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Le cadre théorique d’analyse

LES INSTITUTIONS DU MARCHE DU TRAVAIL ET L’EMPLOI

2.4. LES POLITIQUES ACTIVES DE L’EMPLOI

2.4.1. Le cadre théorique d’analyse

L’efficacité de ces politiques fait l’objet de deux types d’évaluation. D’une part les évaluations micro-économiques cherchent à apprécier les effets sur les publics cibles ainsi que les effets directs nets sur le marché du travail. D’autre part, les évaluations macroéconomiques portent sur les effets globaux en termes d’emploi, de chômage, d’équilibre macro-économique. Ce second type d’évaluation est directement lié à la recherche d’explications des différences de chômage et des différences de fonctionnement des marchés du travail.

L’évaluation macroéconomique des politiques actives du marché du travail s’appuie principalement sur deux outils théoriques complémentaires : le modèle de Layard et Nickell (1986) ou modèle WS/PS (wage setting/price setting), et la courbe de Beveridge.

Le modèle de Layard et Nickell fournit le cadre d’une analyse en termes de chômage d’équilibre. Il suppose que les firmes fixent leurs prix et que la détermination du salaire est non concurrentielle.

Pour simplifier, la population active est considérée comme donnée, ce qui signifie que l’offre de travail est supposée totalement rigide à l’égard du salaire réel.

GRAPHIQUE 2.7. LE MODELE DE LAYARD ET NICKELL

Source : Calmfors (1994)

Le modèle peut être représenté à partir d’une courbe d’emploi (employment schedule) et d’une courbe de formation des salaires (wage setting schedule). La courbe d’emploi représente le nombre de travailleurs que les firmes souhaitent employer en fonction du salaire réel. Ce nombre dépend de la technologie, du stock de capital, des taxes sur les salaires et de la concurrence sur le marché des produits. La courbe de formation des salaires représente le salaire fixé lors des négociations en fonction du niveau d’emploi. Elle dépend des opportunités d’emploi extérieur pour les travailleurs et de licenciement pour les firmes, ainsi que du pouvoir de négociation de chacune des parties. Puisque les employeurs et les syndicats tiennent compte dans la négociation collective des effets attendus du niveau du salaire sur l’emploi, la courbe de formation de salaires n’est en principe pas indépendante de la courbe d’emploi (graphique 2.7).

Le niveau d’emploi et le salaire réel d’équilibre correspondent à l’intersection des deux courbes. Par différence avec la population active, c’est-à-dire le plein emploi, on détermine donc le niveau de chômage d’équilibre. En réalité cependant, les emplois ne sont pas tous pourvus tout le temps.

La courbe de Beveridge cherche de son côté à rendre compte de la coexistence sur le marché du travail d’emplois vacants et de chômeurs. Elle représente l’ensemble des combinaisons du taux de vacance d’emplois (nombre d’emplois vacants divisé par la population active) et du taux de chômage telles que l’égalité entre flux d’entrée au chômage et flux de sortie du chômage soit vérifiée. Pour un niveau d’emploi donné, plus le taux d’emplois vacants augmente, plus la probabilité pour un chômeur de trouver un emploi augmente et donc plus le taux de chômage est faible (graphique 2.8). La courbe de Beveridge indique donc le degré d’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail.

GRAPHIQUE 2.8. LA COURBE DE BEVERIDGE

Pour analyser les politiques actives, Calmfors (1994) a légèrement modifié la courbe de Beveridge et le modèle de Layard et Nickell afin de distinguer les emplois créés par la politique active des emplois normaux (regular employment). C’est ce qu’illustre le graphique 2.9.

GRAPHIQUE 2.9. ADAPTATION DU CADRE DE LAYARD ET NICKELL

Source : Calmfors (1994)

Le cadre théorique ainsi redéfini permet de distinguer et d’identifier six principaux effets de la politique de l’emploi (Calmfors 1994, OCDE 1993).

– Effet sur l’adéquation des offres et des demandes d’emploi (matching effect)

L’un des objectifs de la politique active de l’emploi est d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail. Par les programmes de formation, de reconversion et par le service public de l’emploi, le nombre d’emplois vacants pourrait être réduit pour un nombre donné de demandeurs d’emploi. Cela signifie que la courbe de Beveridge se déplace vers l’origine. Ce déplacement peut alors influer sur l’équilibre du marché du travail en modifiant la position des courbes d’emploi et de formation des salaires dans le modèle de Layard et Nickell. D’une part, si les offres d’emploi sont satisfaites plus rapidement, le coût total d’un niveau de main-d’œuvre se trouve réduit, ce qui peut inciter les entreprises à embaucher davantage : la courbe d’emploi se déplace vers la droite. D’autre part, la réduction du nombre d’emplois non pourvus tend à atténuer les pressions à la hausse des salaires pour attirer les travailleurs : la courbe de formation des salaires se déplace vers le bas. Ces deux effets se conjuguent pour accroître l’emploi normal.

– Effet sur la productivité de la main-d’œuvre

Le chômage est susceptible d’altérer la productivité dans la mesure où les chômeurs ne peuvent mettre à jour leurs compétences et perdent leurs habitudes de travail, surtout dans le cas d’un chômage de longue durée. Un objectif de la politique active de l’emploi est précisément d’accroître la productivité de la main-d’œuvre, ou de neutraliser les effets négatifs du chômage. Dans la mesure où il y a réellement une augmentation de la productivité, la courbe d’emploi peut se déplacer vers la droite, ce qui favorise la croissance de l’emploi normal. Cet effet est cependant très incertain, l’accroissement de la productivité pouvant aussi permettre de conserver le même volant de main-d’œuvre.

– Effet sur la population active

Le chômage tend à réduire l’offre de travail, surtout lorsqu’il est de longue durée. Les travailleurs découragés, les travailleurs âgés qui peuvent bénéficier de dispositifs de sortie anticipée d’activité peuvent renoncer à se maintenir dans l’activité. Les personnes susceptibles d’entrer sur le marché du travail peuvent également y renoncer lorsque le niveau du chômage est élevé. Les politiques active du marché du travail peuvent alors maintenir dans l’activité d’une fraction de la population active.

L’augmentation ou le maintien de l’offre de travail permet d’intensifier ou de conserver la concurrence pour l’obtention des emplois, ce qui contribue à la modération salariale. La courbe de formation des salaires se déplace donc vers le bas, ce qui joue en faveur d’une augmentation de l’emploi. Toutefois la situation sur le marché du travail se détériore aussi puisqu’une plus forte proportion de la population active est soit au chômage soit impliquée dans des mesures actives.

– Effet sur la concurrence au sein du marché du travail

Les programmes de formation peuvent favoriser la concurrence entre les candidats à l’embauche et les travailleurs employés et donc exercer une pression à la modération des salaires. La courbe de formation des salaires se déplace alors vers le bas, d’où un accroissement de l’emploi normal.

– Effets de substitution et d’aubaine (crowding out or displacement effect)

Ces effets concernent principalement les programmes de créations d’emplois et d’aide à l’embauche de différentes catégories de chômeurs. Les effets d’aubaine (ou les pertes sèches, selon Calmfors 1994) correspondent à des embauches qui auraient eu lieu même en l’absence de mesure en faveur du groupe cible. L’effet de substitution correspond au remplacement par les employeurs d’une certaine catégorie de travailleurs par une autre, en raison de la modification des coûts salariaux relatifs. Effets d’aubaine et de substitution se traduisent par un déplacement vers l gauche de la courbe de l’emploi, ce qui tend à réduire l’emploi normal et la diminution du chômage.

– Effet sur les salaires (indirect crowding out effect)

Enfin, les politiques actives peuvent avoir un impact négatif sur les salaires dans la mesure où la participation aux programmes permet un revenu de remplacement plus élevé, une meilleure

Compte tenu de la complexité des effets induits par la politique active de l’emploi, l’effet net sur l’emploi ne peut être déterminé à partir des seuls arguments théoriques. Il est donc nécessaire d’examiner les résultats des travaux empiriques.