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C HAPITRE 2 – U N POUVOIR D ’ INVESTIGATION LIMITE

Dans le document La vie privée en droit du travail. (Page 84-120)

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

C HAPITRE 2 – U N POUVOIR D ’ INVESTIGATION LIMITE

87. – « Faut-il toujours que le voile soit levé sur tout ? » 327. Une telle question renvoie aux débats relatifs à la transparence sans limite et à la légitimité des techniques d’investigation permettant d’y parvenir.

La vie privée, tel un « mur », peut être perçue comme un obstacle aux yeux de l’investigateur. Des stratégies de contournement sont alors parfois déployées afin d’obtenir l’information désirée, parfois à l’insu des personnes concernées. Mais, parce que de telles démarches sont attentatoires au droit au respect de la vie privée, la nécessité d’un encadrement a émergé. Des dispositifs propres sont ainsi apparus, soulevant la question la place de la notion de « vie privée » en tant qu’instrument de régulation (Section 1). Au-delà de cet encadrement, la subjectivité du droit au respect de la vie privée s’attache également à l’analyse de la faculté de contrôle que détient la personne, et notamment à celle d’opposer un refus à l’investigation (Section 2). 327 Cour de cassation, « Le droit de savoir », op. cit., spéc. p. 72.

S

ECTION

1

:

L

E CONTROLE DU POUVOIR D

INVESTIGATION

88. – « Sachant le pouvoir que confère la connaissance d’autrui, le cantonnement de la

connaissance se présente comme la meilleure garantie de la limitation du pouvoir »328. La mise en œuvre du pouvoir d’investigation implique en effet une inévitable prise de connaissance par l’employeur de certains éléments personnels de la vie du salarié ou du candidat à un emploi. Il paraît difficile de lutter contre cet état de fait. Toutefois, il s’avère possible d’encadrer la manière dont la prise de connaissance est opérée (§1), ou à tout le moins en modérer les effets (§2).

§1 : L’encadrement de la prise de connaissance

89. – L’encadrement de la collecte d’informations fait appel à des mécanismes de

régulation largement utilisés en droit. Il s’agit en premier lieu d’exiger l’information de la personne ciblée par la collecte (A). En second lieu, il s’agit d’étudier la pertinence de cette collecte, notamment à travers les méthodes et techniques mises en œuvre (B). A / Une prise de connaissance transparente

90. – La transparence permet de révéler ce qui est caché. Elle engendre ainsi la

confiance, ciment de toute relation contractuelle. Concernant le pouvoir d’investigation de l’employeur, la transparence est rendue effective par l’intermédiaire d’un droit à l’information accordé tant au candidat à l’embauche, qu’au salarié. L’information ainsi jugée nécessaire, permet de garantir à la personne, faisant l’objet d’une investigation, la connaissance tant des moyens mis en œuvre dans ce dessein que de la nature des informations collectées (1). Ces dernières doivent avant tout correspondre à une finalité professionnelle clairement affichée (2). 328 D. GUTMANN, op. cit., spéc. n° 286.

1 / L’information sur la finalité

91. – Qu’elle s’adresse au candidat à un emploi ou à un salarié, l’investigation de

l’employeur est destinée à opérer une évaluation, jugement de valeur qui conditionnera le recrutement ou la carrière de l’audité. La finalité se doit donc d’être exclusivement professionnelle, la loi le mentionnant expressément tant en matière de recrutement329 que d’évaluation330, sans pour autant contraindre l’employeur à en informer directement le salarié. La transparence en matière de finalité ne disparaît pas pour autant, le salarié bénéficiant alors d’une information indirecte.

92. – Ainsi, d’une part, les systèmes d’évaluation mis en place en entreprise et donnant

lieu à un traitement informatisé, doivent être déclarés à la CNIL331. Procédure simplifiée par la mise en place d’une déclaration simplifiée332, mais qui doit correspondre à l’une des finalités prévues333, telles que l’évaluation professionnelle des personnels, dans le cadre de la gestion des carrières et de la mobilité.

D’autre part, en matière de recrutement, l’offre d’emploi constituant la cause de la divulgation de données personnelles par le candidat, sa publication peut tenir lieu d’information sur la finalité. A condition toutefois que l’offre soit bien réelle. Se référant à l’article 25 de loi du 6 janvier 1978, prohibant la collecte de données par tout moyen frauduleux, déloyale ou illicite, la CNIL considère ainsi « contraire aux dispositions de cet article, l'utilisation d'annonces qui ne correspondraient pas à un poste à pourvoir, mais aurait pour seul objet de constituer un fichier de candidatures »334. Néanmoins, l’acte de tromperie ainsi dénoncé ne doit pas conduire à l’illicéité systématique de tels fichiers. En effet, les entreprises sont parfois tentées de conserver certaines

329 Article L. 1221-6 du Code du travail : « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir pour finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles ». 330 Article L. 1222-2 du Code du travail : « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un salarié ne peuvent avoir pour finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles ». 331 Article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; à défaut, l’employeur s’expose à des sanction pénales : article 226-16 du Code pénal. 332 Norme simplifiée n° 46, Délibération n° 2005-002 du 13 janvier 2005 portant adoption d’une norme destinée à simplifier l’obligation de déclaration de traitements mis en œuvre par les organismes publics et privés pour la gestion de leurs personnels. 333 Op. cit., article 2.

334 CNIL, délibération n° 02-017 du 21 mars 2002 portant adoption d'une recommandation relative à la collecte et au traitement d'informations nominatives lors d'opérations de recrutement.

candidatures à des fins de recrutements ultérieurs335. Si le candidat postulant à un emploi serait en droit de réclamer la destruction des données communiquées à l’issue de l’opération de recrutement336, son intérêt réside toutefois dans le fait de laisser la possibilité à l’entreprise de lui proposer un emploi plus adapté à ses compétences. D’autant que l’acte de candidature peut parfois ne pas être dépendant d’une offre déterminée. Les démarches spontanées de candidatures, pratiques courantes337, et en voie d’intensification338, transforment ainsi la finalité d’évaluation des compétences à un emploi en une finalité d’employabilité. Cette dernière constitue un objectif permanent des demandeurs d’emploi, alimentant de manière continue les banques de données339 des sites spécialisés et des réseaux professionnels. La finalité se rappelle néanmoins parfois à eux par l’obligation d’information de la personne faisant l’objet d’une collecte de données, sur les finalités du traitement auquel les données sont destinées340. Néanmoins, les fins d’un traitement comportent une part d’imprévisibilité, notamment d’exploitation d’une banque de données, permettant de satisfaire les besoins variés des différents utilisateurs qui y ont accès, et rendant alors impossible de prévoir à l’avance l’ensemble des finalités qu’ils poursuivront341. 2 / La transparence des méthodes et techniques

93. – L’employeur a également l’obligation d’informer de manière préalable sur les

méthodes et techniques d’évaluation. Formules légales similaires pour les candidats à l’embauche342 et les salariés343, mais appréciées différemment selon la situation.

335 Même si cette durée est limitée en matière de fichiers, ne devant excéder « la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées » : Article 6 de la loi du 6 janvier 1978.

336 Ceci par le biais de son d’opposition à voir figurer certaines données personnelles dans des fichiers, néanmoins pour des motifs légitimes : Article 38 de la loi du 6 janvier 1978.

337 Les curriculum vitae et lettres de motivation nourrissent régulièrement les boîtes aux lettres des entreprises.

338 L’usage des TIC facilitant ce type de démarches par le biais notamment des questionnaires en ligne.

339 Renvoyant dès lors à la problématique du « Big data », concernant de manière plus générale tout usager d’Internet.

340 Article 10 de la directive 95/46/ CE du 24 octobre 1995.

341 J. FRAYSSINET, Informatique, fichiers et libertés. Les règles, les sanctions, la doctrine de la CNIL, préf. J. FAUVET, Litec, 1992, n° 171, p. 73 ; la CNIL a d’ailleurs dû parfois concilier cette imprévisibilité, en matière de recherche notamment, part le concept d’ « extension de finalité » pour autoriser l’accès de chercheurs à des fichiers de gestion sous certaines conditions.

342 Article L. 1221-8 du Code du travail : « le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard » .

Ainsi, l’information préalable permet, d’une part, de lutter contre l’effet de surprise pouvant survenir en raison de la clandestinité d’une évaluation. Ce cas de figure ne touche guère le candidat à l’embauche344, contrairement au salarié qui peut parfois être évalué sans le savoir. La Cour de cassation a parfois rappelé cette nécessité d’information préalable, condition au pouvoir d’évaluation reconnu à l’employeur345. Pour autant, cette jurisprudence confirme aussi le droit pour l’employeur d’évaluer l’activité de ses salariés346, les articles visés par les juges témoignant de la volonté d’inscrire cette décision dans l’exécution de bonne foi de la relation de travail347. Si elle rappelle toutefois que l’exercice de ce pouvoir est autorisé « sous réserve de ne pas mettre en œuvre un dispositif d'évaluation qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés », l’article L. 1222-3 du Code du travail n’est pas mentionné. Certains auteurs soulignent alors que cette « exigence est loin d’être dérisoire puisqu’elle invite à la loyauté »348. Cette mise à l’écart n’est peut être pas anodine, traduisant alors la faible prise en compte de cette disposition par la jurisprudence de la chambre sociale349. Cette idée s’est renforcée dans une décision ultérieure, laissant alors, selon certains auteurs, « ouverte la voie incertaine d’une réparation au dommage découlant de l’absence d’information préalable »350. Il s’agissait en l’espèce d’une évaluation des salariés dans le but de fixer l’ordre des licenciements, mais la formule employée par le Cour semble suffisamment générale pour s’adapter à tout type d’évaluation en cours d’exécution du contrat de travail. Si certains auteurs351 ont pu à un

343 Article L. 1222-3, al. 1er du Code du travail : « Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard ». 344 La démarche de candidature traduisant l’assentiment du candidat à une évaluation de ses compétences et aptitudes à l’emploi. 345 Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 00-42.368, Inédit : RJS, 10/02, n° 1066, p. 811 ; Dr. ouvr., 2002, p. 535, obs. V. WAUQUIER ; contra Cass. Soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.427, Bull. civ. V, 2014, n° 255 : JCP S, 2014, n° 1046, note B. BOSSU (cf. infra, note n° 1820). 346 Les hauts magistrats ont ainsi cassé la décision de la cour d’appel qui avait considéré justifié le refus de la salariée d’une évaluation non prévue dès l’embauche, ni statutairement, ni par le contrat de travail ou par le règlement intérieur. 347 Article 1134 (devenu 1104) du Code civil et L. 121-1 (devenu L. 1121-1) du Code du travail. 348 A. LYON-CAEN, « L’évaluation des salariés », D., 2009, p. 1124. 349 Il convient d’observer le faible nombre de décisions invoquant cette disposition.

350 Cf Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 05-40.656, Bull. civ. V, 2006, n° 349 : « la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'informer préalablement les salariés des techniques et méthodes d'évaluation qu'il met en œuvre à leur égard peut justifier l'allocation de dommages-intérêts » ; D., 2007, AJ, p. 156, et Pan. p. 686, obs. G. BORENFREUND, F. GUIOMARD, O. LECLERC, P. LOKIEC, E. PESKINE et C. WOLMARK ; RDT, 2007, p. 105, obs. A. LYON-CAEN ; position confirmée ensuite : Cass. soc., 11 avril 2008, n° 06-45.805 et a., Inédit.

moment observer une similitude avec la jurisprudence Néocel352, condamnant les procédés clandestins de surveillance des salariés, la Cour semble au contraire s’en écarter. Le droit à réparation semble ainsi se substituer à la nullité habituellement prononcée, des actes se basant sur un défaut d’information, et esquissant une distinction entre le contrôle et l’évaluation. Plutôt qu’une simple réparation du préjudice, l’opposabilité de la décision nous semble une voie plus encline à protéger le droit d’information préalable de la personne évaluée.

94. – D’autre part, informer permet d’adopter un regard parfois critique sur les

« méthodes et techniques » utilisées par l’employeur353, et notamment par le biais des institutions représentatives du personnel. Ainsi, si l’information du comité d’entreprise en matière de recrutement est expressément prévue354, un doute a pu demeurer un temps355 en matière d’évaluation des salariés. À défaut de disposition spécifique, tout juste pouvait-on l’intégrer dans le champ de l’alinéa 3 de l’article L. 2323-32 du Code du travail : « les outils et techniques de surveillance du comportement »356. La Cour de cassation a confirmé cette interprétation. Amenée à se prononcer sur le défaut d’information du comité d’entreprise préalablement à la mise en œuvre d’un audit « visant à apprécier, à un moment donné, l’organisation d’un service »357, elle a pu alors rejeter cette obligation, en retenant que l’audit était dépourvu de toute finalité d’évaluation. La Cour a néanmoins pris le soin de rappeler qu’ « un système de contrôle et d'évaluation individuels des salariés ne peut être instauré qu'après information et

352 Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, Bull. civ. V, 1991, n° 519 : D., 1992, Jur. 73, concl. Y. CHAUVY ; RTD civ., 1992, p. 365, obs. J. HAUSER ; ibid., p. 418, obs. P.-Y. GAUTIER ; Dr. soc., 1992, p. 28, rapp. Ph. WAQUET.

353 Sur la caractérisation de la discrimination en l’absence d’éléments objectifs avancés par l’employeur, en raison d’un manque de transparence sur les méthodes et techniques de recrutement ainsi utilisées : discrimination syndicale : CA Dijon, 12 juillet 2012, ch. soc., n° 10/01122 ; CA, Toulouse, 4ème ch. soc., 19 février 2010, n° 08/06630.

354 Article L. 2323-32, al. 1er du Code du travail : « Le comité d'entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d'aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci ».

355 S. VERNAC, « L’évaluation des salariés », D., 2005 p. 924.

356 Cette interprétation se heurte toutefois à la distinction opérée entre surveillance et évaluation, cf infra.

357 Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 09-66.339, Bull. civ. V, 2010, n°168 : JCP S, 2010, n° 1457, note critique A. BARÈGE ; cette solution n’est pas nouvelle : Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45.741, Inédit.

consultation du comité d'entreprise »358, de même en matière de licenciement pour motif économique359.

Parallèlement, le comité d’entreprise bénéficie également d’une information indirecte dans la mesure où le système d’évaluation est de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés360.

En matière d’évaluation des salariés, le CHSCT est également compétent361, dès lors que le système mis en place par « les modalités et les enjeux de l'entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail »362.

Ces dispositifs présentent alors le mérite de la prévention en ce qu’ « ils signalent certains points sensibles, susceptibles d’inspirer une enquête sur la licéité d’un système d’évaluation : la vigilance est en effet de mise au moins en raison des menaces qui pèsent sur la santé mentale et la vie privée des salariés »363. En effet, quelques soient les méthodes et techniques mises en œuvre, ces dernières visent d’abord à collecter des données de nature personnelle.

95. – La transparence s’applique également à protéger l’information personnelle ainsi

délivrée, tant par le candidat à l’embauche364 que par le salarié365. L’information répond ici à une nécessité de recueillir son consentement366. Il s’agit de permettre à l’individu de pouvoir maîtriser le flux informationnel le concernant, à la fois sur la nature des données ainsi transmises, que sur leurs destinataires367. Le consentement semble d’ailleurs au cœur de la réflexion au niveau européen, par l’adoption d’un nouveau 358 En associant le termes de contrôle et d’évaluation, la Cour aligne le régime probatoire du premier sur le second. 359 Sur le défaut d’information du comité d’entreprise des méthodes et techniques d’évaluation en matière de licenciement pour motif économique : CA Chambéry, 25 mars 2014, ch. soc., n° 13/01065. 360 Articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du Code du travail.

361 L’article L. 4612-8 du Code du travail prévoyant une consultation de ce dernier sur tout projet « d’aménagement important modifiant (…) les conditions de travail ». 362 Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-21.964, Bull. civ. V, 2007, n° 201 ; D., 2008, AJ. 24 ; RDT, 2008, p. 111, obs. L. LEROUGE et 180, obs. P. ADAM ; rapp. J.-M. BERAUD, Dr. ouvr., 2008, p. 49. 363 A. LYON-CAEN, op. cit. 364 Article L. 1221-9 du Code du travail : « Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ». 365 Article L. 1222-4 du Code du travail : « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ». 366 Recommandation n° R (89) 2 du Conseil de l’Europe, §4.4 : « le recours à des tests, à des analyses et à des procédures analogues destinés à évaluer le caractère ou la personnalité d’une personne ne devrait pas se faire sans son consentement, ou à moins que d’autres garanties appropriées ne soient prévues par le droit interne ». 367 Article 32 de loi du 6 janvier 1978, op. cit.

règlement européen en matière de protection des données amenant à renforcer le droit de contrôle du titulaire des données personnelles368. Si cette question peut être éludée en grande partie s’agissant du recrutement369, elle renforcerait à l’inverse le droit du salarié faisant l’objet d’une évaluation. Néanmoins, la présence d’un tel consentement du salarié n’écarterait pas l’analyse de la pertinence des méthodes d’évaluation ainsi que des informations demandées.

B / Une prise de connaissance pertinente

96. – Employée traditionnellement en matière de droit probatoire370, la notion de pertinence constitue un instrument de mesure. Par la détermination de ce qui est « approprié » 371, la pertinence, une fois évaluée, emporte ainsi une certaine justification372. Elle se rapproche par ce caractère de la notion de proportionnalité373 mais s’en éloigne en raison de son utilité374. La mesure de la pertinence d’un élément

368 Cf infra, n° 139 et s.

369 Les informations étant pour la plupart du temps l’expression de la volonté de l’individu, candidat à l’emploi.

370 Dans ce contexte elle se définit comme « le rapport qui doit exister entre le fait à prouver et l’offre de preuve ou, plus généralement, entre l’objet de la prétention et l’allégation d’un fait pour que cette offre ou cette allégation soit prise en considération » : G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit, cf « Pertinence ». La notion de pertinence est ainsi utilisée en procédure civile afin de refuser certaines preuves (J. CHEVALLIER, « Le contrôle de la Cour de cassation sur la pertinence de l’offre de preuve », D., 1956, chron. 37 ; cf ég. Rép. Dalloz, Procédure civile, « Preuve », n° 91 et s. : « un seul fait pertinent est matière à preuve »), les faits pertinents se distinguant alors de ceux « concluants », les premiers étant utiles, alors que les seconds sont indispensables (H. MOTULSKY, Principes d’une réalisation méthodique de droit privé –

La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, Dalloz, réimpr. 1991 de l’éd. de la librairie du

Sirey parue en 1948, préf. P. ROUBIER, p. 86, note 3).

371 Les définitions des dictionnaires de langue française traduisent bien cette dimension : « Qui se rapporte à la question, qui a trait à la question » (E. Littré, Dictionnaire de la langue française, op. cit.) ; « Qui est approprié à son objet, justifié » (Dictionnaire Le Larousse).

372 Le droit de l’informatique s’est dès le début saisi de ce rapport. Révélé par la loi du 6 janvier 1978, au travers du détournement de finalité, la notion de pertinence apparaît plus clairement dans la Convention du Conseil de l’Europe n° 108 du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel : les données faisant l’objet d’un traitement automatisé sont « enregistrées pour des finalités déterminées et légitimes et ne sont pas utilisées de manière incompatible avec ces finalités », et sont « adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées » (art. 5, b) et c) de la Convention ; définition reprise quasi textuellement par la Directive du 24 octobre 1985 précisant dans son article 6, c) que les données à caractère personnel sont « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ».

373 Principes souvent associés, voir confondus (« les principes (…) de pertinence (ou de proportionnalité) », F. GEA, « L’entretien d’embauche », CSBP, 2014, n° 267, p. 586) ; la proportionnalité témoigne en effet d’un certain degré de pertinence.

374 Si la pertinence s’attache à justifier, la proportionnalité s’emploie à limiter une restriction (aux droits des salariés notamment), que ce soit au niveau de la délimitation du champ de restriction qu’au niveau de

implique alors sa confrontation à une référence. L’appréciation repose alors à la fois sur une base objective375, la finalité professionnelle376, mais contient une part nécessaire de subjectivité tenant à l’intuitus personae du contrat de travail377. D’ailleurs, toute référence à des critères comportementaux n'est pas proscrite. Ainsi, la Cour de cassation a approuvé un employeur d'avoir reproché à un salarié ses « difficultés à travailler en équipe », sa « susceptibilité excessive à l'égard de sa hiérarchie », de même que « son refus constant de se plier aux directives données et de s'intégrer dans les équipes de travail »378. Toutefois, « l'intuitus personae du contrat de travail ne saurait justifier une

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