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C Domaines d’application des ondes Térahertz

Historiquement, le premier champ majeur d’application des ondes Térahertz (sous le nom d’ondes sub-millimétriques) est l’astronomie [50, 41]. En effet, environ la moi-tié de l’émission électromagnétique cosmique est situé dans cette bande de fréquence. A titre d’exemple, la Figure 1.16-gauche montre le spectre d’émission de notre galaxie, la Voie Lactée. Un pic, correspondant à l’émission du carbone ionisé, peut y être

servé. En effet, l’émission électromagnétique cosmique dans la fenêtre sub-millimétrique est caractérisée par une succession de raies caractéristiques d’éléments chimiques (Fi-gure 1.16-droite), des plus lourds (fréquences les plus basses) aux plus légers constitués d’hydrogène (fréquences les plus hautes). Leur observation et quantification permettent de déterminer la nature et la composition des nuages de poussière interstellaires. Cette connaissance permet notamment l’étude de la formation d’étoiles. En effet, chaque étape de ce processus est corrélée à la présence ou non de certaines espèces, considérées alors comme des marqueurs. Par exemple, la présence des molécules CO et H2O est un indi-cateur du refroidissement du nuage de poussière, nécessaire à la formation d’une étoile. De même, l’analyse des raies spectrales sub-millimétriques permet l’analyse des galaxies lointaines. En effet, elles présentent un milieu interstellaire différent selon leur nature. Par exemple, les galaxies de type elliptique possèdent relativement peu de nuages de poussières, les galaxies de type spirale possèdent des nuages plus denses et composées de gaz froids, et les galaxies en collision sont elles aussi consitutées de nuages denses mais plus chauds. De telles différences peuvent être détectées par la spectroscopie sub-millimétrique8.

Le frein majeur à l’utilisation de ces ondes est leur forte absorption par l’atmosphère. Pour preuve, la Figure 1.17-haut montre la transmission de l’atmosphère en fonction de la fréquence. Seules trois fenêtres sont accessibles : entre 0 et 300GHz, autour de 650GHz et autour de 850GHz [50]. Le reste du spectre est rendu invisible par l’absorption de la vapeur d’eau, prédominante à ces fréquences. Pour remédier à cet obstacle, des mesures en haute atmosphère dans des avions ont été menées. Pour s’affranchir complètement de la contrainte atmosphérique, le satellite Herschel envoyé en 2009 avec l’instrument HIFI (Heterodyne Instrument for the Far-Infrared) a fourni, en 2010, ses premiers résultats. Parmi eux, l’extension de la Figure 1.17-bas à des fréquences autour de 1THz a pu être déterminée [51].

La plupart des molécules observables dans les nuages de poussières interstellaires le sont aussi dans l’atmosphère. Suivre leur abondance ou destruction dans la troposphère ou la stratosphère fournit des marqueurs pour des phénomènes comme la destruction de l’ozone, le réchauffement climatique ou le contrôle de la pollution [52]. De même, l’ob-servation sub-millimétrique des atmosphères de planètes environnantes permet une

amé-8Pour se convaincre de l’intérêt des fréquences THz en astronomie, il est intéressant de calculer les fréquences correspondant aux énergies thermiques des gaz interstellaires. La température de ces gaz varie de 10K à 100/200K, soit, en fréquence correspondante (E= kT = h f ) de 200GHz à 4THz.

Fig. 1.16 – Gauche : Spectre d’émission de la Voie Lactée montrant qu’environ la moitié de la puissance émise est situé dans le spectre sub-millimétrique [41]. Droite : Raies d’émission caractéristiques des composés chimiques dans la bande sub-millimétrique [50].

lioration des modèles existants, concernant par exemple la formation et l’évolution du système solaire [53]. A l’échelle terrestre, la spectroscopie de gaz est également une ap-plication importante des ondes THz. Dû à l’augmentation de l’absorption des espèces gazeuses avec la fréquence (en f2ou f3), la bande de fréquence THz permet un accroiss-sement de la sensibilité des mesures. Il est ainsi possible d’établir des bases de données catalogue, permettant l’identification de gaz par des mesures rapides sur échantillons (ex : système FASSST [54, 55]).

Les résultats qui viennent d’être présentés sont liés à la capacité des ondes THz à dé-tecter les signatures spectrales de composés chimiques. D’autres propriétés intéressantes sont propres à ce spectre :

– Les ondes THz traversent la plupart des matériaux non-polaires et non-métalliques (polymères, tissus, bois...). Ainsi elles peuvent être utilisées pour sonder des maté-riaux déjà emballés, ou pour voir des objets situés derrière des vêtements.

– Leur propagation dans les polymères est influencée par la permittivité diélectrique de ceux-ci. Ainsi, elles possèdent un contraste entre matériaux diélectriques plus important que les techniques de type rayons X.

Fig. 1.17 – Haut : Fenêtre de transmission atmosphérique dans la gamme de fréquence sub-millimétrique mesurée à une altitude de 4200m (Mauna Kea). Bas : Observation du nuage moléculaire d’Orion entre 325 et 360GHz [50].

– En comparaison avec les ondes millimétriques, la résolution spatiale atteinte par les ondes THz est accrue. En effet, cette limite est liée à la diffraction et est repoussée avec la diminution de la longueur d’onde.

– En comparaison avec les rayons X, elles sont très faiblement ionisantes. Il est ainsi supposé qu’une personne sondée ou un opérateur de système THz ne sont potentiel-lement pas soumis à une exposition dangereuse, pourvu que la puissance rayonnée soit faible.

Il faut de plus considérer que l’eau absorbe fortement les ondes THz. En résultent les li-mitations atmosphériques en radio-astronomie précédemment expliquées, l’absorption de

ces ondes par la peau (dans les 100 premiersµm) et leur forte interaction avec les milieux biologiques.

Toutes ces propriétés ont engendré le développement de nouvelles applications des ondes THz. Parmi elles, la sécurité des personnes occupe une place de choix. En effet, la détection d’armes - métalliques et non-métalliques - cachées sous des vêtements ou dans des valises, l’identification d’explosifs solides ou liquides grâce à des signatures spectrales, la détection d’agents biologiques pathogènes ou encore la traque de trafics de médicaments sont possibles par la spectroscopie THz [56]. Ces contrôles peuvent être ef-fectués en contact (objet à sonder très proche du capteur) ou à distance (utilisation dans des portiques pour les gares ou les aéroports). Dans ce dernier cas, l’influence de la va-riabilité atmosphérique (température, pression, humidité) sur les mesures doit être prise en compte [57]. La Figure 1.18 illustre deux applications : à gauche, la détection d’armes cachées ; à droite, les signatures spectrales THz de plusieurs explosifs. De manière sem-blable, la sécurité alimentaire également bénéficie de l’imagerie THz. En effet, s’il est facile en général de détecter des objets métalliques dans des produits alimentaires embal-lés, la détection d’objets non-métalliques reste complexe notamment à cause de leur faible contraste aux rayons X. Les ondes THz, en détectant plastiques, verres ou encore pierres pourraient ainsi être présentes en fin de chaîne de production afin de garantir l’absence d’objets parasites dans les aliments emballés [58, 59].

Fig. 1.18 – Gauche : Imagerie THz pour la détection d’armes (couteau sous un journal -pistolet sous un vêtement). Droite : Signatures spectrales de plusieurs explosifs dans la bande THz [57].

L’utilisation du spectre THz dans le contrôle de qualité de produits peut notamment s’étendre à l’industrie des polymères. Dans ce domaine, un premier enjeu est l’étude de la

qualité de dispersion en leur sein. En effet, diverses particules sont souvent incluses dans les polymères afin de contrôler certaines fonctions (comme les propriétés mécaniques, la couleur, l’inflammabilité). L’homogénéité de la dispersion de ces particules et la connais-sance de leur concentration sont cruciales et peuvent être sondées dans la gamme THz [60]. De même, le contrôle sans contact et non destructif des soudures plastiques est possible : vérification de l’absence d’inclusions diélectriques (poussière, sable) et de l’ab-sence de décollements locaux [61]. Enfin, dans le cas de polymères renforcés par des fibres, l’imagerie THz peut être utilisée pour vérifier leur concentration et leur orientation [62]. En application de type contrôle, la spectroscopie THz a également été proposée pour mesurer le degré d’hydratation de plantes par l’imagerie de feuilles et ainsi permettre une optimisation des procédés d’irrigation [59]. Plus le contenu en eau de la feuille est impor-tant, plus la transmission de l’onde THz à travers elle est faible.

Après l’astronomie et le contrôle, la communication est une troisière application po-tentielle des ondes THz. Dans ce domaine, l’utilisation de fréquences porteuses du spectre THz permet des débits de transmission importants et une plus forte intégration des an-tennes par rapport aux ondes millimétriques. De plus, en terme de disponibilité, la bande de fréquence THz est très peu allouée et de nombreux canaux sont ainsi utilisables. Cepen-dant, les freins importants à l’utilisation de ces ondes en communications sont l’absorp-tion atmosphérique et les puissances des sources encore relativement faibles. Néanmoins, elles sont aujourd’hui considérées pour des applications de type communications satel-lite/satellite ou communications "indoor" [63].

Dans la section précédente, l’intérêt de l’utilisation des ondes THz pour la caractérisa-tion dynamique d’interaccaractérisa-tions biologiques avait été présenté dans le cas de l’hydratacaractérisa-tion. L’application du spectre THz à la biologie est en effet un large champ d’application et d’investigation actuel. Ses problématiques et ses enjeux sont l’objet de la section sui-vante. Au vu des applications qui viennent d’être décrites, deux intérêts majeurs résultent de la compréhension de l’interaction entre ondes THz et matière biologique. Tout d’abord, elle permettra très probablement d’apporter aux biologistes et chimistes de nouveaux ou-tils incontournables pour sonder le vivant. Mais également, en cas de développement des ondes THz dans notre environnement quotidien (comme dans le cas de communications "indoor"), elle permettra d’appréhender les conséquences sanitaires de leur utilisation gé-néralisée.