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Partie I : Mise au point sur la problématique des opiacés en France : cas du milieu carcéral

B) Profil épidémiologique de la population usagère de drogue

2) Des besoins sanitaires importants

La population usagère de drogue est une population fragilisée souvent marquée par une précarité sociale et économique et des comorbidités psychiatriques et infectieuses plus importantes qu’en population générale.

22 ➢ Une population précarisée :

Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (CAARUD), prévus par la loi de santé du 9 août 2004, assurent une mission de réduction des risques et des dommages (RdRD) en France auprès des consommateurs de SPA.

Pour mieux adapter les réponses des pouvoirs publics et du corps médical aux besoins de cette population, la Direction générale de la Santé (DGS) prévoit la réalisation biennale d’enquêtes nationales nommées ENa-CAARUD s’intéressant au profil et à la consommation des usagers de drogues fréquentant les CAARUD. D’après ces enquêtes, en 2015, l’âge moyen de ces usagers est de 38,2 ans, leur profil est souvent marqué par une grande précarité socio-économique notamment chez les jeunes usagers avec 42 % des moins de 25 ans qui connaissent des conditions de vies très dégradées, 20 % d’entre eux sont sans abri, 12 % vivent en squat, 57 % n’ont aucune ressource, légale ou officielle.(12)

Pour les usagers fréquentant les CSAPA (ambulatoires et pénitentiaires), l’OFDT a mis en place un recueil de données nommé RECAP (recueil commun sur les addictions et les prises en charges) qui couvre, pendant la même période, 189 000 patients. Là encore on constate une précarité importante parmi les usagers de drogues : seulement 60 % d’entre eux possède un logement durable ; pour seulement 45 % d’entre eux, leurs ressources financières proviennent d’un emploi ou d’une pension de retraite ou d’invalidité, le reste vivent principalement des différentes prestations sociales, sont sans revenus ou reçoivent de l’argent d’un tiers ; enfin 32 % seulement possèdent un emploi stable et durable. (13). Sur le plan scolaire 65 % des usagers ont un niveau BEP CAP ou inférieur (dont 21 % ont stoppé leurs études après le collège). (13)

➢ Prévalence élevée de pathologies psychiatriques :

Le recueil RECAP 2015 met aussi en avant des comorbidités psychiatriques chez les usagers de drogues plus fréquentes qu’en population générale ; ainsi, 18,7 % d’entre eux ont déjà été hospitalisés en psychiatrie dont environ la moitié 2 fois ou plus, 16 % ont déjà fait une tentative de suicide. (13)

23 ➢ Conduites à risques des usagers de drogues et prévalences élevées des maladies

infectieuses :

Le recueil de données RECAP 2015 met en lumière les comportements à risques des usagers et leurs conséquences. Concernant les modes d’usage, on constate un phénomène de polyconsommation puisque 60 % des usagers des CSAPA ont consommé plus d’un produit dans le mois précèdent l’enquête, dont 23 % environ trois produits ou plus.(13)

Par ailleurs, environ 40 % des usagers de drogues déclarent avoir eu recours à l’injection au cours de leur vie, l’âge moyen de la première injection est 21,8 ans. (13)

Les prises de risques telles que l’injection intraveineuse ou le partage du matériel d’injection ou de sniff sont des pratiques courantes parmi les usagers de drogues.

L’enquête Coquelicot de 2004 menée auprès des usagers de drogues recrutés dans des structures spécialisées, ayant injecté ou sniffé au moins une fois dans leur vie, rapporte que 42 % des participants ne connaissent pas les facteurs de risque de transmission des maladies infectieuses en totalité, surtout les risques liés au petit matériel : ainsi, en 2004, 13 % partagent la seringue, 38 % partagent le petit matériel (coton, cuillère, eau), 74 % réutilisent la même seringue, 81 % partage la pipe à crack et 25 % partage la paille à sniff. En 2011 la réédition de cette même enquête montrait une augmentation des prises de risques avec 26 % des usagers qui partageait la seringue et 43 % le petit matériel. (14) (15)

Les enquêtes ENa-CAARUD montrent que 63 % des usagers avait déjà eu recours à l’injection au cours de leur vie dont 47 % dans le mois précèdent. Le partage de matériel apparait également fréquent à travers ces enquêtes : en 2015, 14 % des usagers partagent la seringue, 24 % partagent au moins un élément parmi l’eau de rinçage, le récipient/cuillère, le coton/filtre et l’eau de préparation. Ces enquêtes ont montré une augmentation significative des prises de risques chez les usagers entre 2008 et 2015. (12)

Les conditions de vie précaires des usagers de drogues, leur manque d’accès aux soins, les pratiques d’injections et de partage de matériel expliquent les prévalences élevées des maladies infectieuses dans la population usagère de drogues.

24 En 2011, la séroprévalence globale du VIH est de 10 % (IC 95 %: [7-12]), celle du VHC atteint 44 % (IC 95 %: [39-48]) chez les usagers de drogues d’après l’enquête coquelicot.(14)

En 2015, 33 % des usagers « injecteurs » déclarent une sérologie VHC positive, chiffre stable depuis 2012 mais qui augmente cependant parmi les moins de 25 ans, et 4,5 % déclarent une sérologie VIH positive, chiffre en baisse depuis 2012. (12)

Ces prévalences sont bien plus élevées qu’en population générale (en 2011 par exemple, la prévalence d’une sérologie hépatite C positive dans la population générale a été estimé à 0,75 % (17).

Les actions de santé, de prévention et de réduction des risques doivent donc être renforcées au sein de la population usagère de drogues.

➢ Conséquences sanitaires et sociales :

Les addictions sont néfastes sur le plan sanitaire et social. Leurs conséquences, tragiques parfois, peuvent être directement liées à un usage excessif de substance comme l’overdose, le coma éthylique, les accidents de la voie publique liés à une conduite sous substance, les accidents domestiques etc.

Certaines substances sont également bien identifiées comme étant des facteurs de risque d’apparition de maladie ; on peut ainsi citer, la BPCO et le cancer broncho-pulmonaire lié au tabagisme, les complications cardiaques et la cocaïne et enfin l’atteinte hépatique et les cancers ORL et l’alcool.

L’usage répété des SPA peut conduire à des troubles psychiques et cognitifs et peut entrainer une déscolarisation ou une désinsertion socio-professionnelle et donc une paupérisation.

Voie commune de toutes les précarités, la prison donne une photographie particulière de l’usage des SPA.