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A.1. Problématique

Nous l’avons vu, la pratique des ateliers d’écriture a suscité et suscite encore un vif engouement. Cet engouement constant a fait se multiplier les publications sur le sujet, particulièrement celles consacrées à l’animation. En effet, plus d’une trentaine d’ouvrages se met à la disposition du grand public, souvent sous forme de « mode d’emploi » à l’animation d’ateliers d’écriture, passant du rôle de l’animateur au recueil de propositions, sans oublier un détour capital par les effets attendus et reconnus d’un tel travail.

Notamment grâce au travail qu’Élisabeth Bing a mené avec des enfants en difficulté et qu’elle a exposé dans son livre … Et je nageai jusqu’à la page, les ateliers d’écriture se sont propagés aux structures thérapeutiques comme les instituts médico-éducatifs (IME) ou les centres médico-psychologiques (CMP).

C’est justement grâce à un stage dans un CMP que j’ai eu la chance d’assister et de participer à deux ateliers d’écriture animés par deux orthophonistes d’une part, une orthophoniste et une psychologue d’autre part.

Grâce à Sandrine Jaubert, co-directrice de ce mémoire, des pistes de réflexion générale sur un parallèle entre les ateliers d’écriture et le travail de l’écrit en séance individuelle orthophonique ont germées… Au fil des discussions, Christian Bellone, adepte des ateliers d’écriture et directeur de ce mémoire, nous a orientée vers l’étude d’un travail d’écriture « comme en atelier » en séance individuelle orthophonique, une expérience que tous deux ont adoptée en séance et que nous avons eu envie d’expérimenter.

Nous nous sommes donc penchés sur la littérature existante à la recherche d’expériences de propositions d’écriture en séance orthophonique individuelle.

Au fil des pages et des ouvrages que nous avons feuilletés, qu’ils parlent d’ateliers ludiques ou thérapeutiques, nous n’avons rien trouvé de plus que quelques lignes sur le sujet…

Quelques mémoires d’orthophonie se sont penchés sur les effets des ateliers d’écriture thérapeutiques en orthophonie96 mais il n’existe pas - à notre connaissance - de réel ouvrage sur les propositions d’écriture en séance orthophonique individuelle. La notion d’atelier semble intrinsèquement liée à celle du groupe, au-delà du son contenu.

À la vue de ce constat, plusieurs questions s’imposent alors à nous :

- Serait-il possible d’adapter le fonctionnement d’un atelier d’écriture collectif au cadre de la séance individuelle ? Si oui, comment ?

- Les patients en tireraient-ils les mêmes bénéfices ?

Nous prenons le parti de dire « oui ».

A.2. Hypothèse

Nous formulons alors l’hypothèse suivante : la proposition d'écriture serait en elle-

même un outil thérapeutique utilisable en séance orthophonique.

L’orthophoniste pourrait reprendre les quatre grands principes fondateurs des ateliers d’écriture – à savoir : proposition d’écriture, temps d’écriture, lecture orale, phase de retours – et les adapter au cadre de la situation duelle. Qu’ils portent sur le plaisir d’écrire, sur le réinvestissement de l’écrit comme un moyen et non une fin, sur l’amélioration de l’expression de la pensée et de l’imagination, ou sur l’augmentation de l’estime de soi ; nous pensons que les bénéfices prêtés aux ateliers d’écriture se retrouveront dans le cadre de la relation duelle, malgré l’absence du groupe.

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BRIGANTI G. Expérience d’un atelier d’écriture en orthophonie, Mémoire présenté pour l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste, Nice 2004

Nous l’avons vu, écrire relève d’un apprentissage très long, amorcé depuis la grande section de maternelle. Nous avons compris également qu’il ne s’agit pas seulement d’un

savoir écrire mais aussi d’un pouvoir écrire, rendu possible par certaines conditions

d’accès à l’écrit :

- La présence d’un Autre, qui enveloppe l’enfant de ses soins et de ses paroles, lui permettant ainsi de l’imiter pour entrer en communication

- L’intégration des interdits et donc la possibilité de se soumettre aux lois, aux règles qu’impose l’écriture

- La qualité du processus de symbolisation, rendu possible par la séparation d’avec la mère, remplaçant ainsi l’objet par le symbole

Les groupes thérapeutiques ont été créés pour restaurer ces fonctions du Moi souvent altérées par un milieu familial « dysfonctionnel » comme le dit SLAVSON.

L’atelier d’écriture, sans être un groupe thérapeutique au sens psychanalytique du terme, est une démarche qui a des « effets thérapeutiques », nous l’avons vu.

Or, les enfants que nous recevons en orthophonie sont souvent issus de ces familles « dysfonctionnelles », ce qui influe sur la mise en place de ces conditions, souvent à l’origine d’un trouble du langage écrit.

Si une proposition d’écriture suscite le désir d’écrire, on peut penser qu’il est aussi possible de vivre ce désir dans une proposition à deux.

Si chaque champ d’écriture a un effet singulier sur le sujet et son écriture ; si une proposition « mémoire » permet une plus grande implication de soi dans l’écriture, si une proposition « imaginaire » permet de nourrir et faire grandir l’imagination, si une proposition « réel » permet d’affiner pas à pas le choix des mots et leur organisation ; on peut penser qu’il est aussi possible d’emprunter ces chemins en séance individuelle. Si, au fil des propositions, le sujet est amené à découvrir son écriture singulière ; pourquoi ne serait-ce pas aussi possible de la découvrir en séance.

Si les retours sur les textes, par leur justesse et leur richesse, amènent la revalorisation de l’écrivant ; même s’ils sont évidemment moins riches qu’en groupe puisqu’émanant d’une seule personne, une fois encore, nous pouvons penser qu’il est tout aussi possible de les entendre comme de les dire en relation duelle.

S’il n’y a plus de groupe, on peut être en mesure de se demander si la nature de ces retours, forcément moins riches, aiderait vraiment l’enfant à prendre conscience de cette altérité dans l’écriture.

Nous avons donc demandé aux orthophonistes, au moyen d’un questionnaire, les effets qu’ils prêtent aux ateliers d’écriture, comment penser à une adaptation possible et pour ceux qui ont tenté l’expérience en libéral, quel « bilan » peuvent-ils nous dresser.

Grâce aux assises théoriques qui nous ont permis d’approfondir la démarche des ateliers d’écriture, à partir des constats amenés par les professionnels concernés par le sujet, et grâce à l’expérience d’une orthophoniste autour de la proposition d’écriture, nous avons voulu mettre en place une expérience de proposition d’écriture auprès d’enfants avec un trouble du langage écrit. Nous vous présenterons cette expérience comme un récit, deux « vignettes cliniques », décrivant chacune de nos étapes et les réactions que nous avons pu percevoir chez les jeunes patients.

Nous avons également voulu savoir ce que les patients avaient pu retirer de cette expérience, et plus généralement, de connaître la représentation qu’ils se font de l’écriture.