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a Le cadre juridique de l'art de la rue

Lorsque nous parlons de cadre juridique, pour ce qui est du street art, nous nous engageons vers quelque chose de très complexe. En effet, le droit s'intéresse que depuis récemment à ce cas et ces créations, et si aucun établissement de règles spécifiques vis-à-vis de l'art urbain n'a été réalisé, un certain nombre de fondements juridiques s'appliquent à lui.

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La protection des œuvres graffiti dans leur totalité est souvent prise pour cible et discutée. Les deux principales raisons qui font que le street art n'est pas automatiquement inclus dans le domaine du protégeable sont qu'il est illicite, nous l'avons vu précédemment, et éphémère. Ces particularités ne sont pas les deux seules caractéristiques qui font du street art un point d'interrogation pour les juristes s'intéressant à l'art. Il constitue à lui seul une multitude de façons de faire de l'art dans une diversité de productions, de lieux de création, de techniques et d'artistes qui rendent floues les frontières entre l'art et le droit à une époque où l'ampleur du courant implique une prise de position pénale. Cette dernière vise à cadrer les différends probables entre les acteurs gravitant autour du street art tout en sachant qu'il est public, et qu'il concerne également et de plus en plus la majorité des habitants des villes où il se développe. Les principaux cadres juridiques pour le street art sont ceux opposant meuble et immeuble pour le droit des biens. L'objectif est de comprendre si une œuvre réalisée sur un support mural est de ce fait mobile ou immobile. Dans certains cas, l'œuvre peut être déplacée (détachée, découpée,...) et nous savons qu'un bien immeuble, de tradition, est bien mieux protégé puisqu'il s'anoblit (res nobilis)35 tandis que le bien mobile lui, assimilé au commerce, est un objet destiné au déplacement, et donc moins précieux. Encore est-il que se pose la question de la pertinence de ces propos en sachant, pour le street art, que des œuvres déplacées et exposées ont plus de valeur souvent qu'une œuvre fixe, mais qu'en est-il face au droit? Dans un second temps, le street art pose la question de la liberté et de la sécurité. Une loi de 2016, pour la liberté de création, stipule que la création artistique est libre. La liberté d'expression est notamment un des point de revendication de la part des artistes graffeurs. L'art est donc libre mais est-il pour autant protégé et donc protégeable face au vol et à la réutilisation? Finalement, faire de l'art dans la rue est un acte illégal certes, et par ce biais puni par la loi, nous l'avons vu. Cependant, le droit français stipule bien une certaine liberté de création. Pourtant, il existe une volonté de permettre au street art d'évoluer en toute légitimité. Certaines municipalités créent donc des lieux d'expression libre pour tenter de laisser libre court à la création graphique urbaine en toute liberté tout en respectant une règle juridique incarnée par le fait qu'une œuvre peut-être réalisée si elle respecte l'ordre public36

et la dignité humaine et si elle s'accorde aux bonne mœurs (pas de représentation vulgaire, religieuse ou pornographique...). La Ville de Grenoble va ainsi inaugurer dans un cadre expérimental une

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Callebaut G., Guével D., Seube J.-B. (dir.), Droit(s) et Street Art: De la transgression à l'artification, compte-rendu du colloque éponyme du 14 octobre 2016, Issy-les-Moulineaux, Lextenso éditions, 2017, page 24.

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Selon une tentative de définition par le site JuriTravail.com, il s'agit de l'ensemble des règles obligatoires qui touchent à l'organisation de la Nation, à l'économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu. Dans notre organisation judiciaire les magistrats du Ministère Public sont précisément chargés de veiller au respect de ces règles, ce pourquoi ils disposent d'un pouvoir d'initiative et d'intervention.

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zone d'expression libre dans le cadre du projet « Couleurs sur Grenoble » afin de promouvoir la réalisation de graffitis dans un cadre légal et dans le respect du voisinage37, des règles de sécurité38 et abords des murs pour le voisinage et les passants. Ce dispositif permettrait éventuellement un développement des pratiques graffiti dans des lieux destinés à cela et en constant renouvellement pouvant, peut-être, se multiplier dans les années à venir. Cependant, certains continuent à prôner le caractère illicite du graffiti et du tag traditionnel qui sont à séparer du street art en avançant que ces derniers sont différents, le street art étant licite et par ce biais digne de protection. Pourtant, le droit à la propriété intellectuelle, qui protège une œuvre de l'esprit, qu'elle soit licite ou pas, s'applique aussi aux graffitis. Les pièces qui sont intégrées le plus souvent aux parcours de visite de street art ou aux expositions diverses consacrées à l'art urbain et aux graffitis new yorkais des années 1970-1980 - comme l'exposition retraçant les photographies documentaires de Martha Cooper et Henry Chalfant à Toulouse39 - favorisent une certaine vision positive de la part des juges entraînés par cette dimension institutionnelle du street art dans toute sa diversité.