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Cadre épistémologique de la recherche : l’interactionnisme socio-discursif

3. CADRE THEORIQUE

3.1 Cadre épistémologique de la recherche : l’interactionnisme socio-discursif

Le cadre général de notre recherche est l’interactionnisme socio-discursif (dorénavant ISD).

La spécificité de l’ISD est d’attester que la problématique du langage est absolument centrale et que les communications (orales/écrites) sont les instruments majeurs du développement humain. Que ce soit sous l’angle des connaissances et des savoirs, des capacités d’agir, de la construction de l’identité personnelle et professionnelle.

Ce courant des sciences humaines développé par Bronckart et de nombreux collaborateurs depuis une trentaine d’années, prend ainsi en compte les actions conjointes et les échanges oraux et écrits, réalisés par les membres d’un groupe poursuivant une finalité.

Comme il le mentionne dans un article intitulé « Les différentes facettes de l’interactionnisme socio-discursif », la démarche de Bronckart est une : « une tentative de prolongement et de développement du projet de l’interactionnisme social qui a émergé dans les premières décennies du XXe. » (Bronckart, 2005).

Cette orientation épistémologique s’est constituée grâce aux différentes contributions de nombreux chercheurs des sciences humaines et sociales dont Bühler (1927), Dewey (1925), Mead (1934), Politzer (1928) et Vygotsky (1927/1999), mais également Durkheim (1898), Saussure (1916) et Wallon (1938).

Une des caractéristiques de l’interactionnisme social est le fait que positionnement épistémologique et politique se mêlent dans la vision des conditions de développement de l’humain largement étayée par les œuvres de Spinoza (1954), Marx (1951) et Vygotsky (1997).

Ainsi, la problématique de la construction de la pensée humaine doit être traitée en parallèle de celle des faits sociaux et des œuvres culturelles. De même, le processus de socialisation et d’individuation constituent deux versants indissociables de ce développement humain.

Quant au questionnement général des sciences humaines, l’interactionnisme social soutient le fait qu’il puisse s’inspirer d’une philosophie de l’esprit tirée des œuvres d’Aristote à Marx, tout en prenant part à la résolution de problèmes d’interventions pratiques.

Autant de prises de positions qui offrent à ce courant de développer un autre principe général, estimant ne pas devoir opérer de découpage dans les sciences en différentes disciplines. Et ce, du fait que les problématiques d’une science de l’humain sont en interdépendances. D’où la nécessité de les aborder tant dans leurs dimensions physiques et cognitives que sociales, culturelles et historiques.

L’ISD issu de ces principes généraux, a développé la question de l’unité d’analyse de l’humain dans une acception intégrative. Ainsi l’ISD considère que cette unité est de l’ordre l’agir : « défini comme conduite humaine finalisée, mobilisant des ressources à la fois bio-comportementales, sociales et mentales » et que « les conditions d'émergence, de déploiement et d’interprétation de cet agir doivent en outre être analysées en regard des préconstruits socio-historiques constituant le monde dans lequel tout individu naît et se développe » (Bulea, 2002).

Dans cette perspective, l’ISD se concentre sur ces préconstruits que constituent les textes issus de l’activité humaine. C’est en prenant appui sur l’œuvre de Saussure, que l’ISD poursuit ce travail à partir de deux thèmes qu’il considère comme décisif ; le statut des signes et celui du système de langue.

En premier lieu, et sans pouvoir accéder ici à toute cette démonstration, Saussure définit les signes « comme des entités immotivées, discrètes et organisées dans la linéarité...Chaque langue naturelle organise ainsi des classes d’objets ou d’idées et de formes résultant de jugements ou de différences que le signe met en relations... C’est ce travail de structuration des formes propre à chaque langue qui donne naissance aux signifiants et aux signifiés » (Bronckart, 2005).

Saussure considère que le système de langue est « fait par la vie sociale » et « qu’à aucun moment et contrairement aux apparences, la langue, n’existe en dehors du fait social » (CLG, 1916, p. 112, ibid.). C’est donc dans les pratiques communicatives orales ou écrites que le système de langue est mis à l’œuvre.

L’ISD se concentre ainsi sur cette question de l’organisation et le fonctionnement des signes comme de leurs valeurs dans les activités langagières. Il cherche à mettre en évidence des mécanismes d’interactions entre la langue, l’activité sociale, le psychologique et le textuel ou le discursif (ibid.).

Les activités langagières qui s’appuient sur le commentaire des activités ordinaires représentent un premier niveau d’analyse. Le second est celui des textes dont l’approche de Bronckart pose la préexistence de genres. Ces derniers sont constitués de deux dimensions ; une dimension historique et une dimension sociale.

Bien que l’on puisse repérer à l’intérieur des genres des régularités ou des différences notoires par rapport à un autre, « c’est leur articulation aux activités sociales qui en constitue la principale caractéristique » (Bulea, 2002). La situation dans laquelle une personne s’emploie à produire un texte a ainsi potentiellement une influence sur cette activité sans autre forme de déterminisme stricte.

Une approche telle que celle de l’ISD tient dès lors compte d’un ensemble de paramètres physiques et socio-subjectifs de la situation liée à une action langagière. Ce type de démarche intègre dans sa conception de la description et de l’analyse des productions textuelles, le caractère dynamique de l’adoption/adaptation dans une situation donnée d’un genre de texte.

Ce dernier élément est à relier au statut double des textes qui sont tout à la fois, une réalisation matérielle d’une action langagière mais aussi un matériau, une ressource pour la production d’autres textes (ibid.).

Ainsi, la diversité et l’hétérogénéité des genres sont quasiment illimitées tout mettant en pratique les caractéristiques d’une langue naturelle. Cette profusion bénéficie des différents supports disponibles à une époque donnée ou dans un contexte déterminé, tel que par exemple, un environnement professionnel avec ses différents enjeux ou objectifs propres.