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La caféine comme potentiel traitement de la Maladie d'Alzheimer

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Chapitre 1 : Introduction

II- Les récepteurs à adénosine

4- La caféine comme potentiel traitement de la Maladie d'Alzheimer

Comme pour la maladie de Parkinson, beaucoup d’études sont basées sur la molécule de caféine. Ce psychostimulant contenu dans le café est connu pour sa capacité à moduler des fonctionnements comportementaux tels que la vigilance, l’attention ou encore l’humeur ainsi que l’amélioration cognitive.86 Depuis plusieurs années, il a été prouvé le rôle prépondérant de la caféine pour

l'amélioration de la mémoire et de l'apprentissage à travers différents tests comportementaux.119

C'est ainsi que de nombreuses études ont décrit le lien entre la consommation de café, le déclin cognitif et la maladie d'Alzheimer. En effet, plusieurs études épidémiologiques ont prouvé que des

116 Shook B.C. et al., ACS Chem. Neurosci., 2011, 2, 555-567

117 M. Morelli, et al., Handb. Exp. Pharmacol., 2009, 193, 589–615

118 Petzer J.P. et al., Neurotherapeutics, 2009, 6, 141–151

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personnes buvant entre 3 et 5 tasses de cafés par jour (~300 mg/j) présentaient moins de risques de développer la MA (estimé à 65%) que ceux qui en consomment peu ou pas.120 De même, cette prise

de café est associée à une diminution du déclin en ce qui concerne la mémoire verbale et visuelle chez les personnes de plus de 65 ans. De manière très intéressante, il a été prouvé lors d'autopsie, qu'une personne consommant cette quantité de café au cours de sa vie présentait beaucoup moins de lésions liées à la MA, de lésions ischémiques microvasculaires, de corps de Lewy ou encore d'atrophie généralisée.121

Il est maintenant bien établi que l’effet exercé par la caféine dans le cerveau dépend de sa capacité à bloquer les récepteurs A2A et A1. De plus durant le vieillissement, il a été demontré une surexpression

du récepteur A2A, son expression étant deux fois plus importante chez un rat âgé que chez un jeune

rat. Cette surexpression, observée dans les cellules microgliales de l'hippocampe et du cortex cérébral, se traduit par un déficit comportemental notamment une perte de mémoire spatiale.122 De

ce fait, l’utilisation d’antagonistes de ces récepteurs, aussi bien naturelle comme la caféine que synthétique apparait comme une solution pour le traitement de la MA.

Si le mécanisme d’action de ce récepteur reste à prouver, plusieurs évidences tendent à montrer le lien entre ce récepteur à adénosine et les pathologies Tau et Amyloïde.123

4-1- A

2A

et la pathologie amyloïde

Dans un premier temps, le lien entre la pathologie amyloïde et le récepteur A2A a dû être

prouvé. Pour cela, des études ont été réalisées sur des souris transgéniques présentant la mutation "Swedish" (APPSw), qui se traduit par une surexpression du précurseur APP. La caféine, mise en solution dans l'eau, est donnée aux souris pendant une période de 4 à 9 mois avec pour concentration 300 mg/L d’eau bue, correspondant environ à 500 mg/jour de caféine pour un humain, soit l'équivalent de 5 tasses. 124 Des tests de mémoire ont montré une amélioration significative par

rapport aux souris transgéniques sans caféine ajoutée. De plus, il a été observé une diminution de la charge amyloïde au niveau de l'hippocampe (Aβ40 et Aβ42) et une réduction de l'expression de la β-

sécrétase et de la Presenillin 1.Bien que la densité des récepteurs n'ait pas diminué, la concentration d'adénosine est redevenue normale.De manière importante, il a aussi été constaté qu’à un stade avancé de la pathologie (18 mois), un traitement de 4 semaines par la caféine renverse le déficit mémoriel et réduit la charge amyloïde.125 Pour être plus complet, des études ont montré qu'une

prise aigue de caféine réduit rapidement le taux d’Aβ chez des souris jeunes et âgées. Une prise

120 Eskelinen M.H. et al., J.Alz. Dis., 2009, 16, 85-91

121 Gelber R.P. et al., J.Alz. Dis., 2011, 23, 607-615

122 Diogenes M.J. et al., Neuropsychopharmacology, 2011, 36, 1823-1836

123 Kolahdouzan M. et al., CNS Neurosci. Ther., 2017, 23, 272–290

124 Arendash G.W. et al., Neuroscience, 2006, 142, 941–952

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chronique de caféine, montre pour sa part, aussi bien une diminution d'Aβ soluble que du dépôt qui s’est formé dans différentes régions du cerveau.126 De plus, dans des modèles de souris A

2A KO,

l'administration d’Aβ ne cause pas de déficit d'apprentissage ou une synaptoxicité (figure 19).

Figure 19 : Représentation de l’effet de la caféine pour la pathologie amyloïde126

Plus récemment, des études sur un autre modèle souris d’amyloïdogenèse (APP/PS1) ont montré l’implication du A2AR.127 Cette mutation entrainerait un déficit de mémoire dû à une augmentation du

récepteur A2A qui serait restauré par l’action d’antagonistes de ces récepteurs.

Enfin, les effets neuroprotecteurs induits par ces antagonistes protègeraient de la toxicité d’Aβ. Cela proviendrait d’une part, de la capacité du récepteur à contrôler la production de radicaux libres ainsi que l'excitotoxicité du glutamate et d’autre part, à limiter la réponse pro-inflammatoire régulée par les microglies.128 Aussi, PM Cana129 a mis en évidence que le contrôle de cette neurotoxicité par le

récepteur A2A se ferait par la phosphorylation de la p38 MAPK qui ne serait ainsi plus activée par Aβ.

Enfin, une déficience mémorielle causée par l'administration de scopolamine (un antagoniste cholinergique des récepteurs muscariniques) a été limitée par la prise de caféine. 130 Cela confirme

l'hypothèse selon laquelle les récepteurs à adénosine peuvent aussi corriger l'hypofonctionnement cholinergique, associé à une perte de mémoire.

126 Arendash G.W. et al., J. Alz. Dis., 2010, 20, 117–126

127 Viana da Silva S. et al., Nature com., 2016, 7, 11915

128 Almeida C.G. et al., Neurosci. Lett., 2003, 339, 127–130

129 Canas P.M. et al., J. Neurosci., 2009, 29, 14741–14751

130 Rodrigues R.J. et al., Neurobiol. Aging, 2008, 29, 1597–1601

Résultats

- Aβ augmente dans le cerveau - Déficit de mémoire

- Moins de Aβ formé dans le cerveau - Protection de la mémoire

- Diminution du risque de la MA

- Moins de Aβ formé dans le cerveau - Elimination de Aβ

- Elimination des troubles de la mémoire

- Traitement de la MA Jeune adulte Age Avancé Pas modifié Traitement long-terme avec caféine Traitement Caféine après MA

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4-2- A

2A

et la pathologie Tau

Peu de corrélations entre A2A et la pathologie tau sont répertoriées. Ce n’est que très récemment

que D. Blum a montré le rôle du A2AR sur la pathologie tau.131 Ses études ont porté sur l'observation

de souris THY-Tau22 (modèle de souris pour l’agrégation tau) présentant un déficit de mémoire. Alors que la suppression du A2AR ne conduit pas à des changements en terme d'apprentissage et de

mémoire chez les animaux WT, la suppression du gène codant pour le A2AR a permis une protection

contre les déficits de mémoire spatiale. En effet, une thérapie orale utilisant un antagoniste A2AR a

montré une amélioration de la mémoire même après le début de la pathologie. Cela supporte l’idée que ces antagonistes peuvent être efficaces pour prévenir mais aussi pour inverser les déficits. De plus, alors qu’une diminution de la phosphorylation de la protéine Tau chez les souris THY-Tau22 en présence de MSX-3 (antagoniste A2A) est montrée, aucune modification sur l’agrégation de ces

protéines n’a été observée. L’amélioration de la mémoire semble donc être principalement due au changement d’état de phosphorylation dans ce cas présent. Cette diminution serait la conséquence d’une inhibition de la kinase GSK3β qui va être phosphorylée et donc inactive pour phosphoryler la protéine Tau.

De plus, cette diminution entrainerait une réduction de la neuro-inflammation de l'hippocampe. En effet, il est connu que l’activation de cytokine pro-inflammatoire entraine une hyperphosphorylation de la protéine via l’activation de différentes kinases. Dès lors, l’action d’antagonistes modulerait ces kinases et donc la libération de facteurs pro-inflammatoires. Aussi, le blocage de ces récepteurs permettrait une régulation de la libération du glutamate. En effet, au niveau des synapses, une légère mais significative augmentation du taux de glutamate est observée chez ces souris transgéniques. En bloquant le récepteur A2A, une augmentation de la concentration de GABA a été

observée, permettant une normalisation du ratio glutamate/GABA. Cette normalisation permet une neuroprotection associée à une amélioration de la mémoire. Le poteniel bénefique des antagonistes A2ARsur la pathologie tau a été récemment appuyé par Zhao ZA.132

Le blocage des récepteurs A2A s'avère donc être une piste thérapeutique très intéressante pour le

traitement de la MA. Comme il a été montré au cours de ce chapitre, la capacité de la caféine ou d'autres antagonistes du A2AR à améliorer le dysfonctionnement mémoriel, se fait sous différentes

conditions pathologiques. Cela semble donc indiquer que ce récepteur peut avoir un impact sur la préservation de la mémoire de manière générale sans cibler sélectivement un mécanisme

131 Laurent C. et al., Molecular Psychiatry, 2016, 21, 97-101

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pathologique précis de la MA, mais en ciblant plusieurs mécanismes (figure 20)133 ce qui rend ce

récepteur particulièrement intéressant pour le traitement de cette maladie multifactorielle..

Figure 20 : Différents mécanismes d'action de la caféine pour la MA133

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