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c – Les différents types de bruits électroniques

Chapitre III – Notions fondamentales sur le bruit en 1/f

III. 1 – Introduction sur les phénomènes aléatoires

III.1. c – Les différents types de bruits électroniques

Historiquement, c'est dans le monde microscopique que l'on s'aperçut pour la première fois du "caractère fluctuant de la nature". Le botaniste Robert Brown donna le nom de "mouvement brownien" pour caractériser le mouvement aléatoire de petits corpuscules en suspension dans un liquide. Einstein puis Smoluchowski en donnèrent l'explication théorique en 1905 [1].

Quelque temps plus tard, il fut admis qu'il existe des limites infranchissables à la précision des mesures. Dans le domaine des mesures électriques, il fut identifié trois sources fondamentales de bruit que sont le bruit thermique, le bruit de grenaille et le bruit en 1/f (qui sera décrit dans le paragraphe III.2).

Le premier, qui fut prédit à partir des observations du mouvement brownien, est aussi appelé bruit Johnson – Nyquist. Il provient du mouvement aléatoire des porteurs de charges

sous l'effet de la température. Sa puissance spectrale, SV, est donnée par le théorème de

fluctuation dissipation dans le cas d'une résistance R à l'équilibre thermodynamique et dans la limite des basses fréquences :

TR k SV=4 B

Le bruit thermique, ici exprimé en tension, est indépendant de la tension moyenne, proportionnel à la température et à la résistance. Il est présent dans tous les systèmes électriques résistifs. Ce bruit constitue donc la limite de détection minimale d'un signal.

Le bruit de grenaille ("shot noise"), théoriquement décrit par Schottky en 1918, est,

quant à lui, associé au passage d'un courant dans un conducteur. Il est une manifestation du caractère discret des charges électriques (par exemple, le nombre de porteur arrivant à une électrode fluctue dans le temps, statistique poissonnienne). Sa densité spectrale, exprimée en courant et dans la limite des basses fréquences, est proportionnelle au courant moyen :

qI SI=2

C'est un bruit blanc, hors équilibre et qui s'annule à courant nul. Une des ses principales caractéristiques est d'être sensible aux corrélations entre porteurs de charge ce qui en fait un outil particulièrement intéressant pour l'étude des propriétés électroniques des systèmes mésoscopiques. Le bruit de grenaille tend vers zéro lorsque la taille du conducteur dépasse la longueur d'interaction électron phonon.

Il n’existe pas encore de mise en évidence expérimentale de bruit de grenaille dans les conducteurs organiques. On peut cependant calculer [2] le courant et ses fluctuations à travers une molécule de polyène (« oligo-acétylène ») : tous deux décroissent avec la longueur (i.e. le nombre d’unités monomères). D’autre part le bruit n’est plus Poissonnien (SI∝ <I>) lorsque

la tension appliquée augmente ; le produit de la probabilité de transmission par la fonction de Fermi n’est plus très petit [3].

Il existe d'autres sources de bruits électriques fréquemment rencontrés dans les semi- conducteurs. Le plus connu est le bruit de génération - recombinaison d'une paire électron-

trou. Ce bruit, qui est un bruit de résistance, est provoqué par la fluctuation du nombre de porteurs de charge dans la bande de conduction. La densité spectrale d'un tel bruit dépend de la fréquence , c'est une lorentzienne :

( )

2 2 2 2 2 1+4ωττ ∆ = NN R SR

où τ est le temps de relaxation caractéristique des pièges et f=w2π . Il existe un autre bruit qui possède le même type de densité spectrale que le bruit de génération – recombinaison. Ce bruit est appelé bruit de télégraphe ou encore bruit pop-corn pour décrire son tracé dans

l'espace temporel qui est constitué de variation très rapide entre deux (ou plusieurs) valeurs discrètes. Ce bruit est présent dans les jonctions p-n, les dispositifs électroniques tels que les transistors, les jonctions tunnels ou encore dans les échantillons métalliques de petite taille. Il est associé à des micro-claquages dans des régions soumises à des champs électriques intenses. Ce type de claquage a été observé dans des matériaux désordonnés lorsque l'on se rapproche du seuil de percolation [4].

L'étude du bruit électrique connaît actuellement un essor très important dans le domaine scientifique. Certains auteurs parlent même de révolution pour décrire l'augmentation significative du nombre de publications scientifiques concernant des mesures de bruit [5]. Cette augmentation a abouti récemment à la création d'un journal spécifique [6] traitant des mesures de fluctuation dans les domaines aussi divers que les nanotechnologies, la biologie, la physique des matériaux ou encore la géophysique.

Dans le domaine des nanotechnologies, le bruit devient un enjeu économique important. Il s'impose comme étant la limite ultime à la miniaturisation des dispositifs électroniques. Le bruit thermique est pressenti comme étant la limite fondamentale qui, dans

les années à venir, mettra un terme à la loi de Moore qui décrit l'évolution de la miniaturisation des transistors [7].

Dans le même temps, le bruit reste un outil formidable pour l'étude des propriétés de conduction. La diminution de la taille des dispositifs électroniques pose le problème de la très forte augmentation des densités de courant donc de l'importance toujours plus grande des défauts et des problèmes de fiabilité qu'ils entraînent. La mesure des fluctuations étant une technique non destructive, elle s'impose comme étant un outil particulièrement intéressant pour l'étude des défauts et des phénomènes de dégradation dans ces dispositifs. Aujourd'hui, les mesures de bruit sont utilisées couramment aussi bien dans l'industrie pour la caractérisation des dispositifs que dans les laboratoires de recherche pour l'étude des propriétés de conduction dans les matériaux désordonnés, les semi-conducteurs, ou encore dans le domaine de la physique des supraconducteurs. Deux articles de revue sur ces sujets peuvent être trouvés en [8] et [9].