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Partie I : Mise au point sur la problématique des opiacés en France : cas du milieu carcéral

B) Soins addictologiques en milieu pénitentiaire

1) Le cadre législatif et la promotion d’une politique nationale de réduction des risques

En France, la prise en charge des addictions, et notamment de la toxicomanie, a été fortement améliorée les trente dernières années, y compris à l’intérieur des établissements pénitentiaires grâce aux actions mises en place par les pouvoirs publics.

− Sur le plan médicamenteux :

Les autorisations de mise sur le marché (AMM) de la méthadone (mars 1995) et du Subutex® (juillet 1996) ont ouvert l’accès aux traitements substitutifs aux opiacés en France ; elles ont été complétées, entre mars 2006 et janvier 2011, par les AMM de cinq produits génériques de la

66 BHD, puis, en septembre 2007, de l’AMM accordée à la formulation en gélule de la méthadone et enfin, en 2012, par l’AMM de l’association buprénorphine-naloxone.

− Sur le plan législatif :

La circulaire n° 293/DGS /DH du 3 avril 1996 préconise la poursuite d’un TSO à l’entrée en détention ainsi que l’initiation d’un TSO pendant l’incarcération pour prendre en charge les addictions et préparer la sortie.

La circulaire n° 739/DGS/DH/AP du 5 décembre 1996, relative à la lutte contre l’infection par le VIH en milieu pénitentiaire, autorise un médecin spécialisé de CSST (centres spécialisés de soins aux toxicomanes) à primo-prescrire la méthadone et énonce les mesures de réduction des risques à mettre en place en prison : dépistage du VIH et des hépatites, mesures d’hygiène et mise à disposition du personnel et des personnes détenues de traitements post-exposition, mise à disposition de préservatifs avec lubrifiant, accès aux TSO et mise à disposition d’eau de Javel pour désinfecter tout matériel en contact avec du sang (matériel d’injection, tatouages et piercings). (115)

Le rapport de la mission santé-justice sur la réduction des risques de transmission du VIH et des hépatites virales en milieu carcéral, DAP/DGS, de décembre 2000, recommande de promouvoir l’accès au TSO, accès estimé à 2 % en 2000.

La note santé-justice (note interministérielle n°474 MILDT/DGS/DHOS/DAP) du 9 août 2001 établit un état des lieux de la prise en charge des addictions en milieu carcéral et un cahier des charges pour tenter de l’améliorer. (116)

La circulaire n° 57/DGS /DHOS du 30 janvier 2002 autorise tout médecin travaillant dans une unité sanitaire à primo-prescrire la méthadone, ce qui a largement facilité l’initiation d’un TSO en prison. (117)

La loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique inscrit la mesure de réduction des risques dans la loi et la politique de réduction des risques a enfin une définition officielle « la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue vise à prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose par injection de drogue intraveineuse et

67 les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie par des substances classées comme stupéfiants », (art. L. 3121-4). Cette loi confère à l’État la responsabilité de définir cette politique (art. L. 3121-3) (118)

Le décret du 14 avril 2005 approuve le référentiel national des actions de réductions des risques en direction des usagers de drogues qui vient compléter le code de santé public.(119)

L’ instruction n°2010-390 DGS /MC2/DGOS /R4/2010/390 du 17 novembre 2010, relative à l’organisation de la prise en charge des addictions en détention, éclaircit les différentes étapes de la prise en charge des addictions et le rôle des différents intervenants en milieu pénitentiaire.(120)

Le gouvernement adopte le 19 septembre 2013 le plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives qui se subdivise en deux : le plan d’action 2013/2015 et le plan d’action 2016/2017. (121) (122). La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), organisme français placé sous l’autorité du Premier Ministre, prépare ce plan et veille à son application sur le territoire. Ce plan a trois priorités : une priorité sécuritaire avec la lutte contre le trafic et la délinquance liés aux consommations de drogues, une priorité préventive et sanitaire concernant les populations usagères de drogues et la jeunesse et une priorité d’innovation avec le travail d’observation, d’épidémiologie et de recherche thérapeutique.

− Sur le plan pratique :

Un guide des TSO en milieu carcéral publié en 2011 énonce, sous la forme de quatorze fiches, les données existantes sur les pratiques en prison et donne la parole aux professionnels de santé exerçant en prison.(114)

2) L’organisation des soins addictologiques en milieu carcéral

Les unités sanitaires ont pour mission de prodiguer des soins et de mettre en place des actions de prévention pour les détenus. La consultation médicale d’entrée (obligatoire sauf refus du détenu) doit permettre de repérer les conduites addictives des entrants en détention et de faire

68 le point sur les prises de risque éventuelles. L’équipe de santé peut ainsi proposer des actions de dépistage, discuter des mesures de réduction des risques disponibles en prison et enclencher une prise en charge thérapeutique pluridisciplinaire. Il convient de réitérer ce repérage tout au long de la détention. (84)

La continuité des soins et des traitements doit être assurée si le détenu était déjà pris en charge pour cette pathologie avant son incarcération (contact avec les structures fréquentées par le détenu ou le médecin prescripteur d’un TSO avant l’incarcération par exemple, contact avec l’établissement pénitentiaire précédent s’il s’agit d’un transfert, récupération d’analyses biologiques, sérologiques, etc.).(52)

L’équipe psychiatrique du dispositif de soins psychiatriques des unités sanitaires participe au repérage, au suivi et à la prise en charge des détenus souffrant de pathologies addictives. En outre, elles peuvent orienter les détenus si leur état de santé le justifie vers l’hospitalisation en secteur psychiatrique (UHSA ou hôpital psychiatrique) ou vers le SMPR.

Les SMPR sont créés en 1985 (lois du 25 juillet 1985 et 31 décembre 1985) et leurs missions initiales, notamment la lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, sont fixées par l’arrêté du 14 décembre 1986 ; ils collaborent avec les unités sanitaires. Les soins addictologiques des personnes incarcérées leurs sont parfois entièrement délégués, notamment par exemple lorsqu’un SMPR est présent dans l’établissement pénitentiaire. Certains SMPR se sont spécialisés dans la prise en charge des addictions, notamment depuis la création des UHSA qui a imposé une redéfinition de leur rôle et missions.

Les CSAPA ont pour mission de réaliser également les actions de prévention et les soins aux personnes atteintes de pathologies addictives. Ils sont nés du regroupement des anciens CSST (centres spécialisés de soins aux toxicomanes) et des CCAA (centres de cures ambulatoires en alcoologie) en 2011. (123) L’orientation d’un détenu vers le CSAPA peut provenir de l’unité sanitaire, du SPIP ou bien du détenu lui-même qui en fait la demande.

D’autre part, conformément au plan d’action stratégique 2010/2014 qui souhaitait renforcer la préparation à la sortie des détenus, l’ARS a désigné un CSAPA référent pour chaque établissement pénitentiaire en France.

69 Les activités d’un CSAPA référent diffèrent fortement d’un établissement carcéral à un autre selon le fonctionnement et la composition de l’équipe de l’unité sanitaire. Comme pour les SMPR, la prise en charge addictologique des détenus leurs est parfois entièrement déléguée.

Avant la sortie de prison, et toujours dans un but de continuité des soins, une consultation médicale doit être organisée (loi pénitentiaire du 25 novembre 2009) ; on remet au détenu ses résultats d’examen et son ordonnance de sortie.

A cette occasion, il est essentiel d’établir des contacts avec les réseaux de prise en charge addictologique et les différents intervenants à l’extérieur (CSAPA, médecins généralistes, pharmacies etc.) pour anticiper et préparer la sortie du détenu. (124) Il est possible par exemple, de prescrire le TSO pour quelques jours afin de permettre au nouveau « libéré » de patienter dans de bonnes conditions jusqu’au premier rendez-vous avec le CSAPA qui prendra la suite du suivi médical du patient ex-détenu.