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4. Variables aléatoires, processus stochastiques et bruit

4.6. Une classe de processus stochastiques importante : les sources de bruit

4.6.1. Bruit thermique

Ce bruit, encore appelé Johnson noise, est dû à l’agitation des électrons dans un conduc- teur, sous l’effet de l’activation thermique. On sait que cette agitation croît avec la tempé- rature ; il en résultera un terme de bruit proportionnel à la température.

Pour des raisons pratiques, on modélise le bruit thermique par la valeur quadratique moyenne de la tension VBT de bruit thermique qui apparaît aux bornes d’une résistance,

mesurée dans la bande de fréquences 4f [Hz], telle que fournie par

E{VBT2 } = 4kBT R4f [V2] (4.160)

où kB est la constante de Boltzmann, égale à 1, 38 × 10−23 joules par degré Kelvin, T la température exprimée en Kelvin et R la valeur de la résistance. L’équivalent de

Thévenin de la résistance (cf. figure 4.7) soumise au bruit thermique consiste à mettre en série la résistance et une force électromotrice de valeur quadratique moyenne E{V2

BT}.

En raison de la présence d’un très grand nombre d’électrons dont le mouvement est indé- pendant, le théorème de la limite centrale conduit à considérer le bruit thermique comme gaussien de moyenne nulle ; d’où une densité de probabilité de la forme

p(x) = √ 1 2πVBT

e

−x2

R

VBT

Figure 4.7. – Équivalent de Thévenin d’une source de bruit thermique.

Pour déterminer la puissance de bruit produite par la résistance, il faut considérer l’adapta- tion de la source de Thévenin, flanquée de sa résistance interne, par rapport à la résistance de la charge connectée à ses bornes. Le transfert maximum de puissance a lieu pour une résistance de charge égale à la résistance interne. Dans ce cas, on détermine une puissance

de bruit disponible de kBT 4f [W ]. 4.6.1.1. Ordre de grandeur

À la température ambiante (T = 300 [K]), la puissance de bruit disponible vaut 4, 14 × 10−214f [W ]. Aux bornes d’une résistance de 1 [kΩ] et pour une bande de fréquences de 1 [GHz], elle correspond à une tension de4, 14 × 10−21R4f = 64 [µV ]. Cette tension est

négligeable pour des systèmes numériques en raison d’autres effets de l’ordre du millivolt. Il en va autrement pour des récepteurs radio qui fonctionnent avec des niveaux de tension de cet ordre. Il en résulte qu’on ne peut pas négliger les effets des bruits thermiques lors de la conception des systèmes radio ou de l’analyse des performances des techniques de modulation continue.

4.6.2. Bruit de grenaille

Ce bruit, encore appelé shot noise, est dû à la fluctuation du courant lors de la traversée d’une barrière de potentiel par les électrons. On le retrouve donc dans tous les semi- conducteurs. Soit un courant I, le nombre de porteurs de charge arrivant au temps t est

N = It

q (4.162)

où q = 1, 6×10−19[C] est la charge d’un électron. L’entier N fluctue légèrement en fonction du temps, d’où il résulte une variation de la valeur instantanée du courant. L’examen analytique (complexe) de ce problème conduit à considérer en pratique que la fluctuation de courant due au bruit a l’allure d’un bruit blanc gaussien pour lequel

E{IGr2 } = 2qI4f [A2] (4.163)

Par exemple, pour un courant valant 1 [mA] et pour une bande de fréquences de 1 [GHz],

IGr= 566 [nA] ce qui équivaut à 28 [µV ] à travers une résistance de 50 [Ω], sans considérer

4.6.3. Modélisation du bruit

La plupart des processus physiques réels, bruits ou autre, sont réellement aléatoires ou sont considérés comme tels. C’est donc par le biais des probabilités qu’il convient d’analyser les bruits.

Comme la puissance utilisée dans un système de télécommunications et sa gamme de fréquences le caractérisent, c’est sans surprise en terme de puissance de bruit que s’est développée l’étude théorique, d’autant que la densité spectrale d’un processus stochastique représentant le bruit, stationnaire au sens large et ergodique, permet d’en calculer la puis- sance. La formule pratique de la puissance de bruit thermique ne fait que confirmer ce fait.

4.6.3.1. Processus gaussien

Les processus aléatoires gaussiens jouent un rôle fondamental en pratique. La loi de Gauss s’introduit en effet naturellement dans de nombreux phénomènes physiques, qui se pré- sentent macroscopiquement comme la somme de nombreux phénomènes microscopiques, via le théorème de la limite centrale.

Définition 64. Un processus aléatoire est dit gaussien si quelle que soit la suite des

instants t1, t2, . . . , tnet quel que soit n, la variable aléatoire à n dimensions X1, X2, . . . , Xn

est gaussienne.

4.6.3.2. Propriétés

Les propriétés dont jouit la gaussienne permet également d’établir une série de résultats utiles pour les simplifications qu’ils apportent. En particulier, les propriétés suivantes sont établies [4] :

— Un processus aléatoire gaussien est entièrement défini par la donnée des moments du premier et du second ordre.

— Un processus aléatoire gaussien qui serait stationnaire au sens large est aussi sta- tionnaire au sens strict, puisque la loi temporelle est entièrement caractérisée par ses deux premiers moments.

— Si les variables aléatoires X1, X2, . . . , Xn, obtenues par échantillonnage d’un proces-

sus gaussien aux temps t1, t2, . . . , tn sont non corrélées, c’est-à-dire que

E{(Xk− µXk)(Xi− µXi)} = 0, i 6= k (4.164)

alors ces variables sont statistiquement indépendantes. L’implication de cette pro- priété est que la fonction de densité de probabilité jointe des variables aléatoires

— Il est aisé de montrer que toute combinaison linéaire finie de variables aléatoires gaussiennes est gaussienne. De façon plus générale, on montre que le caractère gaus-

sien se conserve dans toute transformation linéaire et donc en particulier par filtrage

linéaire.

4.6.4. Bruit blanc

Parmi les processus aléatoires, le bruit blanc revêt une importance particulière parce qu’il représente l’archétype de beaucoup de phénomènes physiques.

Définition 65. Le bruit blanc est un processus aléatoire stationnaire du second ordre centré

et dont la densité spectrale de puissance est constante sur tout l’axe des fréquences3 :

γW(f ) = N0

2 (4.165)

N0 s’exprime en Watt par Hertz. La fonction d’autocorrélation s’écrit donc

ΓW W (τ ) = N0

2 δ(τ ) (4.166)

Elle présente une raie à l’origine et est nulle partout ailleurs. Dès lors, deux variables aléatoires distinctes résultant de l’échantillonnage d’un processus stochastique blanc, quelle que soit l’écart temporel, sont toujours non corrélées.

Par analogie avec le bruit thermique, il arrive que la densité spectrale soit décrite par une température de bruit équivalente Te, comme si le bruit affectait l’étage d’entrée d’un

récepteur. Cette température se déduit de

N0 = kBTe (4.167)

4.6.4.1. Passage du bruit blanc à travers un filtre passe-bande

L’expression 4.165 montre que le processus est de puissance infinie. Toutefois, comme les systèmes rencontrés en pratique sont à bande de fréquence limitée, on modélise souvent le bruit par un processus réel, dont la densité spectrale de puissance est égale à N0/2 dans

cette bande et nulle partout ailleurs ; pour une largeur de bande B, sa puissance est alors égale à N0B. Cette forme bien commode explique pourquoi on définit une densité spectrale

bilatérale faisant intervenir un facteur 1/2.

3. Le terme blanc prend son origine dans l’analogie avec la lumière blanche, dont la puissance est répartie uniformément sur l’axe des fréquences.

Prenons le cas d’un bruit blanc de type passe-bande centré autour de la fréquence fc. Sa description est γW(f ) = ( N 0 2 , f ∈ [fcB 2, fc+ B 2, ] ou f ∈ [−fcB 2, −fc+ B 2, ] 0, sinon (4.168)

La fonction d’autocorrélation est la transformée de Fourier inverse de la densité spectrale d’où, en utilisant le fait que la densité spectrale est paire,

ΓW W(τ ) = Z +∞ −∞ γW(f ) e 2πjf τdf (4.169) = 2 Z +∞ 0 γW(f ) cos(2πf τ )df (4.170) = N0 2πτ [sin(2πf τ )] fc+B2 fc−B 2 (4.171) = BN0 sin (πBτ ) πBτ cos(2πfcτ ) (4.172)

La puissance de bruit vaut donc σ2 = ΓW W(0) = BN0.

4.6.4.2. Passage du bruit blanc à travers un filtre passe-bas

Imaginons à présent le même bruit blanc en bande de base :

γW(f ) = ( η, −B2 ≤ f ≤ B 2 0, |f | > B 2 (4.173) La fonction d’autocorrélation vaut

ΓW W(τ ) = 2η Z +B 2 0 cos(2πf τ )df (4.174) = η πτ [sin(2πf τ )] B 2 0 (4.175) = Bηsin (πBτ ) πBτ (4.176)

Il faut donc prendre η = N0 pour avoir la même puissance totale qu’un signal passe-bande.

Cette forme de fonction d’autocorrélation en relation avec la précédente suggère qu’un bruit en bande étroite puisse être vu comme un bruit en bande de base transposé à une fréquence de porteuse. Cette remarque conduit à la décomposition de Rice.

Dans la modélisation des signaux aléatoires, nous avons défini séparément le caractère blanc et le caractère gaussien. Le premier porte uniquement sur la valeur des deux pre- miers moments : processus centré et densité spectrale constante. Le second porte sur les distributions statistiques du processus. Il n’y a donc aucune implication entre ces deux propriétés4.

4. Pour ne rien arranger à l’affaire, certains auteurs appellent processus blanc, un processus possédant à la fois ces deux caractères

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