacle du duel qui, depuis plusieurs siècles met aux prises le Droit et la Société internationale émeut tout observateur des faits sociaux, le juriste comme le sociologue. Tantôt le droit est réduit au silence et la parole est seulement à la force, tantôt celle-ci est dompté par la raison et le droit peut étendre son empire. Les alternances de cette lutte entre l'autonomie égoïste des Etats et les idées de justice ou même l'intérêt social bien compris, voilà ce que nous montre l'étude du Droit international sous une forme souvent dramatique qui ne peut laisser le juriste indépendant », vient ici à propos. C'est dans ce contexte que le Cameroun naîtra, prendra son contour territorial et les frontières actuelles dans l'ensemble.

Dans toute l'Afrique Noire d'ailleurs, il y a d'abord eu des riva- lités voire des conflits ouverts entre les puissances européennes en quête d'empire colonial. C'est tardivement que le Droit internatio-

(4) Cité par C.-A. COLLIARD, Institutions internationales (Introduction), Précis Dalloz, 1967.

(5) Pour une étude approfondie de la question : R..J. DUPUY, DJ.P., Collec- tion c Que sais-je ? », Paris, 1963 ; Pierre VELLAS, Dl.P., Institutions internatio- nales, l'ouvrage cité parle de c: la Société internationale interétatique du xvi* siècle à la S.D.N. 2>, pp. 58 et s., et de « la Société internationale organisée » pp. 73 et s.

Nous entendons par Société internationale inorganisée celle qui se situe avant 1919, celle dont Georges SCELLE disait qu'elle connaissait un gouvernement de fait : nous pensons notamment au sortir de Vienne en 1815, à la Sainte Alliance et au Concert européen.

(6) Rio dos Camaroes : rivière des Crevettes : nom donné par les Portugais au fleuve Wouri et qui s'appliquera plus tard à l'ensemble territorial constitué par les Douala.

(7) Droit international positif, ouvrage cité.

nal interviendra pour les régler et préconiser comment les éviter en précisant les conditions d'acquisition et de reconnaissance des compé- tences coloniales (8). Ce même droit international s'était appliqué dans les rapports avec les principautés camerounaises; dès les pre- miers contacts, les Européens ont réglé leurs relations avec elles en faisant appel à l'instrument idéal du commerce international : les traités qui, vers la fin du XVIIIE siècle et au XIXE siècle ont favorisé en Europe le développement du Droit face à la force et la souveraineté agressive des siècles précédents.

Plus tard, avec la colonisation, la cohabitation entre noirs et blancs, s'estompera l'idée de principautés puissantes et souveraines que les Européens se faisaient de l'Afrique à la suite des récits (9).

La présomption de la qualité de sujet de Droit international qui a prévalu à la phase cruciale du contact et explique la multiplication des traités, tombe. Désormais, les considérations politiques l'empor- teront et les Européens signeront des traités et accords frontaliers entre eux pour, par la suite, imposer leur volonté aux princes came- rounais dans le cadre de la politique dite de la pacification. Nous assistons à ce que le professeur Charles Rousseau a pu qualifier d ' « altération des principes de droit par des considérations d'intérêt et d'opportunité » (10).

(8) Acte final de Berlin, 26 février 1885 : Territoires non encore occupés, occupation effective, notification aux autres puissances. Voir doc. en annexe.

(9) Récit sur les pèlerinages des princes africains à La Mecque (Kankan Moussa, Ahmadou Touré, El Hadj Omar) et les dépenses fabuleuses faites là-bas.

Récits sur les richesses des Royaumes Mossi et sur le Royaume du Dahomey avec ses amazones, etc.

(10) DJ.P., t. I, Introduction et Sources, Sirey, 1970, pp. 18 et s. Sur la combinaison du point de vue politique et du point de vue juridique dans le développement du droit des gens, voir : E. GIRAUD, c De la valeur et des rapports des notions de droit et de politique dans l'ordre internationale, R.G.D.I.P. 1922, pp. 473-514, et c Le Droit international public et la politique », R.C.A.D J. 1963JII, pp. 423-801.

CHAPITRE PREMIER

LA N A T U R E D E S P R I N C I P A U T E S

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