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II. Luminescence persistante et imagerie optique

2. Cahier des charges

Travailler en milieu biologique engendre de multiples contraintes qu’il faut prendre en compte lors de l’élaboration d’une sonde pour de l’imagerie optique. Les contraintes peuvent être dues aux sondes optiques utilisées (photoblanchiment, clignotement dû à l’émission de photons de la sonde qui peut osciller aléatoirement entre plusieurs états dont l’émission est différente, toxicité 37…) mais aussi aux milieux biologiques eux-mêmes. Trois grandes restrictions vont limiter l’utilisation de l’imagerie optique : l’autofluorescence des tissus, l’absorption et la diffusion de la lumière par les tissus. Elles sont résumées schématiquement Figure 1.7 38. Ces phénomènes tendent à diminuer l’intensité du signal émis et à augmenter le

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bruit de fond. Enfin, la dernière contrainte est un verrou technologique dû aux systèmes de détection employés. Ces différents points sont détaillés ci-après.

Figure 1.7 : Schéma illustrant les possibles interactions entre la lumière et les tissus biologiques. La source d’excitation est représentée par les flèches bleues, le fluorophore par l’étoile rouge et son émission par les flèches rouges. Le signal, provenant de la source d’excitation ou de la sonde, peut

être atténué par des phénomènes de diffusion (flèches vertes et étoiles vertes pour les centres diffusant), par l’autofluorescence due à la présence de fluorophores endogènes (étoile et flèche marron), ou par l’absorption des tissus (cercle violet et croix noire). Ces différents phénomènes

contribuent à la diminution du signal (traduit par un affinement des flèches). Adapté d’Hong et al. 38

. a. Autofluorescence des tissus

Les tissus contiennent des substances fluorescentes appelées fluorophores endogènes comme la protoporphyrine IX, la chlorophylle, l’élastine, le collagène… L’excitation de la sonde luminescente provoque aussi l’excitation de ces fluorophores endogènes. Il est alors difficile dans certains cas de distinguer le signal de la sonde de celui du tissu que l’on assimilera au bruit de fond. Comme pour tout fluorophore, l’excitation des composants fluorescents endogènes n’est pas équivalente sur l’ensemble du spectre.

La Figure 1.8 présente la relation entre le phénomène d’autofluorescence et les longueurs d’ondes d’excitation et d’émission des composants endogènes 39

. Lorsque les tissus sont illuminés dans le bleu, on observe une forte autofluorescence de la peau et des viscères. En utilisant un filtre rouge, l’autofluorescence de la vessie et de la vésicule biliaire est diminuée mais reste importante dans l’intestin grêle. Seule l’utilisation d’un filtre infrarouge permet d’atténuer toute autofluorescence provenant des tissus.

Pour éviter le phénomène d’autofluorescence, il faut travailler dans la mesure du possible dans le proche infrarouge afin d’augmenter le rapport signal sur bruit de fond ou avec des sondes qui ne nécessitent pas une excitation en continue.

Tissus biologiques

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Figure 1.8 : Autofluorescence des tissus selon les longueurs d’onde d’excitation et d’émission utilisées. a) Image en lumière blanche d’une souris après sacrifice, les flèches indiquent la vésicule biliaire (GB), l’intestin grêle (SI) et la vessie (BI). L’autofluorescence des tissus lors de l’utilisation de

trois dispositifs de filtres d’émission/excitation différents : b) Filtre vert/rouge (525 – 555 nm/590 – 650 nm) ; Filtre bleu/vert (460 – 500 nm/505 – 560 nm) ;

Filtre proche infrarouge (725 – 775 nm/790 – 830 nm). Adapté de Frangioni 39.

b. Fenêtre de transparence des tissus

Avant d’évoquer les fenêtres de transparence des tissus, il convient de définir les domaines de longueurs d’onde au-delà du domaine du rouge qui vont nous intéresser par la suite. En effet, par abus de langage les termes « proche infrarouge » et « infrarouge » ne sont pas employés à bon escient dans certaines publications de bio-imagerie. Pour des longueurs d’onde comprises dans le domaine du rouge du spectre électromagnétique et jusqu’à environ 800 nm on parle de rouge profond, entre 800 nm et 3000 nm il s’agit du proche infrarouge et au-delà 3000 nm on parle d’infrarouge.

L’absorption par les tissus dépend à la fois de leur composition et de la longueur d’onde du faisceau les traversant 40,41

(Figure 1.9).

Le corps humain est constitué à 70 % d’eau, 15 % de lipides et 6 % de sang. L’hémoglobine (principal composant du sang) et les lipides absorbent fortement dans le visible, mais cette absorption diminue dans la zone « rouge » (650 – 800 nm) du spectre électromagnétique. L’eau possède deux pics d’absorption aux environs de 980 nm et de 1450 nm délimitant des zones peu propices à l’imagerie optique. Ces bandes d’absorption permettent de définir trois fenêtres de transparence (FB) des tissus :

- FB I : entre 650 et 950 nm, dans le domaine du rouge profond principalement - FB II : entre 1000 et 1350 nm, dans le domaine du proche infrarouge

b) a)

d) c)

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- FB III : entre 1500 et 1800 nm, également dans le domaine du proche infrarouge.

Figure 1.9 : Courbes d’absorbances des principaux composants du corps (eau, lipide et sang) et

délimitation des trois fenêtres de transparence (FB). Adapté de Weissleder 40 et de Smith et al. 41.

Pour pouvoir réaliser de l’imagerie des tissus profonds (profondeur supérieure à 0,5 cm), il est nécessaire de se placer dans l’une de ces trois fenêtres de transparence des tissus.

c. Diffusion dans les tissus

Lorsque les photons pénètrent les tissus biologiques ils peuvent subir des phénomènes de diffusion de la lumière, dus à l’hétérogénéité des indices de réfraction des différents composants des tissus biologiques. Ce phénomène se produit lorsque l’ hétérogénéité est faible par rapport à la longueur d’onde (modèle de Rayleigh) ou lorsqu’elle est égale en taille à la longueur d’onde (modèle de Mie) 42,43

. Un photon diffusé est dévié de la direction parallèle à son axe incident ce qui entraîne une rapide perte de la cohérence de la lumière émise par la sonde. Expérimentalement on observe une perte de l’intensité du signal et une augmentation du bruit de fond ce qui peut rendre la localisation de la sonde au sein du petit animal difficile.

Des mesures empiriques du coefficient de diffusion des tissus par la lumière avec différentes longueurs d’onde (Figure 1.10) montrent que pour quasiment tous les composés biologiques, la diffusion est inversement proportionnelle à la longueur d’onde 38

.

Ainsi, dans les applications biomédicales, on préféra l’utilisation de sondes émettant dans le rouge profond et l’infrarouge qui permettent de faciliter l’imagerie de tissus profonds.

BW I BW II BW III 650 - 9 5 0 nm 1000 - 13 50 nm 1500 - 18 00 nm FB I FB II FB III

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Ces domaines de longueur d’onde limitent les phénomènes de diffusion et permettent un bien meilleur rapport signal sur bruit.

Figure 1.10 : Coefficient de diffusion de différents tissus biologiques dans le domaine du visible et du proche infrarouge. Superposition des différentes fenêtres de transparence des tissus.

Adapté d’Hong et al. 38.

d. Verrous technologiques

Nous avons vu jusqu’ici, que pour être dans des conditions optimales d’imagerie optique, il faut que l’émission de la sonde employée se situe dans l’une des trois fenêtres de transparence des tissus. Le nombre de photons susceptibles d’être détectés est alors augmenté. Cependant, il faut, en plus des limitations dues à l’environnement, prendre en compte les limitations des outils de détection utilisés (Figure 1.11) 41.

Figure 1.11 : Rendement quantique des détecteurs Si et InGaAs. Superposition des différentes fenêtres

de transparences des tissus. Adapté de Smith et al. 41.

Visible FB I FB II + FB III

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En effet, le rendement quantique, qui définit l’efficacité, (rapport entre le nombre total de photons reçu et le nombre de photons réellement détecté) d’un détecteur à base de silicium décroit fortement à partir de 800 nm. Ces détecteurs, classiquement utilisés dans les laboratoires de recherche biomédicale, ne sont donc pas adaptés pour des sondes émettant dans le proche infrarouge. Il faut alors utiliser des détecteurs constitués d’arséniure de gallium et d’indium (InGaAs), actuellement très peu développés dans le domaine civil, leur usage ayant été longtemps réservé au domaine militaire.