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Chapitre I : Interaction lumière-atome

I.4 Cahier des charges et solutions technologiques

I.4.1 Raie D1, raie D2, intérêt de chaque transition

Pour le pompage optique d’atomes, deux types de transition peuvent être utilisées dans le cas du Rubidium ou du Césium : la raie D1 et la raie D2. Chacune des raies a ses avantages et ses inconvénients. Ainsi, selon le type de transition, pompante ou cyclante, l’une ou l’autre est à favoriser :

• La raie D1 du Rb (resp. Cs) présente l’avantage d’avoir ses deux états excités F’=1 et F’=2 (resp. F’= 3 et F’= 4) éloignés d’environ 860 MHz (resp. 1,16 GHz), ce qui diminue la probabilité d’exciter la mauvaise transition. En effet, dans le cas de la raie D2, les sous-niveaux sont très proches, typiquement 200 MHz, ce qui rend difficile l’adressage d’un seul sous-niveau sans exciter les sous-niveaux contigus. Néanmoins, la raie D1 présente l’inconvénient de ne pas avoir de transition cyclante, ce qui la rend peu efficace pour une fonction de détection d’atomes par fluorescence ou par absorption.

• La raie D2 présente l’avantage de posséder deux transitions cyclantes dans le cas du Rb et du Cs.

I.4.2 Rb/Cs : quel atome utiliser ?

Comme nous avons pu le voir, le Rb et le Cs, utilisant des longueurs d’onde différentes, sont classiquement (mais pas exclusivement) utilisés dans les expériences de physique atomique. Nous allons maintenant recenser les avantages à utiliser des atomes de Rb plutôt que de Cs et inversement.

Pour commencer, ces deux atomes présentent des transitions facilement accessibles par des sources lasers commerciales de type diode laser, ce qui explique qu’une grande partie des expériences de physique atomique utilise ces atomes.

L’atome de Césium est beaucoup plus réactif avec son environnement que l’atome de Rubidium. Ainsi, il attaque plus facilement et rapidement les colles des hublots de l’enceinte à vide le confinant, ce qui peut être critique en termes de vieillissement des expériences : l’attaque des collages pour les hublots des enceintes à vide (contenant les atomes) permettant le passage des faisceaux lasers peut engendrer des fuites importantes et dégrader grandement les expériences. La masse de l’atome de Césium étant plus lourde que celle du Rubidium, pour une température atomique identique, le Rb présente une dispersion de vitesse supérieure à celle du Cs. Cette différence de vitesse implique donc une différence de taille des nuages d’atomes refroidis, surtout au

cours du déplacement dans des dispositifs tels que les fontaines à atomes où la taille des nuages d’atomes évolue en fonction de l’expérience. Dans ce cas, l’adaptation de la taille du faisceau à l’expérience (et donc de la densité de puissance optique) peut devenir un facteur important à prendre en compte pour l’expérimentateur.

Enfin, un paramètre important à prendre également en compte lorsqu’on réalise des horloges ou des capteurs atomiques est le déplacement de la fréquence de transition liée aux collisions entre atomes. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas des atomes froids, où la densité atomique est élevée. Le déplacement collisionnel peut devenir un facteur limitant la stabilité et l’exactitude sur les mesures. Si l’on compare le déplacement collisionnel des atomes de Césium et de Rubidium [27], nous constatons que celui du Césium est environ 50 fois supérieur à celui du Rubidium. De ce fait, il est beaucoup plus simple de produire un condensat de Bose-Einstein avec du Rb qu’avec du Cs, ce qui peut être un argument important dans le choix de l’atome utilisé.

Tableau I-1 : Synthèse des avantages et inconvénients du Cs et du Rb

I.4.3 Sources optiques

Dans cette dernière partie, nous développerons deux paragraphes distincts sur les solutions optiques pour l’interaction lumière/atomes dans le cas du Cs et du Rb. La première portera sur les lasers développés pour les télécommunications à 1,56 µm doublés en fréquence afin d’obtenir le 780 nm. Ce type de dispositif est donc exclusivement réservé à l’atome de Rb. La seconde partie portera sur les diodes lasers émettant à 852 nm et 780 nm qui, bien que différentes de par leurs structures épitaxiales, proposent les mêmes types de solutions pour les deux longueurs d’ondes.

Avantages Inconvénients

Césium

• Transitions facilement accessibles

• Faible dispersion de vitesse

• Atomes réactif avec son environnement

• Déplacement collisionnel important Rubidium

• Transitions facilement accessibles

I.4.3.a Laser à 1,56 µm doublé en fréquence

L’avantage notable dans l’utilisation de sources lasers émettant aux longueurs d’onde des télécommunications (1,56 µm) réside dans le nombre important des développements de composants optiques depuis des dizaines d’années. En effet, il existe de nos jours une grande diversité de composants permettant d’augmenter la puissance des diodes (amplificateurs optiques à semiconducteurs de type SOA, RSOA, etc..) et d’obtenir des puissances optiques supérieures au watt, des modulateurs électro-optiques servant à créer des bandes latérales décalées de plusieurs GHz et des cristaux non-linéaires permettant de doubler la fréquence du laser, avec un taux de conversion important, afin d’atteindre la longueur d’onde du rubidium à 780 nm. Un autre intérêt de cette architecture est l’existence d’un grand nombre de composants fibrés, faciles à assembler, à remplacer et ne nécessitant pas d’alignement particulier contrairement au cas où la lumière se propage en espace libre.

Figure I.4-1 : Principe du doublage de fréquence

Le principe du doublage de fréquence (Figure I.4-1) est le suivant : un laser DFB à 1,56 µm émet un faisceau d’environ une dizaine de mW qui traverse un isolateur optique, afin d’éviter les retours de lumière rétrodiffusée vers la diode, puis est amplifié par un dispositif de type SOA afin d’obtenir 1 W de puissance optique en sortie. Le faisceau traverse ensuite un cristal en PPLN (Periodically Poled Lithium Niobate) qui effectue le doublage de fréquence pour aboutir à une longueur d’onde de 780 nm avec une puissance optique comprise entre 350mW et 500 mW. Bien entendu, les puissances optiques décrites dans cette explication sont seulement données à titre indicatif, elles dépendent de chaque expérience et des composants utilisés (diode, SOA et cristal en PPLN). Généralement, un asservissement du DFB à 1,56 µm est réalisé afin de stabiliser sa fréquence. Pour cela, une partie du faisceau doublé à 780 nm est utilisée pour asservir la diode sur une transition du Rubidium par spectroscopie d’absorption saturée. Néanmoins, l’étage de doublage de fréquence présente l’inconvénient d’avoir une architecture encore complexe et sensible à l’environnement (vibrations mécaniques et fluctuations thermiques principalement).

I.4.3.b Diodes lasers à 780 nm et 852 nm

La longueur d’onde associée à l’atome de Césium étant de 852 nm ou 894 nm, mis à part les diodes lasers, il existe relativement peu de sources lasers pouvant être utilisées. Les diodes lasers à 852 nm et 894 nm montrent en effet d’excellentes performances en termes de puissance optique et de largeur de raie. Ces performances sont en passe d’être transposées à 780 nm.

Pour les diodes lasers, il existe actuellement deux voies de développements parallèles des structures : les structures épitaxiées en AlGaAS et les structures sans aluminium dans la zone active. C’est cette seconde voie que nous suivons au sein du III-V Lab car elle présente plusieurs avantages :

Laser DFB à 1,56 µm

Isolateur optique Amplificateur Cristal PPLN

1,56 µm 10 mW 1,56 µm 10 mW 1,56 µm 1W 780 nm 300-500 mW

très peu d’oxydation et une meilleure fiabilité du fait de l’absence d’aluminium (cf. chapitre II). La première filière est suivie notamment par quelques laboratoires allemands tels que le Ferdinand-Braun-Institut (FBH) qui valorise ses composants en les commercialisant par le biais de sa « spin-off » Eagleyard Photonics. Actuellement, ce laboratoire a démontré les meilleures performances mondiales pour les composants à 780 nm [28] et 852 nm [29] que ce soit en terme de puissance optique (plus de 250 mW) ou en termes de finesse spectrale (< 500 kHz) pour les lasers DFB. Néanmoins, comme nous venons de le dire, la présence d’aluminium dans la structure, notamment dans la zone active du laser, peut engendrer des dégradations rapides des composants et nuire à leur fiabilité. Il existe bien entendu d’autres sociétés développant des diodes lasers aux deux longueurs d’onde : en Allemagne, la société Nanoplus GmbH développe des structures ayant un réseau latéral, ce qui a l’avantage d’éviter les reprises d’épitaxie étant donné que le réseau est gravé sur le ruban servant de guide d’onde. L’originalité de cette technique présente néanmoins l’inconvénient d’avoir de fortes pertes optiques et donc une faible puissance d’émission (de 5 à 10 mW). Il existe également la société japonaise Yokogawa, développant des lasers DBR (Distributor Bragg Reflection), CST en Ecosse et Modulight en Suède. Quant aux Etats-Unis, JDS Uniphase (qui a racheté la société SDL) propose des diodes lasers Fabry-Perot utilisables dans les cavités étendues à 852 nm.

Enfin, le III-V Lab propose depuis 2006 des diodes lasers émettant à 852 nm pour le pompage du Césium et développe des diodes émettant à 780 nm, sujet principal de cette thèse.

La source laser la plus courante dans les laboratoires à ces longueurs d’onde est le laser en cavité étendue qui présente de faibles largeurs de raie pour des puissances optiques de l’ordre de 30 à 70 mW.

Figure I.4-2 : Schéma de principe d'un laser à cavité étendue

Un laser en cavité étendue (LCE) est composé d’une diode Fabry-Perot, monomode transverse et multimode longitudinal (voir chapitre II et III), ayant une très faible réflectivité sur la facette de sortie de la diode (et donc une forte réflectivité sur l’autre facette de la diode). Le faisceau émis traverse un filtre interférentiel qui vient sélectionner la longueur d’onde voulue (en l’occurrence 780 nm) et renvoie partiellement le faisceau dans la diode laser afin d’amplifier l’émission à cette longueur d’onde bien précise.

Comme nous le verrons plus tard dans le chapitre III, la largeur de raie du laser dépendant de la longueur de la cavité formée par la diode et la lame semi-réfléchissante, elle est donc relativement faible, comprise entre 10 kHz et 100 kHz.

Pour des expériences ne nécessitant pas une grande puissance (détection, préparation), la puissance émise par le LCE, de l’ordre de 30 à 70 mW, est généralement suffisante. Néanmoins, dans le cadre

d’expériences nécessitant des puissances optiques supérieures à celles émises par le LCE, il est nécessaire d’ajouter un amplificateur optique. Actuellement, deux types d’amplificateurs sont utilisés dans les laboratoires : l’utilisation d’une diode laser injectée optiquement et l’utilisation d’un amplificateur optique en semiconducteur intégré dans un dispositif MOPA (Master Oscillator Power Amplifier). Les diodes lasers injectées optiquement par le LCE (appelées diodes esclaves) montrent une bonne qualité de faisceau et permettent de délivrer des puissances de l’ordre de 200 à 300 mW. Néanmoins, il existe une compétition de gain dans la diode esclave, entre son mode propre et celui injecté, issu du laser maître (typiquement un laser LCE ou un laser DFB).

Pour les dispositifs de type MOPA, l’amplificateur n’a pas de problème de mise en phase du fait de son absence de cavité. Ces dispositifs peuvent délivrer des puissances allant jusqu’à 1 ou 2 W mais avec une qualité de faisceau dégradée, ce qui nécessite une remise en forme du faisceau de sortie. Néanmoins, dans le cadre d’une spatialisation des horloges atomiques au Cs, l’utilisation des LCE est plus compliquée au vu de l’instabilité mécanique et vibrationnelle de ses composants. Ainsi, l’utilisation d’une diode laser à contre-réaction répartie (DFB), objet monolithique, en remplacement des LCE, est une bonne alternative. De plus, dans le cadre des activités spatiales, la consommation électrique des composants doit être la plus faible possible, ce qui favorise également l’utilisation de diodes lasers DFB. Rappelons que ces composants ont des puissances optiques supérieures à la centaine de mW et des largeurs de raie inférieures au MHz rendant possible leur utilisation dans les dispositifs de type horloges atomiques.