• Aucun résultat trouvé

4 Energétique de la locomotion et du transport de charge

4.2 Matériel et méthodes

4.2.7 Calcul du taux énergétique net

Le taux énergétique net, 𝜁, correspond au taux auquel une fourmi pratiquant une activité de fourragement donnée apporte (si ce taux est positif) de l’énergie à la colonie. Pour une fourmi réalisant une activité de fourragement donnée, il s’obtient par définition par l’équation :

𝜁 = 𝐸𝐶 𝐹− 𝐸

𝑆𝐹 𝑡𝐹

où 𝐸𝐶𝐹 correspond à l’énergie contenue dans la graine ramenée par la fourmi, 𝐸𝑆𝐹 au surplus d’énergie dépensée par la fourmi lors du fourragement par rapport à une fourmi inactive et 𝑡𝐹 au temps total nécessaire pour récolter l’item alimentaire. L’exposant 𝐹 (Field) fait référence à l’activité de fourragement effectivement réalisée par la fourmi sur le terrain, il sera plus tard opposé à l’exposant 𝐿 (Laboratory), correspondant aux variables déterminées en laboratoire. Nous détaillerons ici le mode de calcul de ce taux en nous basant sur une activité de fourragement donnée. Nous noterons 𝑑𝑢𝐹 la longueur du trajet effectué par la fourmi pour se rendre depuis le nid vers la source de nourriture (indice 𝑢 pour « unloaded ») et 𝑑𝑙𝐹 la longueur du trajet effectué par la fourmi pour revenir au nid (indice 𝑙 pour « loaded »). La température sera considérée constante et égale à 27°C, correspondant à la température pour laquelle on observe sur le terrain l’activité maximale chez M. barbarus (Azcárate et al., 2007).

On peut calculer 𝐸𝐶𝐹 si on connait la masse de la graine et la valeur énergétique par unité de masse 𝐶 de celle-ci. On peut l’exprimer en fonction de la masse fraiche initiale 𝑚 de la fourmi et du load ratio 𝐿𝑅 avec l’équation :

𝐸𝐶𝐹 = 𝐸

𝐶𝐹(𝑚, 𝐿𝑅, 𝐶) = 𝑚 ∗ (𝐿𝑅 − 1) ∗ 𝐶

Le fourragement se décompose en deux phases : l’aller au cours duquel la fourmi est non chargée, et le retour, lorsqu’elle transporte la graine à la colonie. On peut donc écrire :

91 𝑡𝐹 = 𝑡

𝑢𝐹+ 𝑡𝑙𝐹

Avec 𝐸𝑆,𝑢𝐹 (respectivement 𝐸𝑆,𝑙𝐹 ) et 𝑡𝑢𝐹 (respectivement 𝑡𝑙𝐹), l’énergie dépensée et la durée de la phase aller (respectivement retour). Le surplus d’énergie dépensée lors de la phase aller par rapport à une fourmi inactive, 𝐸𝑆,𝑢𝐹 , peut s’exprimer par l’équation:

𝐸𝑆,𝑢𝐹 = 𝐸 𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑣𝑢𝐹(𝑚, 𝑡), 𝑡𝑢𝐹) = 𝑚 ∗ ∫ 𝑌𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑣𝑢𝐹(𝑚, 𝑡), 𝑡)𝑑𝑡 𝑡𝑢𝐹 0 − 𝑚 ∗ 𝑡𝑢𝐹(𝑚) ∗ 𝑌 𝑆,0𝐹 (𝑚) où 𝑌𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑣𝑢𝐹(𝑚, 𝑡), 𝑡) est le taux métabolique spécifique (en J.s-1.mg-1) de la fourmi non chargée de masse 𝑚 marchant à la vitesse 𝑣𝑢𝐹(𝑚, 𝑡) au temps 𝑡 de la locomotion et 𝑌𝑆,0𝐹 (𝑚) est le taux métabolique spécifique au repos de la fourmi (en J.s-1.mg-1). Nous ferons l’hypothèse que la vitesse des fourmis sur le terrain (𝑣𝑢𝐹) est constante, et ne dépend que de leur masse (et du load ratio pour le transport de charge).

𝑣𝑢𝐹(𝑚, 𝑡) = 𝑣𝑢𝐹(𝑚)

De plus, nous ferons l’hypothèse que la vitesse de la fourmi est la même lors des expériences de respirométrie et sur le terrain et que le taux métabolique spécifique de la fourmi à cette vitesse en laboratoire est identique à celui du terrain :

𝑌𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑣

𝑢𝐹(𝑚), 𝑡) = 𝑌𝑆,𝑢𝐿 (𝑚, 𝑡) 𝑌𝑆,0𝐹 (𝑚) = 𝑌𝑆,0𝐿 (𝑚)

De même nous considérerons que cette vitesse est identique à celle observée lors de l’expérience présentée au chapitre 1 (𝑣𝑢𝐿), ce qui se traduit par :

𝑑𝑢𝐹

𝑡𝑢𝐹(𝑚) = 𝑣𝑢𝐹(𝑚) = 𝑣𝑢𝐿(𝑚)

Bien que nous observions une légère diminution du taux métabolique associé à la locomotion au cours du temps, nous ferons l’hypothèse qu’il est constant sur la durée du fourragement, c’est-à-dire que nous considérons que la fatigue musculaire, si elle existe pour les fourmis, n’a pas d’effet sur le taux métabolique. On obtient alors :

𝑌𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑡) = 𝑌 𝑆,𝑢𝐹 (𝑚) Et donc :

92 𝐸𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑡

𝑢𝐹) = 𝑚 ∗ 𝑡𝑢𝐹(𝑚) ∗ (𝑌𝑆,𝑢𝐿 (𝑚) − 𝑌𝑆,0𝐹 (𝑚))

Nous avons considéré que le taux métabolique spécifique correspondait aux prédictions des deux modèles statistiques présentés plus haut pour les fourmis non chargées et chargées de la colonie 1, en fixant la température à 27°C et en considérant la première heure de l’expérience pour laquelle le taux métabolique était calculé. Nous avons considéré que le taux métabolique spécifique lors de la locomotion (non chargée 𝑌𝑆,𝑢𝐿 (𝑚) ou chargée 𝑌𝑆,𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅)) correspondait aux prédictions du modèle pour un score d’activité de 100% et que le taux métabolique spécifique au repos (𝑌𝑆,0𝐿 (𝑚)) correspondait à la prédiction du modèle en locomotion non chargée pour un score d’activité de 0%.

De plus, nous avons fait l’hypothèse que, dans le cas d’une piste de fourragement établie, les trajets aller et retour sont identiques et donc que l’on a :

𝑑𝑢𝐹 = 𝑑

𝑙𝐹 = 𝑑𝐹 On peut donc exprimer 𝐸𝑆,𝑢𝐹 par l’équation :

𝐸𝑆,𝑢𝐹 = 𝐸

𝑆,𝑢𝐹 (𝑚, 𝑑𝐹) = 𝑚 ∗ (𝑌𝑆,𝑢𝐿 (𝑚) − 𝑌𝑆,0𝐿 (𝑚)) ∗ 𝑑𝐹 𝑣𝑢𝐿(𝑚) Avec le même raisonnement et les mêmes hypothèses, on peut écrire :

𝐸𝑆,𝑙𝐹 = 𝐸

𝑆,𝑙𝐹 (𝑚, 𝐿𝑅, 𝑑𝐹 ) = 𝑚 ∗ (𝐿𝑅 ∗ 𝑌𝑆,𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) − 𝑌𝑆,0𝐿 (𝑚)) ∗

𝑑𝐹 𝑣𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) Le taux énergétique net s’écrit alors :

𝜁(𝑚, 𝐿𝑅, 𝐶, 𝑑𝐹) = (𝑚 ∗ (𝐿𝑅 − 1) ∗ 𝐶) − 𝑚 ∗ (𝑌𝑆,𝑢𝐿 (𝑚) − 𝑌 𝑆,0𝐿 (𝑚)) ∗ 𝑑 𝐹 𝑣𝑢𝐿(𝑚)− 𝑚 ∗ (𝐿𝑅 ∗ 𝑌𝑆,𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) − 𝑌𝑆,0𝐿 (𝑚)) ∗ 𝑑 𝐹 𝑣𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) 𝑑𝐹 𝑣𝑢𝐿(𝑚)+ 𝑑 𝐹 𝑣𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) Ce qui peut s’exprimer ainsi :

𝜁(𝑚, 𝐿𝑅, 𝐶, 𝑑𝐹) = 𝐶 𝑑𝐹∗ (𝑚 ∗ (𝐿𝑅 − 1)) − 𝑚 ∗ ( 𝑌𝑆,𝑢𝐿 (𝑚) − 𝑌 𝑆,0𝐿 (𝑚) 𝑣𝑢𝐿(𝑚) + 𝐿𝑅 ∗ 𝑌𝑆,𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) − 𝑌 𝑆,0𝐿 (𝑚) 𝑣𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) ) 1 𝑣𝑢𝐿(𝑚) +𝑣 1 𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅)

93 Nous avons estimé les fonctions 𝑣𝑢𝐿 et 𝑣𝑙𝐿 à partir des données de l’expérience présentée au chapitre 1. La vitesse 𝑣𝑢𝐿 (en 𝑚𝑚. 𝑠−1) lors de la locomotion non chargée est indépendante de la masse de la fourmi :

𝑣𝑢𝐿(𝑚) = 𝑣

𝑢𝐿 = 29.08 𝑚𝑚. 𝑠−1 ± 4.47 𝑚𝑚. 𝑠−1 (moyenne ± écart type) Lors de la locomotion chargée, la vitesse 𝑣𝑙𝐿 s’obtient par l’équation:

𝑣𝑙𝐿(𝑚, 𝐿𝑅) = 31.61 − 0.1854 ∗ 𝑚 − 28.91 ∗ 𝑙𝑜𝑔

10(𝐿𝑅) 𝑚𝑚. 𝑠−1

Cette équation provient du modèle linéaire utilisé pour prédire la vitesse en locomotion chargée en fonction de la masse de la fourmi et du LR (P < 0.001, F2,49 = 49.82).

On remarque dans la formule de 𝜁 que le taux énergétique net dépend de deux facteurs propres à la fourmi (sa masse 𝑚 et le load ratio 𝐿𝑅) et de deux paramètres définissant la source de nourriture (sa distance à la colonie 𝑑𝐹 et la valeur énergétique massique des graines 𝐶). Or on s’aperçoit que ces deux derniers paramètres interviennent au même endroit dans l’équation. La source de nourriture peut donc être définie par le seul rapport 𝑑𝐶𝐹. Les graines récoltées par M. barbarus sont issues de diverses espèces de plantes (Azcárate et al., 2005) et leur valeur énergétique massique est donc différente. En nous basant sur la détermination de l’énergie par calorimétrie pour certaines de ces graines ou des graines de la même famille (Kelrick et al., 1986; Nielsen & Baroni‐Urbani, 1990; Tian & Zhu, 1992), nous avons pu déterminer que C devait varier entre 10 𝐽. 𝑚𝑔−1 et 40 𝐽. 𝑚𝑔−1. Quant à la longueur de la piste entre le nid et la source de nourriture, elle peut atteindre plusieurs dizaines de mètres. Tout d’abord nous avons calculé la valeur du taux énergétique net pour un rapport 𝑑𝐶𝐹 typique (𝐶 = 20 𝐽. 𝑚𝑔−1 et 𝑑𝐹 = 10 𝑚) en fonction de la masse de la fourmi (variant entre 1𝑚𝑔 et 35𝑚𝑔) et du LR (variant entre 1.4 et 5). Puis, pour un rapport 𝑑𝐶𝐹 donné et une masse de graine donnée, nous avons exprimé la fonction 𝜁 en fonction de la masse de la fourmi uniquement. Nous avons ensuite appliqué une fonction d’optimisation (fonction optimize du package R stats) afin de trouver le maximum de cette fonction ainsi que la masse de la fourmi correspondante. Nous avons ainsi déterminé la masse de la fourmi menant au taux énergétique net maximal pour des graines dont la masse variait de 1 à 50 mg et dont le rapport

𝐶

94 20 (correspondant au cas le plus favorable :𝐶 = 40 𝐽. 𝑚𝑔−1 et 𝑑𝐹 = 2 𝑚), ainsi que la valeur du taux énergétique net maximal et le LR correspondants.

Documents relatifs