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I NTRODUCTION GÉNÉRALE

A.3. C OMBINATOIRE INTERVALLIQUE

3. C OMBINATOIRE PAR ARBORESCENCE

La méthode des arbres est une méthode classique en probabilités et statistique : elle consiste en une énumération des choix possibles dřintervalles (éléments) pris 1 par 1 (et rang par rang) au sein du réservoir disponible. Pour notre exemple initial, avec deux intervalles de même grandeur (soit a1 et a2, équivalents par exemple tous les deux à 1/4 de ton) suivis par un intervalle de grandeur différente (soit b3, équivalent pour lřexemple à un diton) dans la configuration initiale, le choix du premier intervalle du genre (première colonne à gauche) est formé de lřensemble des intervalles cités, soit 3 choix possibles (‎Figure 33).

Schéma explicatif du processus de combinatoire arborescente Ŕ pour le premier

Figure 33

intervalle, le choix se fait entre les 3 intervalles du genre, que ce soit a1 ou a2 ou b3 ; à partir de la

deuxième étape (choix du 2e intervalle du genre Ŕ 2e colonne à partir de la gauche), il ne reste plus

que 2 intervalles à inclure dans le genre, soit a2 et b3 si on a déjà choisi a1 comme 1er intervalle, ou a1

et b3 si on a déjà choisi a2, ou encore a1 et a2 si le choix sřétait initialement porté sur b3 ; pour la

troisième étape, il ne reste plus quřun seul intervalle pour compléter le genre, les deux autres ayant déjà été utilisés ; cette méthode génère directement (sans redondances) les six combinaisons possibles de trois intervalles au sein du genre

Pour le deuxième intervalle (deuxième colonne à partir de la gauche) il ne reste plus que deux choix possibles, puisquřun premier intervalle à déjà été soustrait au réservoir dřintervalles disponibles (en lřoccurrence, et par exemple pour la première combinaison, lřintervalle a1 ayant déjà été utilisé, il ne reste plus que les intervalles

a2 et b3). À la troisième étape (3e intervalle à placer), il ne reste plus quřun seul intervalle possible dans tous les cas de figure : le résultat de ce processus donne lřensemble des combinaisons indépendantes possibles des trois intervalles du réservoir constitué par les intervalles de la configuration initiale, sans redondance(s). Dans le cas où les intervalles de grandeur identique (ici les a) ne seraient pas différenciés par leur numéro de rang initial, cette dernière méthode génèrerait uniquement 3 combinaisons, comme reproduit sur la ‎Figure 34. Le cas général est reproduit, comme conclusion à ces explications et pour référence ultérieure, sur la ‎Figure 35.

Schéma explicatif du processus de combinatoire arborescente en considérant que les

Figure 34

intervalles de grandeur a sont équivalents

Cas général du processus de combinatoire arborescente pour 3 intervalles

C

ONCLUSION SUR LES OPÉRATIONS MATHÉMATIQUES SUR LES INTERVALLES

Les mathématiques pythagoriciennes, appliquées à la musique, ont joué un rôle primordial dans la construction de lř« Harmonie de lřUnivers » (ou du cosmos) chère aux pythagoriciens : les relations entre intervalles consonants issus de la tétrade originelle (de progression 1/2/3/4) ou de la tétraktys (de progression 6/8/9/12), ont déterminé une logique particulière dans la relation des théoriciens à la musique, dřautant plus que les consonances résultantes, notamment pour la quarte, la quinte et lřoctave, trouvent leurs correspondantes musicalement et (pour les deux dernières) au sein de la progression des harmoniques acoustiques. Cette conception mathématique, axée par extension sur les rapports épimores (ou superpartiels), allait se retrouver tout le long de la phase dřassimilation par les Arabes des théories grecques anciennes, avec souvent une réaction de ces derniers, sur le fond, consistant à réhabiliter la pratique musicale par rapport à la théorie.

En cela les Arabes, ou du moins ceux qui parmi eux affirmaient que la pratique devait coexister avec, sinon primer sur, la théorie, ont également été des continuateurs de la pensée dřAristoxène comme nous la voyons se dérouler au sein de lřAppendice B (consacré à un rappel des théories des Grecs anciens). Cette querelle, vieille comme la théorie de la musique elle-même, est toujours vivace de nos jours.

-B-

BRÈVE INTRODUCTION À LA THÉORIE

DES GENRES (ET DES INTERVALLES)

CHEZ LES ARABES ANCIENS Ŕ

INFLUENCES

I

NTRODUCTION

Nulle part ailleurs que dans les théories des genres, lřinfluence grecque ancienne sur les Arabes ne se fait sentir ; à tel point quřil pourrait être légitime de se poser la question de savoir si les genres « arabes » ont réellement droit de cité dans la pratique musicale arabe234. Il nřen reste pas moins que ces théories (arabes) sont

enseignées de nos jours, plus ou moins modifiées par rapport à lřoriginal ancien (ou grec), et quřelles sont devenues un passage obligé de lřacquisition de la pratique, du moins dans les conservatoires235. Le but de ce préalable est donc de donner au

lecteur une représentation globale de lřévolution de la théorie des genres, ou combinaisons au sein de la quarte (juste), chez les Arabes, ainsi que quelques clefs pour la compréhension des théories des intervalles, préalablement à notre exposé principal. Pour cela, nous pouvons diviser ces théories en quatre phases, des

Prémices jusquřaux Théories contemporaines ; le lecteur remarquera que le nombre de

phases diffère ici de celui choisi pour les théories générales de lřéchelle : lřexplication réside en ce que la théorie des genres, importée des anciens Grecs déjà à lřépoque de Kindī236, nřa pas toujours été appliquée, même si elle a retrouvé une

234 Mais nous verrons également, dans le Tome 2 et comme déjà démontré dans [Beyhom, 2010], que la

théorie des genres chez les Grecs anciens, même chez Aristoxène, pouvait parfois être très éloignée dřune pratique musicale quelconque, et surtout, pour ce qui nous intéresse directement dans ce livre, dans ses transpositions vers la musique arabe.

235 Encore quřune certaine tendance existe de nos jours (notamment dans les conservatoires libanais),

consistant à privilégier le « système » octaviant Ŕ cet aspect est développé dans le Tome 2.

236 cf. [Farmer, 1930b, p. 329-330] : « Al-Kindī (d. ca. 874) openly acknowledged that he followed the

ŖAncientsŗ i.e. the Greeks, in the speculative theory of music. [...] Although Al-Kindī deals with the theory of sound (ṣaut) [sic], intervals (abřad) [sic], genres (ajnās), systems (jumūʿ) and species (anwāʿ), modes (luḥūn), tones (ṭanīnāt), mutation (intiqāl), and composition (taʾlīf), as do the Greeks, yet it is difficult to locate his precise sources. He was evidently acquainted with Euclid and apparently with Ptolemy. At the same time, many of his opinions on the physical and physiological aspects of the theory of sound may be quite original [...]. He was endowed with exceptional abilities, and was sufficiently equipped on the

place prépondérante au sein des théories contemporaines. Les deux phases dřéclipse (relative) sont celles que nous appelons en corps de texte lřIntermédiaire et la Pré-

moderne237, dans lesquelles, nonobstant des survivances implicites, il nřest fait

aucune mention explicite des genres, à notre connaissance et à part les avatars des théories systématistes, dans la littérature que nous examinerons238.

Dans la partie qui suit, le stade des Prémices correspond à la phase des Précurseurs en corps de texte, celle de lřExhaustivité, ici, à lřÂge dřOr et à la phase

Systématiste pour les théories de lřéchelle239. Les périodes Intermédiaire et Moderne,

ne sont pas abordées, faute de références, et la période de Renouveau240 doit être,

évidemment, développée en Tome 2. Lřévolution de la compréhension de la structure des intervalles emmèles241, notamment du limma et du demi-ton, est remise

en perspective242 en corps de texte, notamment pour les périodes Intermédiaire et

Pré-moderne (Tome 2)243.

mathematical side to contribute commentaries on and rectifications of Euclidřs Elements ». Le lecteur pourra se reporter utilement, pour tout ce qui concerne les théories grecques anciennes et leurs traces dans les théories arabes, à lřAppendice dřErlanger dans [(ibn) Sīnā, 1935, p. 258-306] intitulé « Étude comparée des systèmes grecs et arabes. Commentaire du traité dřAvicenne [(ibn) Sīnā] », dont nous citons de larges extraits dans ce qui suit, ainsi que, de manière plus fragmentaire, aux notes de cet auteur dans [Erlanger, 1930-1959], commentant notamment les traductions de traités arabes au sein des 4 premiers tomes Ŕ voir également, pour Kindī, lřintroduction de lřarticle dřAdamson [2006] dont un extrait est proposé en note du Chapitre I.

237 Tome 2.

238 Comme nuancé en corps de texte, des survivances de ces théories ont continué à exister, notamment

dans les écrits systématistes.

239 Cette dernière période sera traitée au sein du Tome 2, avant tout pour Urmawī, sachant que les autres

théoriciens de la période et leurs relations aux genres (et aux modes) sont largement commentés par Wright dans son classique The Modal System of Arab and Persian Music A.D.1250-1300 [Wright, 1978], également dans une approche pratique qui dépasse les buts de notre premier volume limité à lřéchelle et aux genres théoriques, ainsi que, et surtout, à certaines descriptions de la pratique (concernant lřéchelle et les genres) retrouvés dans les écrits des théoriciens. Nous espérons pouvoir reprendre, dans un ouvrage ultérieur consacré aux modes et à la pratique intervallique, les conclusions de Wright et les développer.

240 Correspondant aux phases Moderne et Contemporaine dans le corps de texte : la problématique des

genres « modernes » a été traitée dans notre article [Beyhom, 2005a], dont la deuxième partie, consacrée aux degrés (et à lřéchelle) système contemporains, est reprise et développée en corps de texte pour le Tome 2 (période Contemporaine).

241 En résumé : composant la quarte.

242 Avec les restrictions sur les périodes citées supra.

243 Concernant lřabord de cette problématique en corps de texte, le lecteur remarquera que le traitement

des genres par Fārābī se détache, en volume, des autres auteurs, ceci pour la simple raison quřil sert de référence pour les auteurs suivants. Signalons également que lřon ne peut introduire cet aspect des théories arabes sans expliquer, un tant soit peu, le processus de transmission des théories grecques anciennes vers les premières ; ces « influences » posent le problème suivant, resté insoluble de nos jours : que sřest-il passé entre la période grecque et la période arabe, quelles ont été les musiques pratiquées avant les premiers écrits de Munajjim et Kindī, et quel a été le rôle des Romains (de lřempire dřOrient ou de celui dřOccident), des Indiens ou des Persans dans ce processus ? Lřétat des recherches à ce sujet est encore embryonnaire, dřautant plus que les Arabes se référaient plus volontiers aux Fondateurs grecs, nettement plus prestigieux, quřà leurs commentateurs plus tardifs, et la question demeure posée, catalyseur probable de nombreuses recherches à venir.

I.I

NFLUENCES

Nous disposons de plusieurs sources244 nous expliquant que les Arabes anciens

avaient débuté très tôt la traduction dřœuvres grecques, à partir notamment de traductions syriaques ou encore à partir dřoriginaux sřils étaient accessibles, et dont nous pourrons voir les premières influences chez Kindī et Munajjim. Avec la montée en puissance de ce processus, il était assez prévisible, a posteriori, que des philosophes comme Fārābī ou (ibn) Sīnā se raccrochent à une théorie physico- mathématique déjà très élaborée, et quřils lřutilisent extensivement pour tenter dřexpliquer la musique de leur époque. Les théoriciens arabes eux-mêmes citent nommément certains auteurs grecs ou leurs ouvrages, notamment (ibn) Sīnā qui nous déclare à un certain moment dans a-sh-Shifāʾ :

« Celui que lřétude de ces questions intéresse pourra compléter notre exposé en se référant à ce quřenseigne Euclide dans son livre connu sous le nom de Canon. Il nřy aurait même pas dřinconvénient à insérer ce livre tel quel en cet endroit de notre ouvrage »245.

Un plus grand hommage aux « maîtres » grecs serait difficile, et il semblerait que (ibn) Sīnā, en cela et malgré ses critiques parfois virulentes à lřencontre de ses prédécesseurs (ou contemporains) arabes ou grecs (ou à cause dřelles)246, ait gardé

244 Voir lřintroduction de la section « Théories » du Chapitre I, lřAppendice B ainsi que la section

« Influences et transmission » (Annexe I.9).

245 [(Ibn) Sīnā, 1935, op. cit., p. 124], et version arabe [(ibn) Sīnā, 1956, p. 33] suivante :

» ذ قحلي فأ بت٤ بحأ فإك ،فوناقلاب ؼكرعت١ا وباتك في سديلقأ هدركأ ام ةعلاطم كلذ لىإ فيضي فأ ،ؿوصلأا هذى في رظني فأ رثآ نت١ بحتسأك وى امك باتكلا كل دصق ادصاق فاك ،عوضوت١ا اذّٔ باوصلا .«

(Ibn) Sīnā fait ici référence, évidemment, à la Sectio Canonis dřEuclide (ou du pseudo Euclide) que nous reproduisons en détail dans lřappendice consacré aux théories grecques anciennes. Il est intéressant que Barbera, supposé être un des grands spécialistes de la question, ne cite pas (ibn) Sīnā dans son livre The

Euclidean division of the Canon Ŕ Greek and Latin sources, alors que cřest très probablement le premier

auteur arabe qui mentionne le « Canon » dřEuclide explicitement dans un ouvrage traitant de la théorie musicale ; le seul extrait chez cet auteur concernant les sources arabes de la « Sectio Canonis » est le suivant (la translittération des termes arabes est de nous) :

« Many Greek writings were preserved in Arabic during late antiquity and the early Middle Ages. Ikhwān a-ṣ-Ṣafāʾ, a tenth century writer [sic], lists Nicomachus, Ptolemy, and Euclid as musical successors to Pythagoras. The context of the remark convinced Henry George Farmer that the order from Pythagoras to Euclid was meant to be chronological, and he asserted: Ŗit might be assumed that the Ikhwān recognized the late composition of the treatise ascribed to Euclid.ŗ The Ikhwān does [sic] not specify a Euclidean treatise, but another tenth-century source, the Fihrist of Ibn a-n-Nadīm, lists two such works ; a Book on

the notes, also known as Book on Music (Kitāb a-n-Nagham wa yuʿraf bi-l-Mūsīqī) and a Book on the Canon

(Kitāb al-Qānūn). Nearly three centuries later, Ibn al-Qifṭī (d. 1248) mentions in his History of the Learned two works on music by Euclid: a Book on Music (Kitāb al-Mūsīqī) and a Book on the Canon (Kitāb al-

Qānūn). Finally, Ibn abī Uṣaybiʿa (d. 1270) lists a book by Pythagoras entitled The Canon of Arithmetic and Music (Sharīʿat al-Aritmatīqī wa-l-Mūsīqī) » Ŕ [Barbera, 1991, p. 8, note de bas de page no16].

Les références de Barbera pour ces assertions sont « Amnon Shiloah, The Theory of Music in Arabic Writings

(c. 900-1900), Répertoire Internationale [sic] des Sources Musicales, B/X (München-Duisberg: G. Henle,

1979) » (nos références correspondantes sont [Shiloah, 1979], et [Farmer, 1965]). Il est peu de dire, ici, que la vérification des sources par Barbera nřa pas été très rigoureuse.

une admiration certaine pour les philosophes de lřAntiquité, et peut-être beaucoup plus que Fārābī qui, dans son introduction au Kitāb al-Mūsīqī al-Kabīr, se montre, implicitement et par son insistance sur la pratique247, nettement plus critique envers

les « Anciens ».

Mais les emprunts arabes à ces « Anciens », y compris et massivement chez Fārābī, sont indéniables, et concernent plusieurs points dont le rythme, le son et la définition de la musique, la conception de cette dernière en tant que science ainsi que les considérations relatives à lřethos des modes, tous sujets bien évidemment présents à des stades différents dřacceptation, dřadaptation ou dřintégration chez les auteurs, et que nous retrouverons en corps de texte248.

Il est utile de citer à ce sujet la réflexion de Farmer qui arrive à différencier les apports dřauteurs grecs divers aux théories préconisées par des auteurs arabes (tout aussi) divers, affirmant notamment que :

« Al-Fārābī (d. ca. 950) depended on sources that were clearly different from those consulted by Al-Kindī. Indeed, Al-Fārābī wrote his famous Kitāb al-mūsīqī al-kabīr because he was dissatisfied with what had been handed down from the Greek theorists in Arabic translation. He found lacunae as well as obscurities in the latter, and as he thought too much of the ŖAncientsŗ to blame them for these shortcomings, he attributed the blemishes to the copyists 249 [...]. Al-

Fārābīřs chief authorities were Euclid, Ptolemy, and Themistius. The ŖCommentaryŗ (sharḥ) on De anima by the latter, dealt perspicuously with the theory of sound, and Al-Fārābī himself wrote a ŖCommentaryŗ on this ŖCommentaryŗ [...]. A modern author has expressed the opinion that Al-Fārābī was probably acquainted with Aristides Quintilianus, but this is improbable. [...] The order in which the various divisions of Greek theory are discussed by Al-Fārābī, shows that Euclid was the principal authority250 »251.

Si cette filiation permet de poser éventuellement une borne dans le processus de transmission des théories grecques vers les Arabes, la piste reste ténue, puisque Farmer ne mentionne même pas Aristoxène (ou Cléonide252) dans cette liste de

247 Tout comme, et comme nous le verrons par la suite, par son recours à Aristoxène pour un pan de la

caractérisation des genres, ou encore son exposé in extenso (voir Chapitre II.II) du calcul du demi-ton chez ce dernier et ce, malgré ses critiques quant à la valeur exacte du demi-ton.

248 À part, sauf accessoirement, les parties concernant le rythme (ou les épîtres qui lui sont consacrées),

que nous nřavons pas revues dans notre ouvrage.

249 Notamment Kindī Ŕ voir au sein du Chapitre II les sections consacrées à Fārābī.

250 Ici, note de bas de page de Farmer : « Aristidus, like Alypius and Martianus Capella takes the genres

after the systems » ; nous verrons (Chapitre I) que Fārābī aborde bien ces deux aspects, dans le « Livre des éléments » [Fārābī, 1930, p. 80-163], dans la succession genres puis systèmes. Ceci est également le cas dřAristoxène (dont le traitement des systèmes sřest malheureusement perdu).

251 [Farmer, 1930b, p. 329-330].

théoriciens prestigieux253 alors que, comme nous le verrons par la suite, les théories

aristoxéniennes sont à la base de la réflexion de Fārābī sur la théorie musicale. Quant à (ibn) Sīnā :

« Ibn Sīnā (d. 1037) is claimed by Ibn al-Qifṭī to have dealt with aspects of the theory of music that had been neglected by the Ancients.Besides a lengthy treatment of the subject in his monumental work Al-shifāʾ and his smaller treatise Al-najāt, Ibn Sīnā wrote separate works on musical theory. It has been assumed by Casiri [...] and Wenrich [...] that he wrote an abridgement of Euclid on music. Both these writers appear to have misread Ibn al-Qifṭī on this point. The latter merely says that Ibn Sīnā abridged the science of Euclid (i.e. geometry), and arithmetic, and music [...]. Ibn Sīnā worked independently of the writings of al-Fārābī, and his reading of Greek theory is of considerable interest »254.

Erlanger ne semble pas partager tout à fait ce dernier avis255, puisquřil nous

précise que :

« Par ceux qui ont compris la philosophie châtiée et saisi les distinctions justes, Avicenne [(ibn) Sīnā] entendait sans doute parler dřAristote ou encore dřal-Fārābī à travers qui il avait appris à comprendre la métaphysique du fondateur de lřécole péripatéticienne »256.

Mathiesen, de son côté257, nous raconte lřhistoire de manière légèrement

différente, resituant les auteurs Arabes anciens dans la chaîne de transmission des écrits grecs vers lřEurope258. Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de

ces influences grecques, force nous a été de revenir aux sources et aux origines de ces théories (dans notre Appendice B) pour essayer de déchiffrer leurs articulations avec celles des Arabes anciens.

253 Et moins prestigieux, notamment pour Themistios.

254 [Farmer, idem, p. 331].

255 Nous-même non plus, dřailleurs, puisque la citation même par (ibn) Sīnā du Canon dřEuclide (supra in

texto) est en faveur dřune connaissance approfondie de cette œuvre par (ibn) Sīnā ; si nous reprenons

lřextrait précédent de Farmer concernant Fārābī, ces deux théoriciens avaient par conséquent pour référent, selon les dires mêmes de Farmer (concernant Fārābī) et selon la déclaration de (ibn) Sīnā, le même Euclide. Si indépendance il y avait entre les approches de ces deux auteurs, elle se situerait donc dans la méthode, et non dans les sources.

256 cf. [(ibn) Sīnā, ibid.] : il est effectivement difficile de croire que les travaux dřun philosophe aussi

connu que Fārābī aient pu être ignorés par (ibn) Sīnā.

257 Voir extraits de cet auteur Ŕ et dřOřLeary [1922] Ŕ dans lřAnnexe I.9.

258 Dans ce domaine comme dans tant dřautres concernant la musique arabe, les opinions des

commentateurs et des musicologues ne se rejoignent pas forcément, mais celle de Mathiesen a du moins le mérite dřémaner dřun spécialiste reconnu de la musique des Grecs anciens, encore que ce dernier fait lui-même souvent référence à Barbera (André), relativement peu fiable comme nous pourrons le constater dans lřAppendice B, et comme nous lřavons déjà constaté en notes ; cela se comprend, dřailleurs, Mathiesen ayant été lřéditeur du livre de Barbera sur la Section Canonis dřEuclide en 1991, et ayant suivi

II.P

RÉMICES

La première mention des genres (ajnās Ŕ s. = jins) chez les Arabes (anciens) semble bien figurer, sans surprise, chez lřauteur clef de la période des Précurseurs, Kindī à lřévidence. Dans la Risāla fī Khubr Ṣināʿat a-t-Taʾlīf, cet auteur décrit trois genres « classiques », le ṭanīnī (ditonique), le lawniyy (« chromatique ») et le taʾlīfī (enharmonique ?)259. Le genre ṭanīnī est le genre que lřon qualifie couramment de

nos jours de diatonique260, et correspond à, en montée, deux intervalles de ton

disjonctif (ṭanīn) suivis dřun limma. Pour les deux autres genres, le manuscrit, malheureusement, comporte des espaces vides ou des manques à cet endroit et les deux commentateurs261 de la version originale arabe les ont remplis en extrapolant à

partir de relations postérieures262.

Le texte original, selon les deux versions, peut être traduit comme suit (les termes rajoutés par les commentateurs sont entre parenthèses et guillemets {«»}) :

« et quant à la modulation [istiḥāla] dans les genres [ajnās], elle se fait [de] genre à genre proche de lui dans les (sub)divisions [fuṣūl] des intervalles, comme le tanīn au lawniyy, et le lawniyy au taʾlīfī, je veux dire par le ṭanīnī, le divisé par un ṭanīn et un ṭanīn {« et une faḍla »}, et je veux dire par le lawniyy, le divisé par trois demi-tons {« et une faḍla et une faḍla »}, et je

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