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c) Effet délétère sur l’immunité anti-tumorale

Chapitre II En périphérie, l’ordre est maintenu par les lymphocytes T régulateurs : biologie des CD4+Foxp3+

II.4. c) Effet délétère sur l’immunité anti-tumorale

Les réactions inflammatoires survenant au cours des cancers sont induites, à l'inverse de ce qui est observé au cours des pathologies infectieuses, par des cellules du soi qui subissent des divisions anarchiques et incontrôlées. L’origine endogène des tumeurs rend la génération d’une immunité anti-tumorale difficile. Malgré l’existence d’antigènes tumoraux (antigènes EBV dans certains lymphomes, des formes mutées de p53 dans certains carcinomes épithéliaux, etc), correspondant à un "soi modifié", la mise en route d'une réponse immunitaire antitumorale efficace est aléatoire du fait de nombreux mécanismes d’évasion au système immunitaire. Les tumeurs en particulier génèrent un micro-environnement suppresseur grâce à la production de cytokines aux propriétés immunosuppressives, telles

l’IL-10 (Salazar-Onfray 1999) et le TGF-ȕ (Li, Sanjabi et al. 2006; Li, Wan et al. 2007). Les tumeurs sont également capables de sécréter des facteurs de croissance endothéliaux comme le VEGF (Vascular endothelial growth factor) qui permet d’induire des processus de néoangiogenèse favorisant la croissance tumorale. D’autre part, le VEGF, sécrété localement par les cellules tumorales, inhibe la maturation des CD affectant ainsi l’activation locale des LT (Gabrilovich, Chen et al. 1996).

Des travaux récents semblent montrer que l’obstacle majeur à la mise en place de stratégies efficaces d’immunothérapie anti-tumorale est dû à la présence des Treg, contrôlant l’activation des Tconv anti-tumoraux. L’élimination sélective des Treg par l’injection entre autres, d’anticorps déplétants anti-CD25 et anti-FR4, favorise une diminution de la croissance tumorale et le rejet de la tumeur (Zou 2006; Yamaguchi, Hirota et al. 2007). Les Treg infiltrent massivement les tumeurs solides et leur nombre est considérablement augmenté au niveau des ganglions lymphatiques drainant ces sites tumoraux. L’expansion périphérique de la population de Treg se fait indépendamment du thymus au niveau des organes lymphoïdes secondaires et ne requiert pas de prolifération cellulaire. Il s’agirait majoritairement d’une conversion de LT CD4+CD25-Foxp3- en Treg CD4+CD25+Foxp3+ induite de manière active par la tumeur (Valzasina, Piconese et al. 2006). En 2007, Liu et al. ont montré que c’était le TGF-ȕ produit par les cellules tumorales qui induisait cette conversion de LT CD4+CD25-Foxp3- effecteurs en Treg CD4+ CD25+ Foxp3+. Ils ont, de plus, montré que le traitement des souris avec un anticorps bloquant anti-TGF-ȕ permettait d’inhiber ce processus de conversion et d’induire une immunité anti-tumorale efficace (Liu, Wong et al. 2007). En plus de la fonction jouée par le TGF-ȕ dans l’induction de Treg, le groupe de Zitvogel a montré que, lors d’une réponse immunitaire anti-tumorale (après transferts adoptifs des différents types cellulaires dans une souris nude), le TGF-ȕ produit par les Treg et fixé à leur surface permettait d’inhiber les fonctions effectrices et cytotoxiques des NK vis-à-vis des cellules tumorales (Ghiringhelli, Menard et al. 2005). Parallèlement, le groupe de Von Boehmer a montré dans un modèle tumoral murin que les Treg inhibent la cytotoxicité des LT CD8+ via la production de TGF-ȕ in vivo. En effet, l'activité cytotoxique des LT CD8+ exprimant un dominant négatif du TGF-ȕRII, insensibles à la signalisation induite par le TGF- ȕ, n'est plus inhibée par les Treg. Dans cette situation, le rétablissement de la cytotoxicité est associé à un rejet de la tumeur (Chen, Pittet et al. 2005).

En accord avec ces travaux expérimentaux, l’impact des Treg sur l’immunité anti- tumorale en pathologie humaine est maintenant bien documenté (Zou 2006; Curiel 2007). En 2001, Woo et al. ont observé pour la première fois que des patients atteints de cancers des

poumons et de cancers ovariens présentaient un nombre supérieur de Treg par rapport à celui observé chez des individus sains (Woo, Chu et al. 2001). Depuis, de nombreux types de cancers où la fréquence des Treg dans le sang est supérieure à celle observée chez un donneur sain ont été référencés : cancer du sein, cancer colorectal, cancer œsophagien, mélanomes, cancer pancréatique, leucémies, cancer du rein etc... Toutes les investigations cliniques réalisées à ce jour dans ce domaine indiquent que ces Treg possédant des propriétés suppressives in vitro sont un obstacle majeur à une réponse immunitaire anti-tumorale efficace chez ces patients (Zou 2006).

Comprendre les mécanismes d’actions employés par les Treg dans l’inhibition des réponses immunitaires anti-tumorales est un enjeu crucial dans la mise en place de stratégies thérapeutiques anticancéreuses (Curiel 2007). L’IL-2 est une cytokine assurant la prolifération des LT, elle est utilisée en thérapeutique humaine notamment chez des patients atteints de tumeurs rénales ou de mélanomes afin de favoriser les réponses immunitaires anti-tumorales. Cependant, seulement 7% des patients voient leur tumeur régresser. Une des raisons de ce faible taux de régression est que l’IL-2 favorise l’expansion des Treg chez ces patients et de ce fait la progression de la tumeur (Ahmadzadeh and Rosenberg 2006). L’expression constitutive et forte de CD25 (chaîne Į du récepteur à l’IL-2) à la surface des Treg par rapport aux LT conventionnels leur confère un avantage prolifératif. L’établissement de stratégies thérapeutiques visant à inhiber de manière sélective les Treg spécifiques d’antigènes tumoraux permettrait donc d’induire une réponse immunitaire efficace contre les tumeurs sans pour autant risquer le développement de pathologies auto-immunes dues à une rupture de tolérance (Curiel 2007).

Le rôle majeur des Treg dans l'homéostasie du système immunitaire est donc maintenant bien établi. L'implication de déficits qualitatifs ou quantitatifs de ces cellules dans la physiopathologie de nombreuses maladies offre de nouvelles pistes thérapeutiques. Dans cette optique, il est primordial de mieux connaître la biologie des Treg, leur développement et leur mode de fonctionnement. Les modèles animaux de maladies auto-immunes représentent un modèle de choix pour atteindre ces objectifs et offrent en particulier dans ce domaine la possibilité d’étudier le contrôle génétique du développement thymique des Treg et de leurs fonctions.