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Brève histoire géologique de l’arc liguro-provençal

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II.4. Contexte géologique de l’arc liguro-provençal

II.4.1. Brève histoire géologique de l’arc liguro-provençal

Le paysage géologique provençal tel que nous l’observons aujourd’hui est le produit d’une suite de dépôts de roches formées par refroidissement de magma ou par accumulation de sédiments, ayant subi différentes étapes d’érosion, de destruction, de déformations, de recouvrements et de remises au jour. Ce que nous avons sous les yeux n’est qu’un instantané en devenir, somme de nombreux processus faisant intervenir des mécanismes lents sur des temps très longs (cf. figure 31 et annexe I, tableaux 45 et 46), dont nous allons exposer les grandes lignes, puis l’état actuel qui en résulte.

M E R M É D I T E R R A N É E

Quaternaire Néogène Paléogène Crétacé supérieur Crétacé inférieur Jurassique supérieur Jurassique moyen Jurassique inférieur Trias

Cénozoïque

Mésozoïque

Néoprotozoïque et Paléozoïque Précambrien à Permien

Figure 31. Carte géologique du Sud-Est de la France (carte J.-V. Pradeau, d’après Debrand-Passard et Courbouleix, 1984).

II.4.1.1. Néoprotozéroïque et Paléozoïque

Les plus anciens terrains* datés (550-600 M.A.) en Provence remontent à la fin du Néoprotozoïque.

Principalement identifiés dans la partie est des massifs des Maures et du Tanneron, ces orthogneiss proviennent du métamorphisme de granites alumineux (comme ceux de Bormes) mis en place lors de l’orogenèse* cadomienne (Debrand-Passard et al., 1985, p. 22 ; Toutin-Morin et al., 1994, p. 2-3).

Les terrains du Paléozoïque36 inférieur, plutôt observés dans la partie ouest des Maures et du Tanneron, sont marqués par une forte sédimentation (Cambrien), un épisode magmatique (Cambrien/Ordovicien), puis par le métamorphisme barrovien et le début du cycle orogénique hercynien (Dévonien/Carbonifère inférieur) (Debrand-Passard et  al., 1985, p. 22-50  ; Toutin-Morin et al., 1994, p. 7).

Le Carbonifère voit la formation d’importants dépôts lacustres houillers et la poursuite de l’orogenèse hercynienne dans les Maures et le Tanneron, avec la déformation des terrains cristallins, puis la mise en place de granitoïdes : Prignonet, Plan-de-la-Tour, Rouet, l’Hermitan, Tanneron et les Maures (Aubouin, 1974, p. 349-350 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 27-28 et 49-51 ; Toutin-Morin et al., 1994, p. 7-8).

Le Permien est la dernière période géologique du Paléozoïque. Il est caractérisé par un climat chaud et humide et coïncide avec la fin de l’épisode orogénique hercynien ainsi que le début de la distension téthysienne37. Il s’ensuit une phase d’érosion et d’accumulation considérable de dépôts de granulométrie variable (argiles, sables, conglomérats) résultant de la destruction de la chaîne hercynienne. En Provence, ces formations gréseuses affleurent dans le rift orienté est-ouest, qui résulte de la formation de la Téthys. Les témoins actuels de ce fossé correspondent à la dépression qui entoure le massif des Maures (bassins de Toulon, du Luc et du Bas-Argens) et au Dôme de Barrot (bassins de Barrot, de Tinée et de Vésubie). La fin du Paléozoïque, marquée par une activité volcanique intense ponctuée de phases d’érosion, est aisément reconnaissable dans l’Estérel, grâce aux coulées de rhyolite* rouge intercalées avec les formations détritiques (Aubouin, 1974, p. 349-352 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 49-50 ; Glintzboeckel et Horon, 1985, p. 2-5 ; Toutin-Morin et al., 1994, p. 7-9).

II.4.1.2. Mésozoïque et Cénozoïque

Le Mésozoïque voit globalement l’immersion d’une grande partie de la Provence, une sédimentation marine à dominante carbonatée, puis une émersion graduelle des terrains ainsi formés.

Au cours du Trias, le continent hercynien est progressivement recouvert à l’est et au sud par la mer Téthys. Caractérisée par un climat aride, cette période est aussi marquée par un paysage très usé par l’érosion permienne, qui se traduit par un système hydrique en tresse. Ce réseau hydrologique très

36. Le terme d’ère primaire qui désignait anciennement le Paléozoïque, n’est plus usité. De même, le Mésozoïque correspond à l’ère secondaire et le Cénozoïque à l’ère tertiaire.

37. La Téthys est un paléo-océan qui s’est ouvert d’est en ouest entre le Permien supérieur et le Jurassique moyen. Cet océan va séparer la Pangée en deux continents – Laurasia au nord et Gondwana au sud – avant de se refermer à partir du Crétacé supérieur. La mer Méditerranée est un vestige, en cours de fermeture, de la Téthys.

étalé favorise la sédimentation fluviatile des produits de l’érosion et entraîne la formation de « grès bigarré »38 sur de vastes surfaces, surtout dans la région de Toulon et à la bordure des dépôts permiens qui ceinturent les Maures, comme à Gonfaron (Mennessier et Bordet, 1969, p. 4 ; Aubouin, 1974, p. 353). Vient ensuite une phase marine dite de « Trias carbonaté » (Trias moyen), plus développée à l’est et composée de calcaires et de dolomies parfois cargneulisées par la présence de gypse formé au cours du Trias supérieur39 évaporitique* ; des niveaux de tuf et de basalte sont aussi formés à cette époque (Aubouin, 1974, p. 353 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 99-100 et 105 ; Gèze et Nesteroff, 1996, p. 3).

Au Jurassique, la mise en place de dépôts carbonatés en contexte marin téthysien domine.

Les affleurements actuels du Jurassique se retrouvent dans l’arc de Castellane et de Nice, ou bien entourent l’auréole des terrains formés autour du socle* aux périodes précédentes. Au Lias (Jurassique inférieur), la transgression marine se poursuit ; la sédimentation est d’abord à tendance dolomitique, puis calcaire à bioclastes*. On remarque la formation d’oolithes ferrugineuses dans les régions de plates-formes de faible profondeur au Toarcien (Debrand-Passard et al., 1985, p.  218-219). Les apports détritiques du Dogger (Jurassique moyen) favorisent la formation de marnes et de marno-calcaires, communément connus sous le nom de «  Terres noires  »  ; la transgression marine atteint son apogée. Le Malm (Jurassique supérieur) est marqué par une régression marine et par des dépôts successifs de calcaires néritiques puis récifaux (tels ceux des gorges du Verdon) formés respectivement en contexte de plateau continental et de haut-fond.

Au nord de l’Estéron, la sédimentation reste marno-calcaire ; dans l’arc de Nice, on observe des faciès glauconieux puis dolomitiques (Aubouin, 1974, p. 353-356 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 152-158, 162-166, 198-204, 215-220, 252-255 ; Gèze et Nesteroff, 1996, p. 3).

Le climat se réchauffe et la sédimentation marine se poursuit au Crétacé inférieur, dont les formations affleurent actuellement dans l’arc de Castellane et entre Toulon et Marseille. À l’est, le bras de mer téthysien, appelé mer alpine ou « fosse vocontienne », reste profond et plonge à plus de 1000 m

38. Le grès bigarré est la formation emblématique du Trias inférieur, d’où le terme Bundsandstein qui désigne cette époque en allemand.

39. Ces périodes correspondent respectivement aux Muschelkalk (« calcaire coquillier ») et Keuper (« marne ») allemands.

Zone émergée

Figure 32. Paléogéographie du Sud-Est de la France au début du Crétacé inférieur puis au début du Crétacé supérieur (d’après Aubouin, 1974, modifié).

(figure 32-a). Au niveau de la Provence, la mer demeure peu profonde et favorise la formation de puissants dépôts de calcaires récifaux (faciès urgonien40) ou de marno-calcaires, avec un détritisme de plus en plus accentué, à l’origine des marnes sableuses glauconieuses. Au cours de l’Albien, dernier étage du Crétacé inférieur, une surrection s’opère selon un axe ouest-est, au niveau de l’actuelle basse Durance. Cet « isthme ou bombement durancien41 » sépare la mer alpine du golfe pyrénéo-provençal (figure 32-b) (Aubouin, 1974, p. 356-357 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 317-323, 328-330).

Au début du Crétacé supérieur, la région est sujette à de fortes variations bathymétriques. Dans le Vaucluse peu profond, les sables glauconieux subissent des émersions fréquentes et sont « ocrifiés » sous l’effet du climat chaud et humide (cf. infra, titre 4.2.2 de ce chapitre) (Triat, 1982 ; Triat, 2010, p. 80-145). L’isthme à dominante calcaire est soumis à l’érosion qui y produit des dépressions karstiques, dans lesquelles s’accumulent des argiles et des débris de la cuirasse latéritique recouvrant le vieux continent désormais immergé au sud de l’actuelle Provence. Le climat tropical entraîne une désilicification de ces dépôts et leur altération en bauxite (cf. infra, titre 4.2.4 de ce chapitre) (Aubouin, 1974, p. 357-358 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 358-367, 380-384). Dans l’arc de Castellane, le Crétacé supérieur est bien représenté par des calcaires parfois marneux. Dans l’ouest de la Provence, les calcaires s’intercalent avec des dépôts de conglomérats (la Ciotat).

À la fin du Crétacé, des mouvements tectoniques conduisent à l’émersion de la Provence, ébauchent le plissement du paysage actuel et accentuent la régression de la mer alpine, pour laisser place à des lacs dans lesquels s’accumulent argiles et lignites (Gardanne). La limite entre la fin du Paléozoïque et le Cénozoïque se révèle assez nette, avec un passage de formations marines à des faciès continentaux (Debrand-Passard et al., 1985, p. 375-376 ; Glintzboeckel et Horon, 1985, p. 9).

Le Cénozoïque comprend, en l’état de la nomenclature officielle42, trois périodes : le Paléogène, le Néogène et le Quaternaire. Le Cénozoïque provençal est marqué par la remontée de l’Afrique vers le nord, qui conduit à la fermeture de l’océan Téthys et aux plissements pyrénéo-provençaux43.

40. Le nom de ce faciès provient de la commune d’Orgon (Bouches-du-Rhône), réputée pour ses calcaires blancs.

41. Le deuxième terme est préféré au premier, car si l’existence de ce relief fait aujourd’hui consensus, il n’est pas certain qu’il ait pris la forme d’un isthme (Philip, 2012).

42. Un débat à plusieurs volets anime actuellement la communauté scientifique. Il fait suite à la proposition en 2000 de de Paul Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, de reconnaître et d’inclure l’Anthropocène comme époque géologique contemporaine à part entière dans l’échelle des temps géologiques. Il est défini comme période à partir de laquelle l’influence de l’homme est devenue prédominante sur le système terrestre.

Le deuxième sujet à discussions est le calage du commencement de cette période, entre le Dryas récent qui a vu la disparition progressive des grands herbivores, le Néolithique, l’Antiquité, 1754, date de l’invention de la machine à vapeur, qui marque le début de la révolution industrielle (suggestion de Paul Crutzen) ou encore 1945. Dans tous les cas, la plupart des défenseurs de l’Anthropocène admettent une accélération du processus à partir de 1950 (Crutzen et al., 2007 ; Steffen et al., 2015).

Le troisième point concerne le réarrangement de l’échelle des temps géologiques : si l’on admet l’existence de l’Anthropocène, il serait la première période d’une nouvelle ère quaternaire ou bien du Cosmozoïque (qui commencerait en 1957, début de la conquête spatiale) ; le Pléistocène et l’Holocène seraient inclus dans le Néogène, dernière période du Cénozoïque.

L’année 2014 a vu la création d’une revue dédiée spécifiquement à ce sujet : the Anthropocene Review, éditée par Frank Oldfield chez Sage Publications. Bien que les références à l’Anthropocène soient de plus en plus répandues depuis le début des années 2000, il n’a pas été officiellement reconnu par la Commission internationale de stratigraphie au 34e Congrès de Géologie, qui a eu lieu en 2012. Les réticences ont pour cause l’anthropocentrisme de la terminologie et du concept. La prochaine réunion aura lieu en 2016.

43. La collision continentale entre l’Afrique, l’Arabie et le sous-continent indien d’une part et l’Eurasie d’autre part, entraîne la formation de nombreuses chaînes montagneuses du Maghreb à la péninsule indochinoise, en passant par l’Europe du sud, l’Anatolie et l’Asie méridionale : Pyrénées, Alpes, Carpates, Caucase, Zagros, Hindou Kouch et Himalaya entre autres.

L’orogenèse des Alpes et le démantèlement de plusieurs terrains formés précédemment44 résultent de cette activité tectonique importante, pour conduire à la mise en place de la structure actuelle.

Dans la première moitié du Paléogène (Paléocène et Éocène), le climat devient de plus en plus chaud, puis laisse place à un lent refroidissement tout au long du Cénozoïque. Sédimentation et érosion (surtout à l’Oligocène) alternent pour donner des dépôts variés : marnes et calcaires fluvio-lacustres ou marins (calcaires nummulitiques), et dépôts détritiques en milieu continental (« sables bleutés »), marin ou deltaïque profond (grès d’Annot) (Debrand-Passard et al., 1985, p. 425-435).

La surrection des Alpes commencée à l’Éocène se poursuit au Miocène, première époque du Néogène.

Une transgression marine à l’ouest de la Provence entraîne la formation d’une molasse à ciment calcaire riche en fossiles (Aubouin, 1974, p.  359-367). La mer se retire à la fin du Miocène, la Provence s’élève et le massif des Maures est émergé. Au cours du Pliocène, des argiles sont déposées et des poudingues sont formés dans les basses plaines actuelles lors d’incursions marines qui accentuent ponctuellement l’érosion (plateau de Valensole), laquelle se poursuit durant le Quaternaire pour modeler le paysage que l’on observe aujourd’hui.

II.4.1.3. Paysage géologique actuel

L’histoire pétrologique et tectonique complexe de la Provence a produit une diversité marquée de faciès géographiques et géologiques, que nous pouvons rassembler en quelques grandes unités (figure 33).

La Provence cristalline (Aubouin, 1974, p. 346-347) est constituée de trois massifs orientés ouest-est, reliquats de l’ensemble pyrénéo-provençal édifié par l’orogenèse hercynienne. Ce sont, du sud-ouest au nord-est, le massif du Cap Sicié (352 m), le massif des Maures (710 m) et le massif du Tanneron (519 m). Composés de granitoïdes et de gneiss du socle primaire, ils sont ceinturés par une dépression de terrains permiens de Toulon à Saint-Raphaël et par le massif de l’Estérel (618 m au Mont Vinaigre).

Au-delà de la dépression permienne, la Provence calcaire s’étend sur les départements actuels du Var et des Bouches-du-Rhône. Cette unité peut être scindée en deux à hauteur de Barjols. La partie occidentale est composée de bassins cloisonnés par de puissantes chaînes de calcaires blancs urgoniens comme la Sainte-Baume (1147 m) ou la Sainte-Victoire (1011 m). La Provence calcaire orientale est représentée par des chaînons plus modestes qui séparent de petites cuvettes.

La partie nord orientale de la région étudiée est constituée des marges méridionales de la Provence alpine. Elle comprend :

• le massif du Mercantour/Argentera composé de granitoïdes et de gneiss primaires ; le point culminant de la partie française est la cime du Gélas (3143 m) ;

• Les préalpes de Castellane, orientées ouest-est ; cet ensemble de chaînons et plateaux dont le point culminant est le Puy de Rent (1996 m), est formé de calcaires marneux ou dolomitiques du Jurassique et du Crétacé, élevés au cours du Cénozoïque suite à la collision entre la plaque africaine et la plaque eurasienne ;

44. Dont les bauxites dites allochtones, évoquées infra aux titres 4.2.4.1. et 4.2.4.3. de ce chapitre.

• les préalpes de Nice enfin, plutôt orientées nord-sud ou sud-ouest/nord-est, sont composées de chaînons abrupts de calcaires formés au Jurassique supérieur et au Crétacé. Ces reliefs contrastés créent des paysages cloisonnés, typiques du comté de Nice.

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