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CHAPITRE 1 L'APPAREIL DIGESTIF : DUALITE DE FONCTIONS

II. C.4 Fonction digestive

L'hydrolyse des différents composés alimentaires et endogènes se produit à 3 niveaux : au niveau extracellulaire dans la lumière intestinale sous l'action des enzymes pancréatiques, au niveau de la membrane entérocytaire sous l'action des enzymes de la bordure en brosse, et au niveau intracellulaire sous l'action d'enzymes cytoplasmiques ou lysosomiales.

° Digestion et absorption des protides

Au niveau intestinal, des protéases d’origine pancréatique et des peptidases localisées dans les entérocytes poursuivent la protéolyse amorcée dans l'estomac (Tableau 3).

Tableau 3 Sites d'action des différentes enzymes impliquées dans la digestion des protéines et des peptides dans l'intestin grêle

Origine Nom Type Acides aminés impliqués dans la liaison peptidique

Trypsine Endopeptidase Arg / Lys / AA basiques

Chymotrypsine Endopeptidase Tyr / Phe / Try

Elastase Endopeptidase Ala / Leu / Gly / Val / Ile

Pancréas

Carboxypeptidases Exopeptidase AA de l'extrémité carboxylique

Aminopeptidase neutre (N) Exopeptidase Ala / Leu / Mét

Aminopeptidase acide (A) Exopeptidase Asp / Glu / Arg / Lys

Dipeptidyl peptidase IV Exopeptidase Pro / Ala

Aminopeptidase P Exopeptidase Pro

Carboxypeptidase P Exopeptidase Pro

Bordure en brosse intestinale

Glutamylaminopeptidase Exopeptidase Glu / Asp

Cytoplasme des entérocytes

Di- et tripeptidases

Arg : arginine, Lys : lysine, AA : acide aminé, Tyr : tyrosine, Phe : phenylalanine, Try : tryptophane, Ala : alanine, Leu : leucine, Gly : glycine, Val : valine, Ile : isoleucine, Mét : méthionine, Asp : aspartate, Glu : glutamate, Pro : proline; D’après Erickson et Kim (1990).

Les protéases pancréatiques sont des endopeptidases (trypsine, chymotrypsine ou élastases) hydrolysant les liaisons peptidiques situées au centre des protéines, ou des exopeptidases exerçant leur activité protéolytique aux extrémités de la molécule (carboxypeptidases A et B). Elles sont sécrétées sous forme inactive : trypsinogène, chymotrypsinogène, proélastases et procarboxypeptidases. L'activation de la trypsine est initiée par une entérokinase entérocytaire, et débouche sur une cascade d'évènements conduisant à l'activation de l'ensemble des protéases pancréatiques sous l'action de la trypsine active (Corring et Rérat, 1983). Puis, au niveau de la bordure en brosse et dans le cytoplasme des entérocytes, différentes peptidases hydrolysent les peptides issus de la digestion par les protéases. Le Tableau 3 recense les principales enzymes intervenant dans l'hydrolyse intestinale des protéines connues chez l'homme (Erickson et Kim, 1990).

Les protéines soumises à la digestion dans la lumière intestinale peuvent être d’origine alimentaire ou d’origine endogène (enzymes, corps bactériens, entérocytes desquamés…). Leur hydrolyse produit à la fois des peptides et des acides aminés libres. Le transport des acides aminés peut s’effectuer par diffusion si la structure de l’acide aminé lui confère des propriétés lipophiles ou par l’intermédiaire de transporteurs. Deux types de transporteurs sont décrits, dépendants ou indépendants des ions sodium. Certains peptides traversent la membrane entérocytaire. Ils sont pour la plupart rapidement hydrolysés par des peptidases présentes dans le cytoplasme des entérocytes, mais certains parviendraient tout de même intacts dans la circulation porte (Erickson et Kim, 1990).

° Digestion et absorption des lipides

La digestion des lipides alimentaires dans l'intestin grêle est réalisée par différentes enzymes : la lipase et la colipase pancréatiques responsables de l'hydrolyse des triglycérides, et des estérases à l'origine de l'hydrolyse des autres composés lipidiques (phospholipides, cholestérol, esters de cholestérol…) : phospholipase A2, cholestérol estérase...

Ces enzymes sont sécrétées par le pancréas directement sous forme active (lipase), ou sous forme de procoenzymes (colipase) ou proenzymes (phospholipase A2) nécessitant une activation dans l'intestin grêle par la trypsine (Carey et al., 1983). Les lipides, peu solubles dans l'eau, entrent difficilement en contact avec les enzymes hydrosolubles. De plus, ils tendent à former des agrégats. Ainsi, au niveau intestinal, la digestion des triglycérides est rendue plus efficace par un processus d'émulsification par les sels biliaires, sécrétés par le foie, aboutissant à la formation de micelles hydrophiles. Les sels biliaires, à propriétés tensio- actives, vont former une interface à la périphérie des gouttelettes lipidiques. En abaissant la tension superficielle à l'interface, cette couche de sels permet de réduire progressivement la

taille des gouttelettes. Vient alors se fixer la colipase, qui va servir d'ancrage à la lipase pancréatique. Le site catalytique de cette dernière se trouve alors dans la gouttelette et permet l'hydrolyse des triglycérides. Il est par ailleurs établi chez l'homme que la colipase permet de diminuer le pH optimal d'activité de la lipase, et d’éviter son inhibition par une forte concentration de sels biliaires (Kerfelec, 2004).

La lipase pancréatique a moins de stéréospécificité que la lipase gastrique et hydrolyse indifféremment les acides gras en position sn-1 ou sn-3. En revanche, comme la lipase gastrique, elle ne rompt pas les liaisons en sn-2, ce qui aboutit à la libération d'acides gras libres et de 2-monoglycérides. Cependant, un repositionnement des acides gras sn-2 en position sn-1 ou sn-3 serait possible, et permettrait la libération de l'acide gras initialement en position sn-2 (Mu et Hoy, 2004). La phospholipase A2 et la cholestérol estérase, d'origine pancréatique, hydrolysent respectivement les phospholipides et les esters de cholestérol en présence de sels biliaires (Ramírez et al., 2001).

Ainsi l'hydrolyse des lipides entraîne la libération d'acides gras libres, de mono- et diglycérides de différentes longueurs de chaînes, de glycérol, de phosphatidylcholine et de cholestérol.

Le transport des acides gras libres et des 2-monoglycérides (Kerfelec, 2004) jusqu’à la membrane des entérocytes est permis par les sels biliaires qui maintiennent ces éléments en solution dans des micelles d'une taille de l'ordre du nanomètre. Ensuite, la traversée de la membrane par ces éléments liposolubles est réalisée soit par diffusion passive, soit par l’intermédiaire de transporteurs. Une fois internalisés dans l'entérocyte, les lipides vont se réorganiser en chylomicrons qui vont être exportés par exocytose dans la lymphe (Thomson et

al., 1993). En revanche, les acides gras à chaînes courtes et moyennes court-circuitent pour la

plupart cette réorganisation en chylomicrons et sont transportés directement dans la circulation porte (Ramírez et al., 2001).

° Digestion et absorption des glucides

Chez les mammifères, l'équipement enzymatique pour digérer les glucides est en général très incomplet. Si les glucides intracellulaires, tel l'amidon, sont très bien valorisés par les sécrétions propres de l'animal, de nombreuses enzymes d'origine exogène, sécrétées par des bactéries intestinales, sont nécessaires pour assurer la digestion des glucides pariétaux (cf. page 45).

Concernant les enzymes d'origine endogène, l'amylase pancréatique a un rôle majeur dans la digestion de l'amidon. Elle agit sur les liaisons osidiques en α 1-4 de l'amylose et de l'amylopectine, et conduit à la formation de maltotriose, de maltose et de dextrines dans le suc

intestinal (Corring et Rérat, 1983). Puis, les oligo- ou di-saccharidases (α ou β) de la muqueuse intestinale interviennent en fin de digestion pour libérer des oses simples. Parmi les principales α-disaccharidases, on retrouve les complexes suivants : saccharase/isomaltase (EC 3.2.1.48/10) et maltase/glucoamylase (EC 3.2.1.20/3). Chaque complexe est formé de deux sous-unités liées de manière non covalente et possédant chacune un site actif (Galand, 1989). Le premier complexe hydrolyse les liaisons terminales en α et β-(1→2), α-(1→4) et α- (1→6), tandis que le deuxième ne clive que les liaisons en α-(1→4). Les noms ont été donnés aux sous-unités en fonction de leur spécificité de substrat (Hertel et al., 2000). Cependant, les deux sous-unités du complexe saccharase/isomaltase montrent une activité maltasique. Ainsi, la sous-unité maltase ne serait responsable que de 70% de l'activité maltasique chez le lapin (Le Huërou-Luron, 2002). Cette activité maltasique, relativement faible au début du duodénum, augmente rapidement et reste à des valeurs élevées en fin de duodénum et dans le jéjunum, puis décroît progressivement dans le dernier tiers de l'intestin grêle (Sivakami et

Radhakrishnan, 1975). D'autre part, des β-disaccharidases sont présentes dans la muqueuse

intestinale du lapin : la lactase (Toofanian, 1984a) possédant un rôle physiologique surtout chez le lapereau allaité (cf. page 69) et la tréhalase (Toofanian, 1984a; Galand, 1989). D'autres β-galactosidases, dont l'importance physiologique reste méconnue, ont également été identifiées chez le lapin (Toofanian, 1984a).

Les oses libérés sont ensuite absorbés par la bordure en brosse entérocytaire selon divers mécanismes : transport passif (fructose) ou transport actif couplé avec le sodium (galactose et glucose). Le passage de ces sucres vers le sang se fait ensuite par transport passif au niveau de la membrane basale entérocytaire (Wright et al., 2003).

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