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société de consommation

C HAPITRE PRÉLIMINAIRE

É

LÉMENTS DE DÉFINITION

184. - Importance des définitions. La définition se définit comme « l’opération mentale qui consiste à déterminer le contenu d’un concept en énumérant ses caractères ; résultat de cette opération sous la forme d’une proposition énonçant une équivalence entre un terme et l’ensemble des termes connus qu’il explicitent »577. Proche de la seconde proposition, on parle d’une définition en tant qu’elle est « une formule qui donne le sens d’une unité du lexique et lui est à peu près synonyme ». C’est enfin l’ « action de caractériser, de préciser une idée, une notion »578. Il est possible de synthétiser ces différentes propositions en une seule : il faut savoir de quoi l’on parle. Cette prescription n’est pas nouvelle, loin s’en faut. Elle a donné naissance à la philosophie en Grèce antique, lui assignant ses objectifs579. Elle constitue aujourd’hui une habitude, un réflexe, un « détour » nécessaire pour accéder à la connaissance, quelque soit la discipline dont il est question, et le droit n’y échappe pas. Ainsi nous nous arrêtons, fidèles aux traditions, sur les définitions importantes.

577

Le petit Robert de la langue française, 2006, (texte remanié et amplifié sous la dir. de Rey-Debove J. et Rey A.), V°, 1.

578

Ces deux sens constituent les 2 et 3 de la définition précitée, V. Ibid. 579

Ainsi, cet impératif (en vertu duquel il faut savoir de quoi l’on parle) apparaît clairement dans un dialogue entre Socrate et Hippias, rapporté par Platon (V. Platon (vers 420-340 av. J.-C.), Hippias majeur, 287 d-288 b, trad. V. Cousin, Éd. Hatier, 1985.), et qui porte sur la question de savoir « ce qu’est le beau ? » :

SOCRATE. Étranger, poursuivra-t-il, dis-moi donc ce que c'est que le beau.

HIPPIAS. Celui qui fait cette question, Socrate, veut qu'on lui apprenne ce qui est beau?

SOCRATE. Ce n'est pas là ce qu'il demande, ce me semble, Hippias, mais ce que c'est que le beau. HIPPIAS. Et quelle différence y a-t-il entre ces deux questions? SOCRATE. Tu n'en vois pas? HIPPIAS. Non, je n'en vois aucune.

SOCRATE. Il est évident que tu en sais davantage que moi. Cependant fais attention, mon cher. Il te demande, non pas ce qui est beau, mais ce que c'est que le beau.

HIPPIAS. Je comprends, mon cher ami: je vais lui dire ce que c'est que le beau, et il n'aura rien à répliquer. Tu sauras donc, puisqu'il faut te dire la vérité, que le beau, c'est une belle jeune fille.

Nous voyons par là le reproche que fait Socrate au sophiste posté devant lui : le philosophe cherche « l’idée », il ne se contente pas d’exemples, mais doit au contraire se tourner vers l’essence des choses. Il doit en d’autres termes partir à la découverte de la vérité. Tel est l’argument qui fonde ce qui aujourd’hui est devenu un « réflexe ». On retrouve cette critique du sophisme dans un autre dialogue, tout aussi célèbre, où Socrate refuse l’idée avancée par Protagoras selon laquelle « l’homme est la mesure de toute chose ». Pour Socrate, il faut par la raison rechercher de la vérité, et essayer de dégager des essences ; c’est ce qu’il exprimera au travers de l’allégorie de la caverne.

185. - Engagement. L’objet plus spécifique de notre thèse est le « désengagement » en droit des contrats. Sans trop tergiverser, nous pouvons a priori soutenir que le désengagement s’oppose à l’engagement580, notion sur laquelle il faut donc s’arrêter. Dans le dictionnaire, on trouve plusieurs définitions qui semblent partager des caractères communs : « (1) dr. Action de mettre en gage ; (2) Action de se lier par une promesse ou une convention. Un engagement moral, formel / Alliance, contrat, pacte, serment, traité, parole ; spécialement promesse de fidélité en amour, liaison ou union qui en résulte. Dr. Obligation ; (3) recrutement par accord entre l’administration militaire… Par analogie, contrat par lequel une personne louent ses services »581. S’oppose à l’engagement les notions suivantes : Dégagement, reniement, renvoi, désengagement, non-engagement.

186. - Engagement-promesse ; engagement-obligation. La première définition est intéressante et en dit long (elle dit peut être tout !) sur le sujet : s’engager, c’est d’abord et avant tout mettre quelque chose en gage. Et ce quelque chose, dans le droit (civil) des contrats, c’est d’abord la Parole. Cela saute aux yeux lorsque l’on compare les définitions du dictionnaire de langue française avec le Vocabulaire juridique. Les trois premières définitions (nous avons tendance à penser que l’ordre choisi dit quelque chose sur l’importance des définitions, qu’il les hiérarchise en quelque sorte) que l’on y trouve sont les suivantes : « (1) Promesse ; plus généralement, manifestation de volonté (offre ou acceptation) par laquelle une personne s’oblige ; (2) L’obligation qui résulte de cet engagement volontaire ; (3) Plus généralement, l’obligation résultant d’une source quelconque (contractuelle ou extracontractuelle) ; engagement unilatéral de volonté. Nom parfois donné soit à l’acte juridique unilatéral par lequel une personne manifeste la volonté de s’obliger envers une autre, soit à l’obligation qui en résulte pour son auteur, au moins dans le système juridique

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Les juristes se sont rarement arrêtés sur la notion d’engagement en tant que tel, préférant aborder la problématique sous l’angle du contrat, ou des obligations. Pour preuve, la bibliographie générale sur les notions générales contenue dans le Code civil (V. sous chapitre premier « dispositions préliminaires ») n’en fait pas mention. A ce jour (et à notre connaissance), seule une thèse a été consacrée à cette notion : V. L. Todorova, L’engagement en droit, ANRT, Thèse à la carte ; l’auteur a complété et précisé son travail dans un ouvrage intitulé L’engagement en droit, L’individuation et le Code civil au 21ème siècle, Publishbook, nous reviendrons bien entendu sur cette étude. Un article rédigé par Ph. Brun renvoi aussi à ce concept, V. Le droit de revenir sur son engagement, Droit et Patrim. 1998, p. 78

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Pour ces définitions, V. Le petit Robert de la langue française, 2006, (texte remanié et amplifié sous la dir. de Rey-Debove J. et Rey A.), V°. On trouve également des définitions plus spécifiques : « (4) État d’une chose engagée dans une autre ; (5) Action d’engager, de commencer une action ; (6) Introduction d’une unité dans la bataille ; (7) xx, action d’engager la partie ; (8) Engagement de dépenses ; (9) Inscription des concurrents ; (10) Acte ou attitude de l’intellectuel, de l’artiste, qui prenant conscience de son appartenance à la société et au monde de son temps, renonce à une position de simple spectateur et met sa pensée ou son art au service d’une cause ».

qui admet qu’un individu puisse, par une manifestation de sa seule volonté, se rendre débiteur d’une personne (de la part de laquelle on ne constate ni ne suppose aucune acceptation expresse ou tacite) »582. La définition qui renvoi à la « constitution du gage ; action de mettre une chose en gage, ou plus généralement, de la grever d’une sûreté » n’arrive qu’en sixième position. En conséquence, il semble que les juristes rattachent avant tout la notion d’engagement à celle de promesse. Cela n’est pas neutre et nous signifie quelque chose, de fondamental qui plus est. Nous reviendrons sur cela au fur et à mesure de l’avancée de notre réflexion. Mais l’important reste que, pour le juriste, l’engagement renvoi d’abord à la notion de promesse, laquelle oblige celui qui l’a faite ; l’engagement est donc une promesse par laquelle une personne s’oblige. Mais c’est également « l’obligation qui résulte de cet engagement volontaire »583 ! Il y a là un élément important, qu’il faudra nécessairement approfondir. Étudier le (dés-) engagement implique d’avoir à l’esprit cette dualité du sens. L’engagement est d’une part la promesse par laquelle on s’oblige, d’autre part l’obligation qui en résulte. Nous verrons comment cela se traduit en matière de droit civil des contrats584.

187. - Promesse juridique. Revenons maintenant sur la notion de promesse. Une promesse, qu’est-ce à dire au juste ? Nous venons de voir que les juristes avaient arrimés le concept à celui d’engagement. Est-ce la même chose ? Sont-ce des synonymes ? Communément, on appelle une promesse l’ « Action de promettre, fait de s’engager à faire quelque chose. / Engagement, Parole, Serment »585. C’est donc au travers de la notion d’engagement que l’on définit l’idée de promesse. Ainsi, à l’instar de deux miroirs l’un en face de l’autre, les notions d’engagement et de promesse semblent, à défaut de se confondre, être liées dans l’infini. Dans le Vocabulaire juridique, le « sens général » du terme promesse est : « engagement de contracter une obligation ou d’accomplir un acte (serment, offre, pollicitation) »586. Il y a également une définition du verbe « promettre » : « (1) S’engager, s’obliger, contracter une obligation ; (2) Jurer, prêter serment, s’engager sous la foi du serment (devant les hommes et parfois devant dieu ou sous une autre invocation suprême mais toujours en présence d’une autorité). Dans la formule du serment promissoire,

582

Cf G. Cornu, Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, 7ème éd. « Quadrige », 2006, V°.

583

C’est la deuxième définition proposée par le Vocabulaire juridique, cf. G. Cornu, op. cit.,. 584

V. infra, n° 184. - et s.

585Cf. Le petit Robert de la langue française, 2006, V°.

586

V. G. Cornu, Vocabulaire juridique, op. cit., . Notons que sont définies juste après les actes juridiques que sont la promesse unilatérale et la promesse synallagmatique.

promettre est souvent associé à jurer »587. Donc promettre, c’est s’engager et la notion contient donc bien cette idée d’une obligation inhérente à la promesse, aux engagements.

188. - Fidélité. Il devient de plus en plus difficile de séparer intellectuellement la promesse, ou l’engagement, de l’obligation qui en résulte. Du don de la Parole jaillit une force qui fait partie d’elle ; il n’est guère possible d’étudier la Parole donnée sans y intégrer l’étude de son respect. En d’autres termes, on pense les notions promesse et d’engagement en y intégrant l’idée de « fidélité » : il faut être fidèle à sa Parole, aux promesses que l’on fait. C’est bien ce qu’il ressort de la première définition du mot « fidélité » proposée par le

Vocabulaire juridique de Cornu : « Foi due à un engagement ; respect de la parole donnée ; accomplissement correct et ponctuel de la mission confiée. Fidélité conjugale ». Se tisse alors un voile où les files de promesse, d’engagement se nouent à ceux d’obligation et de fidélité, voile où la multitude des concepts trouve sa quintessence en un seul principe : le respect de la Parole donnée. Les promesses induisent la confiance mais de ce fait elles impliquent la constance ; c’est comme cela que les hommes en s’engageant deviennent déterminés, uniformes, nécessaires, prévisibles, semblables les uns aux autres, et, à un moment, appréciables588.

189. - Parole. Brièvement, et pour renforcer un peu plus cette vérité d’un indéfectible lien entre toutes ces notions. Le vocabulaire juridique définit le terme « Parole » comme « l’engagement pris oralement (parfois nommé parole d’honneur), par extension toute promesse faite (parole donnée) / Bonne foi, consensualisme, promesse, serment, fidélité, respect »589. Tout cela confirme une nouvelle fois notre proposition : promesse, engagement, obligation, fidélité, contrat sont autant de termes qui se définissent les uns par rapport aux autres et dont les contenus s’entrechoquent. Ce chapitre préliminaire touche à sa fin. L’objectif était de donner une vision globale la notion d’engagement, d’évoquer ses grandes caractéristiques, nous passons ainsi à l’étude de cette parole donnée en gage.

587

Cf. Ibid. 588

Réfléchir sur la promesse implique toujours la conscience d’un besoin humain, trop humain de prévisibilité, dont l’absence est toujours conçue comme une menace au vivre-ensemble, nous y reviendrons.

589

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